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Bien préparer le chantier et être transparent sans chercher à cacher quoi que ce soit Non classé

L’Ehpad Les Jardins d’Iroise, situé à Cozes en Charente-Maritime, appartient à un petit groupe familial de gestion de maisons de retraite. Cet établissement comptait au départ un premier site de 36 lits, un deuxième de 26 lits et un troisième de 10 lits. Il a été décidé de construire une extension sur le premier site et de le rénover afin de regrouper les trois structures mais aussi d’en augmenter la capacité. Ce sera chose faite à la fin de l’année après plus d’un an de travaux. La nouvelle structure accueillera au total 86 résidents. Pour l’heure, la première phase de travaux est terminée. Le directeur de l’établissement, Guillaume Bascle, et sa psychologue, Vanessa Delépine, reviennent sur cette expérience.

 

Comment le projet a-t-il été préparé ?

Guillaume Bascle : Nous avons averti nos autorités de tutelle dès le départ de notre volonté de créer un établissement rassemblant plusieurs petites structures. Nous avons ensuite remis notre dossier aux autorités compétentes. Il a été étudié avec attention par diverses commissions d’autant que nous nous trouvons à côté d’un site classé aux Monuments historiques. Nous avions donc des contraintes architecturales assez strictes à respecter. Par exemple, le nouveau bâtiment n’a qu’un étage. Parallèlement, nous avons aussi demandé et obtenu une autorisation d’augmentation de notre capacité en nombre de lits. Ce regroupement et ces travaux nous permettent à la fois de remettre aux normes l’ensemble des sites existants et de rationaliser le personnel en regroupant tout le monde.

 

Comment cela a-t-il été accueilli par l’ensemble des acteurs de l’établissement ?

G. B. :  La nouvelle des travaux a été plutôt bien accueillie, que ce soit par les résidents ou leur famille. En effet, nous refaisons tout à neuf et tout sera aux normes. C’est rassurant. Nous avons en outre organisé des réunions avec les familles. Nous les tenons au courant de l’avancée des travaux et nous organisons des visites. Quant aux résidents, ils sont spectateurs du chantier qui se déroule sous leurs yeux : ils sont curieux d’en voir l’évolution. Les inquiétudes les plus importantes sont relatives au transfert des résidents de leurs chambres actuelles aux nouvelles et nous les rassurons sur ce point.

Vanessa Delépine : Diverses réunions ont été organisées en amont par la direction pour annoncer le projet aux résidents et à leur famille. Les questions et les angoisses sont ensuite arrivées petit à petit : pour nos résidents, en effet, c’est un nouveau déménagement qui leur est imposé. Bien souvent, cela leur rappelle leur départ du domicile et cela fait remonter pas mal de souvenirs et de questionnements. Ce sont surtout des questions d’ordre pratique : Comment cela va se passer ? Qui va faire les cartons ? Que peut-on emmener avec nous ? Ces questions pratiques cachent une autre réalité : par exemple, l’une de nos résidentes qui occupe sa chambre depuis douze ans va devoir la quitter pour qu’elle soit rénovée. Elle vit cela comme un véritable traumatisme. Heureusement, quand les travaux seront terminés, chaque résident aura le choix entre réintégrer son ancienne chambre rénovée ou rester dans sa nouvelle chambre s’il l’apprécie.

 

Comment faire face à ces questionnements ?

V. D. : J’ai rencontré chaque résident lors d’entretiens de soutien. D’ailleurs, je continue à voir très régulièrement les plus angoissés d’entre eux pour désamorcer les peurs. Nous avons aussi organisé des groupes de parole pour permettre l’échange entre résidents et pour leur apporter des réponses : la parole fait son chemin et aide à évacuer l’angoisse. Dès que le chantier a été visitable, nous les avons accompagnés et leur avons montré une chambre témoin. En outre, j’y retourne à la demande avec ceux qui n’avaient pas pu ou voulu assister à cette première visite. L’idée est qu’ils puissent se faire une idée concrète et non que cela relève du fantasme et de l’imagination. De même, comme nous allons augmenter notre capacité, certains redoutent que nous perdions l’aspect familial de nos établissements. C’est pourquoi nous allons tenter de reconstituer au maximum l’atmosphère et le cocon de chacun des trois Ehpad pour rassurer nos résidents. C’est pareil pour les familles : nous sommes à leur disposition et elles savent que tout le monde (direction, soignants, maîtresse de maison…) est disponible pour répondre à leurs questions car cela engendre aussi beaucoup d’angoisse chez elles.

 

Comment avez-vous garanti la sécurité et le bien-être des résidents et des équipes durant le chantier ?

G. B. :  C’est le rôle du maître d’œuvre donc le mien en tant que chef d’établissement. Toutefois, n’étant pas un spécialiste du bâtiment ni du gros ou du second œuvre, nous avons fait appel, en plus de l’architecte, à un maître d’œuvre de profession qui vient sur le chantier entre une à deux fois par semaine. Et c’est avec lui que nous avons veillé à garantir la sécurité. Par exemple, lorsque nous avons dû réaliser la jonction entre l’ancien bâtiment à rénover et la nouvelle aile, nous avons installé des portes coupe-feu.

V. D. : On ne peut pas dire que ce soit une situation vraiment confortable : il y a du bruit tandis que les engins, les machines et les grues perturbent un peu leur quotidien. Mais il n’y a pas eu de changement dans leur confort journalier à proprement parler.

 

Forts de votre expérience, quels conseils pourriez-vous donner ?

V. D. : Lors de ce genre de travaux qui peuvent être très lourds, il ne faut pas oublier les résidents et vraiment les inscrire au centre du projet : il faut les rendre acteurs de son déroulement. Il faut aussi bien préparer le chantier et être transparent sans chercher à cacher quoi que ce soit ni aux résidents ni à leur famille. Il ne faut surtout pas chercher à retarder les annonces par peur d’une éventuelle souffrance ou des peurs qui pourraient être générées, ce qui serait bien pire.

G. B. : Il faut vraiment communiquer et à tous les niveaux : avec les tutelles pour les tenir informées du déroulement et de l’avancement du projet ; avec les différents organismes qui peuvent avoir un rôle à jouer comme les services vétérinaires, par exemple ; avec les familles et les résidents (par le biais de réunions, du journal de la résidence ou lors de rencontres informelles); enfin, avec les professionnels. Le changement est forcément anxiogène mais il va permettre de travailler et de vivre dans de meilleures conditions au quotidien : c’est là-dessus qu’il faut vraiment communiquer. 

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