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Lutte contre les TMS Au quotidien

Une stratégie globale
et durable nécessaire

La loi oblige l’employeur à assurer la sécurité de ses employés et à préserver leur santé sur leur lieu de travail. En la matière, chaque Ehpad trouve certes les solutions qui lui conviennent mais ici et là, le processus suit un cheminement similaire.

« En Ehpad, les postes les plus touchés sont ceux qui impliquent de la manutention ou des contraintes physiques comme le port de seaux lourds ou se contorsionner pour atteindre des recoins à nettoyer », observe Benjamin Ganzer, ostéopathe et formateur en manutention auprès des Ehpad. Reste qu’éradiquer les Troubles musculo-squelettiques (TMS), dans le cadre d’une activité de soin, « ne se résume pas à inculquer le bon geste », avertit Benoît Dufrénoy, ostéopathe spécialiste des gestes et postures au travail. Pour tirer le bénéfice d’une telle démarche, la stratégie doit être menée sur plusieurs fronts à la fois et dans la durée.

Mais le jeu en vaut la chandelle. Les TMS sont en effet la première cause d’arrêts maladie et d’inaptitudes en Ehpad. Ils font en outre partie des risques psychosociaux. Ils recouvrent une quinzaine de pathologies qui affectent l’appareil locomoteur et plus particulièrement les muscles, les tendons et les nerfs des membres et du tronc. On distingue les TMS du Membre supérieur (TMS-MS : TMS de l’épaule, tendinites, syndrome du canal carpien, cervicalgies…), les lombalgies (douleurs lombaires, lumbagos, sciatiques) et les TMS du membre inférieur (tendinites, jambes lourdes…). Les troubles entraînent une douleur et une gêne dans les mouvements quand ce n’est pas l’impossibilité de les effectuer. Non prises en charge, certaines lésions sont irréversibles.

De la persévérance et de la méthode

L’apparition des TMS est due à une combinaison de facteurs : des facteurs biomécaniques (des gestes répétitifs en force ou en tension, une mauvaise posture, des vibrations, le maniement de charges lourdes) et des risques organisationnels et psychosociaux (des cadences de travail élevées, une mauvaise organisation du travail, le stress…). Les TMS-MS et les lombalgies sont particulièrement présents dans le monde du travail tandis que les TMS du membre inférieur s’y révèlent presqu’inexistants. En 2008, les TMS représentaient 83 % des maladies professionnelles. Si leur prévalence a marqué le pas en 2010, elle a de nouveau crû dès 2011 : cette année-là, 43 000 personnes ont été indemnisées au titre d’un TMS, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2010.

Lutter contre le phénomène ne demande rien d’extraordinaire mais de la persévérance et de la méthode : observation et diagnostic, plan d’action et évaluation.

Stéphanie Marseille

 


L’Ehpad Isatis distingué pour sa lutte contre les TMS

En 2010, l’Ehpad Isatis de Vernouillet (78) a reçu le prix Cramif en matière de prévention. Et pour cause : alertée par le nombre important d’arrêts maladie, la Caisse d’Assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) a accompagné l’établissement dans une démarche de prévention des TMS.

« En 2009, la directrice de l’époque et la Cramif (Caisse régionale d’Assurance maladie d’Île-de-France) ont joint leurs forces pour lutter contre le nombre d’accidents et d’arrêts maladie qui touchaient le personnel », explique Amaury Le Gouic, directeur de l’Ehpad Isatis à Vernouillet qui accueille 69 résidents très dépendants. Les postes de travail les plus touchés concernent tous ceux qui impliquent de la manutention et, en premier lieu, le personnel chargé des soins aux résidents.

Deux agents de la Caisse ont alors accompagné une infirmière coordinatrice dans cette démarche qui s’est étalée sur un an et demi.

« Dans un premier temps, l’infirmière a observé les salariés pendant leur travail. Elle cherchait à évaluer l’engagement physique dans les tâches effectuées et les postures engagées. Il s’agissait d’objectiver et de quantifier l’activité en termes de postures et de charges », reprend le directeur. La coordinatrice a ensuite proposé de revoir les fiches de poste et l’organisation du travail en binôme. Par ailleurs, l’équipe des soignants a cherché à optimiser les équipements à sa disposition. L’Ehpad a également fait l’effort d’acquérir de nouveaux matériels visant à soulager les soignants : des lits médicalisés qui montent pour réduire les efforts, des draps de glisse qui permettent de retourner un résident sans le porter, une douche au lit pour réduire les transferts etc.

« Aujourd’hui, j’encourage la prise de conscience individuelle du risque chez les salariés au travers d’une lettre mensuelle jointe au bulletin de paie. Nous organisons également des formations : en décembre 2012, le personnel soignant s’est ainsi formé à la prévention des risques liés à l’activité physique. Et en 2013, ce sera le tour des personnels d’entretien, de cuisine et d’administration », prévient Amaury le Gouic. Un bémol, cependant : la démarche trouve un écho surtout auprès des salariés les plus récents. « Les salariés les plus anciens se sont usés au travail, les mesures les plus récentes ne suffisent pas à les soulager », déplore le directeur.

 

Trois étapes incontournables

1 Observation et diagnostic

Lire le document unique d’évaluation des risques professionnels, s’il existe, pour se faire une idée de l’ensemble des dangers déjà identifiés. Puis l’enrichir (ou le créer) en observant, in situ, les salariés en action pour analyser les déséquilibres et dysfonctionnements éventuels de l’organisation du travail, des postures et de l’ergonomie des pièces et du matériel. Dresser un diagnostic et encourager l’ensemble du personnel à le compléter.

2 Élaboration d’un plan d’action

Ce plan doit être le plus exhaustif possible. La lutte contre ces pathologies exige souvent de revoir l’organisation du travail, d’adapter le mobilier ainsi que la circulation au sein des pièces ou encore l’architecture mais aussi d’acquérir des lits médicalisés, des lève-personnes, des verticalisateurs ou tout autre équipement susceptible de réduire les efforts. Il est souvent nécessaire d’organiser des formations pour adopter les bonnes postures et gestes.

3 Évaluation des bénéfices des mesures déployées

La diminution du nombre d’arrêts maladie est bien entendu l’une des données pour évaluer le succès d’un plan d’action contre les TMS. Mais pour être efficace à long terme, la prévention des TMS repose sur l’appropriation de la démarche par les salariés qui doivent prendre conscience de son intérêt.

Ressources utiles

• Le réseau Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) dispose d’antenne dans chaque région : les Aract. Ce réseau propose aux entreprises des actions concertées, des diagnostics et des conseils pour améliorer les conditions de travail (www.anact.fr).

• L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) constitue un centre ressource dédié à la protection de la santé au travail (www.inrs.fr).

• Les services de santé au travail disposent d’équipes pluridisciplinaires et peuvent accompagner les établissements dans leurs démarches.

• Le site gouvernemental « Travailler mieux » (http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Les-TMS-en-bref,599.html).

 

Guides :

« Les démarches de prévention en Ehpad, la prévention en action », DIRECCTE PACA, juin 2012.
« Les troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs (TMS-MS), guide pour les préventeurs », INRS ED 957, juillet 2011.
« Prévention des risques professionnels, guide de bonnes pratiques à destination des Ehpad », Synerpa, édition 2011.
« Prévenir les risques professionnels dans les Ehpad », fiche projet du CIDES, mars 2012.







 

 

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