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« Une coresponsabilité de tous les opérateurs de santé. »

Travailler sur les étapes du parcours de santé pour agir sur la qualité de vie du résident en Ehpad

Dans le cadre de la Stratégie nationale de santé, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a lancé un appel à candidatures à destination des régions : huit ont été retenues comme « territoires-pilotes » dans la mise en œuvre du parcours des Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa). Parmi elles, la région Centre a été la première à installer son comité de pilotage, le 22 octobre, et à signer une lettre d’engagement avec les partenaires stratégiques concernés. Estel Queral, chef de projet « Paerpa » à l’ARS du Centre, fait un point sur l’avancée du projet et précise la place dévolue aux Ehpad.

Ehpad magazine : Quel rôle les acteurs de terrain et notamment les Ehpad ont-ils joué dans l’élaboration du projet ?

Estel Queral : Une première réunion de lancement s’est tenue le 11 juillet dernier, à Loches, où étaient conviés tous les acteurs dont l’ensemble des Ehpad du territoire-pilote. Le dispositif Paerpa a été présenté dans toutes ses composantes. La phase de diagnostic partagé du territoire est en cours et tous les acteurs y sont ou y seront pleinement associés, notamment avec la mise en place de l’instance opérationnelle dite comité tactique.

EM : Où en est la mise en place du Paerpa ?

E. Q. : C’est le début de l’expérimentation. Le territoire-pilote a été choisi du fait d’une implication forte des
acteurs locaux et de plusieurs initiatives locales en cours de déploiement. Ainsi, nous sommes en attente de plusieurs diagnostics tels que celui du Contrat local de santé sur le pays Touraine sud ou de la MAIA (Mission pour l’autonomie et l’intégration des services d’aide et de soins pour les personnes âgées) qui développe ses missions sur le territoire depuis septembre. Par ailleurs, de nombreux entretiens auprès de la population, des professionnels de santé libéraux, des établissements ou des services sociaux, médico-sociaux ou sanitaires ont été réalisés. Ils devront permettre de mettre en avant les besoins des personnes âgées et des professionnels intervenant pour et autour de la personne âgée afin d’éviter les ruptures de prise en charge sociale et sanitaire. C’est fondamental pour le Paerpa : l’objectif est l’intégration de tous les opérateurs de santé et leur coresponsabilité dans la prise en charge de la personne âgée, c’est-à-dire s’assurer que la personne âgée est dans la bonne structure, au bon endroit et au bon moment. À la suite de ces différents éléments, un diagnostic partagé avec l’ensemble des acteurs de terrain sera réalisé d’ici la fin de l’année afin d’établir une convention Paerpa qui liera l’ensemble des acteurs et identifiera les actions à mettre en œuvre.

EM : Quels éléments de diagnostic attendez-vous, notamment de la part des Ehpad ?

E. Q. : Un des enjeux est la coordination des acteurs, notamment lors des moments importants de la personne âgée, à savoir le placement en institution et les phases évolutives de la personne âgée au sein de l’Ehpad, c’est-à-dire les entrées et les sorties d’établissement. Dans quelles conditions se fait l’entrée en Ehpad ? Connaît-on le nombre de places disponibles ? Ces informations sont-elles partagées avec l’ensemble des partenaires ? Quelle est l’organisation des soins, la nuit et le week-end (astreinte des Ide etc.) ?… De même, pour la sortie lors d’une hospitalisation. Le transfert de la personne âgée se fait-il dans les meilleures conditions et au bon moment ? Le retour après hospitalisation est-il organisé ? Les conventions ont-elles bien été passées avec les hospitalisations à domicile, les établissements sanitaires ?… Outre la coordination avec les partenaires de l’Ehpad, l’objectif du Paerpa est également de travailler sur l’organisation interne de l’Ehpad. Le plan personnalisé individualisé de l’Ehpad a-t-il bien été mis en œuvre ? Intègre-t-il la situation sanitaire et sociale de la personne ? Les informations circulent-elles correctement au sein de l’Ehpad, en pluridisciplinarité ? Y a-t-il un dossier de liaison d’urgence ?

EM : Quelles améliorations structurelles du parcours de la personne âgée ce travail de coordination va-t-il apporter ?

