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Les Ehpad en ordre de marche mais livrés à eux-mêmes

Le 25 septembre, le Premier ministre a admis que les échéances en matière d’accessibilité des Établissements recevant du public (ERP) aux personnes handicapées ne seraient pas tenues d’ici 2015 comme le prévoit pourtant la loi de 2005. Le calendrier est toutefois maintenu malgré quelques réajustements. Pas de quoi inquiéter outre mesure les Ehpad plutôt bons élèves en la matière. Non sans quelques difficultés.

 

« L’échéance du 1er janvier 2015 approche et force est de constater que les différents acteurs peinent à atteindre les objectifs de la loi du 11 février 2005 qui fixe la date de mise en accessibilité du cadre bâti, de la voirie et des transports », reconnaît Agnès Marie-Egyptienne, Secrétaire générale du Comité interministériel du handicap (CIH). Et de souligner que « l’accessibilité est la condition sine qua non de l’égalité et à ce titre, une priorité du Gouvernement ». Ce dernier maintient quant à lui son engagement et invite les acteurs concernés à une « mobilisation inédite » autour d’un « pilotage volontaire, un meilleur dialogue entre les parties prenantes et le dépassement des points de blocage liés à la méconnaissance ou à l’inadaptation de certaines normes ».

Le CIH desserre l’étau de 2015

Outre une campagne de communication, le Premier ministre a lancé, en octobre, deux concertations entre associations, collectivités locales, fédérations professionnelles, maîtres d’œuvre et d’ouvrage afin de faire évoluer le cadre juridique d’intervention des acteurs. La sénatrice PS Claire-Lise Campion a été chargée d’étudier la mise en place, en termes de contenu, de périmètre et de délais, des Agendas d’accessibilité programmée (Ad’Ap). Créés en mars dernier, ces dispositifs permettent aux gestionnaires d’ERP et de services de transport de poursuivre la mise en accessibilité au-delà de l’échéance de 2015 sous condition de programmation budgétaire. La sénatrice doit également définir un dispositif de sanctions financières en cas de non-respect de ces Ad’Ap. Les produits financiers correspondants seront réinvestis dans le soutien aux opérations d’accessibilité.

La deuxième concertation concernera la révision des normes d’accessibilité. « À partir de la mise en évidence des faiblesses identifiées dans le dispositif législatif et réglementaire et fort des propositions de Madame Campion et des travaux des instances consultatives (Conseil national consultatif des personnes handicapées – CNCPH, Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle – Obiaçu), le Gouvernement souhaite donc apporter les modifications nécessaires et équilibrées pour accélérer la mise en accessibilité de la société et mieux prendre en compte les différents types de handicap », explique la Secrétaire générale du CIH. Les premières conclusions seront rendues au Premier ministre en janvier 2014, à la suite de quoi les dispositifs législatifs et réglementaires existants seront modifiés par ordonnance « pour compléter la loi du 11 février 2005 et prolonger la dynamique d’accessibilité au-delà de la seule échéance de 2015, indique Agnès Marie-Egyptienne. 1 000 ambassadeurs de l’accessibilité seront également recrutés dès 2014, dans le cadre du service civique, pour sensibiliser et orienter les acteurs privés et publics dans leur démarche d’accessibilité ». Enfin, une Conférence nationale du handicap aura lieu en 2014 pour faire un premier bilan des engagements pris par le comité interministériel du handicap.

Des Ehpad engagés mais pas toujours aidés

De part leur nature et leur mission, l’accueil de personnes âgées souvent handicapées par leur perte d’autonomie ou leur(s) maladie(s), les Ehpad font partie de ces établissements déjà assez bien adaptés en terme d’accessibilité. « Il y a une véritable volonté d’agir en Ehpad, lesquels sont, je crois, comme les hôpitaux, environ 80 % à être accessibles selon un outil de mesure utilisé par le ministère. Mais ils ne sont pas tous aux normes, explique Marie-Christine Burnier, chargée de développement durable à la Fédération hospitalière de France (FHF). Les Ehpad s’inspirent des exigences de la loi et permettent l’accessibilité en s’adaptant aux possibilités de leurs locaux mais ils ne peuvent pas toujours appliquer la loi stricto sensu. » Le bâti existant et l’investissement financier important que nécessitent les aménagements peuvent en effet empêcher les établissements d’être au maximum de leurs possibilités en la matière.

Et si le CIH a annoncé « un accompagnement » par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) des collectivités

locales engagées dans un agenda, les Ehpad doivent, pour l’heure, se débrouiller seuls. D’autant que le coût financier des normes d’accessibilité vient s’ajouter à celui d’autres normes imposées, comme la sécurité incendie. En outre, « il peut arriver que des normes se contredisent entre elles, comme avec celles ayant trait à la lutte contre les infections nosocomiales. Et puis, il n’existe pas, comme pour les normes incendie, une commission qui passe régulièrement réaliser des diagnostics, ce qui crée de facto une sorte d’obligation », indique Marie-Christine Burnier qui rappelle que la FHF a intégré un « item accessibilité » dans son baromètre du développement durable dont les données seront mesurables l’année prochaine. Christèle Durand, directrice de la résidence Le Village, en Bourgogne, qui a mis son établissement aux normes en 2011 à l’occasion de sa rénovation, émet quant à elle une autre réserve : « Ces exigences sont plutôt faites pour des personnes autonomes et pas pour des personnes handicapées vieillissantes ou des personnes âgées. » Et de conclure sur une note amère : in fine, ces normes ont un impact direct sur le reste à charge des résidents.

Frédérique Josse

 

L’accessibilité généralisée requiert le soutien de l’État

Pour Pascal Jacob, Président de l’association I = MC2 et auteur, en juin dernier, d’un rapport sur l’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées, l’accessibilité ne doit pas se résumer à la modification du bâti. « Quand un établissement n’est pas aux normes mais qu’il compense par un accueil adapté, une mobilité des soins et une véritable volonté, il s’agit déjà de progrès considérables même si tout n’est pas parfait, estime-t-il. Surtout, l’État doit prendre en compte l’énorme difficulté de travailler auprès de public handicapé dans les conditions tarifaires actuelles auxquelles sont soumis les professionnels du soin. Car prendre en charge un patient handicapé demande une adaptation des locaux, une formation à la prise en charge du handicap spécifique mais aussi plus de temps et parfois même un accompagnement ou la présence d’aidants. Il faut donc aider les soignants à répondre aux exigences de la loi pour que les personnes handicapées puissent se faire soigner en milieu ordinaire. »

 

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