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L’Europe, nouvel Eldorado des groupes français d’Ehpad

Korian, Orpéa, Médica… : les grands groupes privés français gérant des maisons de retraite médicalisées partent à la conquête de l’Union européenne (UE).

 Les pays frontaliers attirent de plus en plus les groupes privés français de maisons de retraite. Orpéa, l’un des leaders du secteur dans l’Hexagone, s’est implanté à l’étranger dès 2004. Il possède aujourd’hui 322 établissements en France (principalement des Ehpad) mais aussi 21 en Espagne, 12 en Italie, 2 en Suisse et 43 en Belgique. « Nous détenions 49 % du groupe de maisons de retraite Medibelge, le numéro un sur la région bruxelloise, et nous venons d’acquérir les 51 % restant », précise en outre Steve Grobet, chargé de la communication du groupe. Son concurrent Korian, présent en Italie et en Allemagne, a quant à lui acquis au début de l’année trois nouvelles maisons de retraite outre-Rhin tandis que Le Noble Âge inaugurera son sixième établissement belge en octobre. Des pionniers puisque peu de groupes étrangers osent la même stratégie et qu’aucun n’a su s’installer durablement en France (voir encadré).

Un secteur français saturé

La conquête du marché européen a débuté en 2003. En cause, la forte concentration du secteur dans l’Hexagone : l’an dernier, quatre groupes représentaient à eux seuls 45 % du secteur commercial. « Les autorisations de créer de nouveaux Ehpad sont délivrées au compte-gouttes par les pouvoirs publics, explique Pascal Brunelet, Directeur général délégué de Colisee Patrimoine Group. Nous nous développons en rachetant des établissements existants or, le marché devient pénurique et les prix grimpent. Nous nous orientons donc vers de nouveaux marchés en France, comme les résidences non médicalisées ou les services de soins de suite et de réadaptation, mais aussi à l’étranger. » Le groupe a ainsi ouvert un Ehpad en Espagne en 2009. « Il est aussi performant que ceux que nous avons en France avec un taux d’occupation des lits de 95 % », se félicite Pascal Brunelet. Même situation pour Le Noble Âge qui, en 2003, cherchait des établissements à acheter dans le Nord de la France, en vain. « Les opportunités étaient de l’autre côté de la frontière », détaille Willy Siret, directeur délégué aux opérations. Aujourd’hui, les maisons de repos belges du groupe sont remplies à 95 %.

Un marché européen prometteur

Selon l’office européen de statistique Eurostat, les personnes âgées de plus de 80 ans représenteront 12 % de la population de l’UE en 2060 contre 4,6 % actuellement. L’Italie et l’Allemagne sont les pays où la population vieillit le plus.

À cela s’ajoutent de récentes transformations socioculturelles dans les pays du sud de l’Europe : les femmes travaillent de plus en plus et les logements sont plus petits du fait de l’explosion du prix des loyers. Il est donc plus difficile pour les familles de prendre en charge leurs aînés, surtout lorsque ces derniers sont très affaiblis.

Les groupes français font dès lors valoir leur savoir-faire médical. « En Espagne, les établissements n’étaient pas aussi en pointe qu’en France en termes de prise en charge de pathologies type Alzheimer, précise Pascal Brunelet, de Colisee Patrimoine Group. Nous avons donc mis en place des structures médicalement et architecturalement adaptées. Par exemple, des parcours de déambulation pour que les personnes atteintes de ces troubles puissent dépenser leur énergie et extérioriser leurs angoisses. »

Une gestion locale

Pour convaincre leurs futurs résidents, les groupes ont aussi misé sur une gestion locale. « Notre filiale italienne gère nos 24 maisons de retraite présentes sur place », confirme Valérie Rivoire, directrice de la communication du groupe Maisons de famille. Une façon d’échapper aux difficultés liées aux différences de législation et de coutume entre les pays. Cette approche est assez systématique : l’assureur helvète Swiss Life exploite ainsi des maisons de retraite en Allemagne via sa filiale germanique. « En Italie, nos prestataires de service et nos personnels sont italiens. Les menus sont conformes aux habitudes locales », garantit Valérie Rivoire

Le prix des chambres est également adapté au niveau de vie du pays. En Espagne, Orpéa propose un tarif moyen de 55 euros par jour pour l’hébergement contre 75 euros en France. Seuls les standards qualité ont été transposés tels quels, soutiennent les responsables des groupes. « Nous avons apporté des techniques d’accompagnement des personnes âgées comme le recours à des psychomotriciens ainsi que des techniques de management avec l’organisation régulière de réunions-cadres pour faciliter la circulation des informations par exemple », ajoute la directrice de la communication de Maisons de famille.

Concurrence française à l’étranger

À force de conquérir les marchés européens, les géants français des maisons de retraite se retrouvent face à face de l’autre côté de la frontière. Ainsi, à Barcelone, un établissement Orpéa est situé à proximité d’un autre de Colisee Patrimoine Group. « Il n’y a pas de concurrence exacerbée car, sur place, les besoins de prise en charge sont très importants, relativise Steve Grobet, d’Orpéa. Il y a de la place pour tout le monde, y compris pour les acteurs privés ayant les moyens d’investir à une époque où les pouvoirs publics ont moins d’argent. » Ce point de vue est partagé par Willy Siret, du Noble Âge : « La concurrence est la même qu’en France. Il faut simplement être bon dans son métier, le montrer tous les jours et le faire savoir. »

Nathalie Ratel

 

Des Français à l’étranger, aucun étranger en France

Si les grands groupes français développent leurs activités dans les pays à fort potentiel démographique et économique, y compris en Chine – Colisee Patrimoine Group espère y créer une quarantaine d’établissements d’ici trois ans – les groupes étrangers ne se risquent pas dans l’Hexagone. L’un des rares exemples est celui du fonds de capital-investissement britannique BC Partners, actionnaire principal de Médica entre 2006 et 2011, qui a fini par céder la plupart de ses actions à des sociétés françaises l’an dernier. Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, suppose que la législation complexe de notre pays décourage les groupes étrangers. En termes de places en Ehpad, « l’offre commerciale en France est plus faible que dans d’autres pays puisqu’elle ne représente que 20 % de l’offre globale contre 60 % en Espagne, par exemple, ajoute-t-elle. L’offre y est en outre très structurée et compétitive. » Ce n’est toutefois pas la législation européenne qui freine leurs éventuels projets d’expansion : tant que les groupes de maisons de retraite respectent les législations nationales relatives à la prise en charge des seniors, ils peuvent librement s’établir dans tous les pays de l’Union européenne.

 

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