E. Q. : Aujourd’hui, les professionnels de santé indiquent qu’il y a tous les éléments pour assurer une bonne prise en charge de la personne âgée. En revanche, il y a une méconnaissance des différents dispositifs et des interventions des uns et des autres. À quel moment faire appel à ces dispositifs, notamment pour les sorties d’hospitalisation ? Comment mettre en place le plan d’aide sociale et le SSIAD ? Quelles sont les offres de répit dont peuvent disposer les Ehpad. A quel moment s’appuyer sur ces différents leviers ?… Il y a un besoin de fluidité dans le parcours de santé. Aussi, s’agit-il de s’appuyer sur les dispositifs existants pour structurer les différents niveaux de coordination : coordination clinique de proximité, coordination territoriale d’appui, coordination des secteurs sanitaire, social et médico-social. Le plus du Paerpa sera l’échange sécurisé d’informations via la Messagerie sécurisée de santé (MSS) et le Dossier médical personnel (DMP). Les professionnels du secteur social pourront bénéficier de la Messagerie sécurisée de santé sous certaines conditions, ce qui constitue une avancée majeure dans la coordination des acteurs et de la coresponsabilité. Le parcours sera également balisé par quatre documents de référence : le Plan personnalisé de santé (PPS) qui reprend le diagnostic sanitaire et social de la personne et le plan d’action à mettre en œuvre ; le Dossier de liaison d’urgence (DLU) pour les Ehpad ; le Volet de synthèse médicale (VSM) pour les professionnels de santé libéraux ; le Compte-rendu d’hospitalisation (CRH) qui, à la sortie d’une hospitalisation, sera communiqué au médecin traitant, à la coordination clinique de proximité ou à l’Ehpad. Ainsi, l’ensemble des éléments de l’état de santé de la personne sera connu au plus vite et le plan d’actions pourra être mis en œuvre dans les meilleures conditions. Les Ehpad pourront bénéficier aussi d’une évaluation standardisée en faisant appel à l’expertise gériatrique de l’établissement de santé. Ils sauront ainsi quels critères de fragilité ont été détectés et quand. Il y aura donc des changements sur la pratique et la formation des professionnels, s’ils en ont besoin.

EM : Le Paerpa peut-il retarder l’entrée en Ehpad et en ralentir la médicalisation ?

E. Q. : Un des objectifs du Paerpa est de maintenir la personne le plus longtemps à son domicile dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, un travail sur les moyens de repérer au plus tôt la fragilité de la personne âgée en mettant en place des plans d’actions sanitaires et sociales et en travaillant sur les thématiques pointées par le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) comme facteurs-clés d’hospitalisation (la dénutrition, le médicament, la chute et la dépression de la personne âgée) sera lancé. Des actions de prévention et d’éducation thérapeutique seront développées. Une meilleure coordination en ville avec le médecin traitant, l’infirmière, le pharmacien, le masseur kinésithérapeute via la coordination clinique de proximité sera recherchée. Les personnes entreront peut-être plus tard en institution mais leur âge et leur état de santé nécessiteront probablement des besoins plus importants. Cela aura un impact sur l’organisation de l’établissement au bénéfice du résident car son PPS sera intégré dans le projet de vie de l’Ehpad. En travaillant sur les différentes étapes du parcours de santé de la personne âgée (amont, en institution, lors de l’hospitalisation, aval de l’hospitalisation), nous pensons pouvoir agir réellement sur la qualité de vie de la personne âgée et, donc, du résident en Ehpad.

Propos recueillis par Camille Grelle

 

Les raisons d’un choix

Philippe Damie, Directeur général de l’ARS Centre, explique pourquoi l’Indre-et-Loire et plus particulièrement le pays lochois ont été retenus comme terrain d’expérimentation des Paerpa : « La dynamique locale existante a été un facteur essentiel du choix. Elle est portée par un pôle de santé pluridisciplinaire et un médecin libéral qui s’est engagé sur les prémisses de cette
médecine de parcours et a réussi à fédérer des initiatives qu’il faut maintenant structurer et prolonger. En outre, ce territoire abrite plus de 100 000 personnes dont 12 000 sont âgées de plus de 75 ans. »
Plus largement, l’ARS invoque, pour justifier la décision du ministère, « la présence, sur le territoire du sud-est de l’Indre-et-Loire, d’une offre diversifiée de services et l’existence de pratiques de coordination associées à une mobilisation active des partenaires. Les enjeux portent notamment sur la coordination entre les différents secteurs sanitaires sociaux et médico-sociaux, avec une attention particulière sur l’identification des risques de rupture lors du parcours de santé de la personne âgée dans une perspective de réponse intégrant la double dimension préventive et curative. »
Ce territoire regroupe également treize Ehpad. Leurs retours sur l’expérimentation en tant qu’acteurs de terrain feront l’objet d’un article dans un prochain numéro d’Ehpad magazine.

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