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Ehpad-laboratoires de biologie médicale Non classé

Des relations à statuts multiples

Les examens de biologie médicale sont essentiels pour la prise en charge médicale des résidents des Ehpad. Cependant, les relations entre les laboratoires de biologie médicale et les Ehpad ne font pas l’objet d’un encadrement très clair. Or, de bonnes pratiques en la matière permettent d’optimiser le parcours et la qualité des soins.

« Aujourd’hui, il n’y a pas de texte qui régisse le fonctionnement de la biologie en Ehpad puisque les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont assimilés au domicile des patients », affirme tout de go Vincent Raimondi, médecin biologiste, fondateur et directeur d’un laboratoire à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) qui travaille avec une quinzaine d’Ehpad locaux. Le ton est donné. Les relations entre les laboratoires et les Ehpad sont donc confrontées à la fragile frontière entre établissement et domicile mais également aux différents statuts et modes de tarification qui s’appliquent aux Ehpad. Un flou surprenant lorsque l’on sait que médicalement, « la biologie médicale est, selon le ministère de la Santé, un élément central du parcours de soins des patients, à l’origine d’environ 60 % des décisions thérapeutiques ».
Ainsi donc, en Ehpad, c’est le médecin traitant du résident qui prescrit les examens de biologie médicale. Mais la prise en charge financière et donc organisationnelle de l’examen dépend du système de tarification de l’Ehpad, explique Marie-Pierre Hervy, responsable du service Pratiques professionnelles à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm).

Liberté de choix du patient et convention

Concrètement, dans les Ehpad soumis au régime du tarif partiel, la partie soins ne prend pas en charge les examens de biologie (sachant que 70 % des actes de biologie sont remboursés au patient par l’Assurance maladie). À l’inverse, dans les établissements en tarification globale, le budget soins, entièrement pris en charge via l’établissement, inclut aussi certains actes courants de biologie médicale.
Enfin, une autre différenciation doit être prise en compte, celle entre les modus operandi des établissements publics ou privés, indique Marie-Pierre Hervy. « Le secteur public fonctionne par appels d’offres dans le cadre de marchés publics. Les Ehpad privés, eux, ne sont soumis à aucune obligation. Ils peuvent donc passer des conventions. » Des conventions de partenariat que l’Anesm recommande d’ailleurs dans ses règles de bonnes pratiques en Ehpad afin de « fixer des objectifs écrits et de les réactualiser régulièrement ». « Dans le cadre d’un marché, cela permet d’encadrer les modalités d’intervention et les bonnes pratiques », rappelle Marie-Pierre Hervy. Cette préconisation de convention avec les laboratoires apparaît également, ajoute Linda Benattar, directrice médicale d’Orpéa, dans le cahier des charges de l’évaluation externe comme une garantie de la qualité des prestations.
Pour Orpéa, qui gère de nombreux établissements privés à tarification partielle, signer des conventions de partenariat avec un ou plusieurs laboratoires est un moyen de réduire le nombre d’interlocuteurs et donc de simplifier la prise en charge en améliorant la coordination entre les acteurs et en clarifiant le cheminement des examens, de la prescription du médecin au rendu des résultats et à leur interprétation. « Le laboratoire s’engage à faire intervenir ses préleveurs dans l’Ehpad lors de journées centralisées et à une certaine fréquence mais aussi à intervenir en cas d’urgence. Bien sûr, le résident conserve son libre choix mais le laboratoire de son choix devra signer la convention afin de s’engager à respecter les conditions de prise en charge dans nos Ehpad », explique Linda Benattar. Une liberté de choix du patient confirmée par Alain Suiro, responsable national au sein de l’association Bio Qualité, laquelle accompagne les laboratoires dans la démarche d’accréditation.
Type de facturation, données relatives au régime obligatoire complémentaire, relation avec le médecin traitant, mise à disposition du matériel de prélèvement, mode de communication des résultats ou encore respect du règlement intérieur de l’Ehpad si des préleveurs viennent dans l’établissement sont autant de chapitres à évoquer dans la convention. Sans compter les exigences des laboratoires eux-mêmes concernant les conditions de prélèvement et de transmission des échantillons biologiques.
Au-delà des engagements écrits, les relations entre les biologistes médicaux et l’équipe de l’établissement doivent être calquées sur celles développées avec les différents professionnels médicaux extérieurs qui interviennent auprès des résidents. Aussi, est-il bon que les biologistes médicaux responsables de laboratoires liés à un Ehpad par une convention soient conviés à la commission de coordination gériatrique, qui a lieu deux fois par an, au même titre que les médecins traitants ou les pharmaciens.

Les biologistes indispensables dans la prévention des risques infectieux

Cette relation est d’autant plus indispensable, selon Nathalie Maubourguet, Présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco), que les biologistes médicaux sont aussi des acteurs indispensables dans la mise en place de la prévention des risques infectieux, laquelle passe par une « une réflexion globale sur le développement bactérien en établissement. » « Nous avons besoin des biologistes pour interpréter les analyses, pour nous informer et nous former, affirme Nathalie Maubourguet. Nous devrions d’ailleurs, à ce sujet, formaliser un partenariat avec eux dans les meilleurs délais ».

Éliane Louvet

 

L’évolution de la biologie médicale en bref

La réforme de la biologie médicale, objet de l’ordonnance du 13 janvier 2010 et ratifiée par la loi relative à la biologie médicale du 31 mai 2013, encadre l’organisation de la biologie médicale au travers de l’obligation d’accréditation des laboratoires d’ici 2020, selon la norme EN-ISO 15189. Cette accréditation vise à garantir la qualité et la sécurité des examens de biologie médicale sur tout le territoire. Les laboratoires français sont les seuls au monde à être soumis à une telle obligation.
Conséquence de cette accréditation, les biologistes médicaux sont responsables de la réalisation de la totalité de l’examen (phase pré-analytique, analytique et post-analytique), en d’autres termes, du prélèvement à l’interprétation des résultats. Aussi, lorsque le prélèvement est délégué à un autre professionnel de santé (ce qui est autorisé par la loi) que ceux exerçant au sein du laboratoire et habilités à le faire, ce professionnel de santé tiers doit se conformer aux exigences techniques du laboratoire et signer une convention avec lui (convention à ne pas confondre avec celle signée entre l’Ehpad et le laboratoire). De même, la récente réforme de la biologie médicale a-t-elle accordé le droit aux biologistes médicaux – médecins ou pharmaciens de formation – de modifier la prescription en accord avec le médecin s’ils jugent qu’elle n’est pas tout à fait adaptée ni efficiente sur le plan biologique à la situation du patient. Enfin, acte médical dorénavant reconnu, l’examen de biologie médicale ne peut plus faire l’objet de ristournes sur les prix.

 

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