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Les libéraux dans les Ehpad Non classé

Les éccueils juridiques à connaître

L’intervention, auprès des résidents hébergés en Ehpad, de professionnels de santé exerçant à titre libéral ne va pas sans soulever des difficultés juridiques dont le droit écrit et la jurisprudence portent les traces.

Par Jacques Hardy, Avocat associé – Barthélémy-avocats

 

Ce que disent… les textes

En matière de droit écrit, le rôle du médecin coordonnateur fournit un excellent exemple. Cette institution, dont l’existence paraît aller de soi, a nécessité la publication d’un décret n°2011-1047 du 2 septembre 2011 relatif au temps d’exercice et aux missions du médecin coordonnateur exerçant dans un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes mentionné au I  de l’article L. 313-12 du Code de l’action sociale et des familles, immédiatement suivi d’un arrêté du 5 septembre 2011 relatif à la commission de coordination gériatrique mentionnée au 3° de l’article D.312-158 du Code de l’action sociale et des familles tandis qu’avant l’élection présidentielle, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) annonçait une circulaire précisant le rôle respectif de ce médecin coordonnateur et de la commission de coordination gériatrique.

Cet empilement de textes sur un même sujet montre bien comment, par accumulation, le droit de l’action médico-sociale ne cesse de se compliquer jusqu’à mettre en péril le principe d’intelligibilité et d’accessibilité du droit promu par le Conseil constitutionnel1. Et le mouvement de « simplification et d’amélioration du droit » engagé par l’ancien président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale est, en la matière, de peu de secours quand il ne contribue pas, à l’inverse de l’effet recherché, à compliquer ce qu’il prétend simplifier 2.



Du côté de… la jurisprudence

La jurisprudence porte elle aussi la trace de cette complexité du droit applicable à l’intervention des professionnels libéraux en Ehpad. Un arrêt récent (15 mars 2012) de la 2e chambre civile de la Cour de cassation en fournit un exemple3 .

Mme X., infirmière exerçant à titre libéral, intervenait auprès des personnes hébergées au sein d’un l’Ehpad dont l’association gestionaire, ayant signé une convention tripartite avec l’Etat et le Conseil général, décidait, à bon droit, d’embaucher des infirmières salariées. Elle informait dans le même temps ses résidents qu’en conséquence, ils ne pourraient plus prétendre au remboursement des soins prodigués, à leur demande, par une infirmière libérale.

Informés par l’association qu’ils ne pourraient plus prétendre au remboursement des soins prodigués, à leur demande, par l’infirmière libérale, les résidents ne tardèrent pas à s’en détourner. L’intéressée, ayant ainsi perdu sa clientèle, assignait l’association en réparation du dommage subi. Elle obtenait des dommages et intérêts de la Cour d’appel (13 000 €) conduisant l’association condamnée à se pourvoir en cassation.

Pour indemniser la demanderesse, la Cour d’appel avait, comme le lui commande l’article 1382 du Code civil, recherché l’existence d’une cause au préjudice dont la réalité (perte de revenu) n’était pas contestée. Elle l’avait trouvée dans le caractère erroné de l’information fournie par  l’association à ses résidents en estimant que l’association gestionnaire ne pouvait affirmer que le choix d’embaucher des infirmières induisait un refus de prise en charge des soins prodigués par une infirmière libérale puisque l’article R314-167 prévoit que, dans ses deux modalités4, le  forfait-soins inclut la rémunération des infirmier(e)s exerçant à titre libéral.

Prenant le contre-pied de la Cour d’appel, la Cour de  cassation a censuré l’arrêt en faisant une lecture opposée de l’article R314-167 du Code de l’action sociale et des familles aux termes duquel, selon elle, « le versement à l’établissement du forfait de soins excluait que les Caisses primaires d’Assurance maladie puissent prendre en charge en sus de ce forfait les soins prodigués par les praticiens libéraux intervenant à la demande des personnes hébergées ».

Même si sa démarche d’information auprès des résidents s’en trouve implicitement validée, le gestionnaire est,  dans ces circonstances, dans la position inconfortable d’avoir à annoncer que la liberté de choix du patient pourtant  garantie avec emphase par la loi5 a un prix qui est le non-remboursement par l’Assurance maladie des soins prodigués par l’infirmière libérale.

 

Références

1 Décision n°99-421 DC du 16 décembre 1999 ; décision n°2006-540 DC du 27 juillet 2006.

2 Jacques Hardy, « Simplification et amélioration du droit : les incidences sanitaires et sociales de la loi du 17 mai 2011 », Revue de droit sanitaire et social n°5, 2011, p. 894.

3 Association « Les Colombes » c/ Mme X…, pourvoi n°10-28058.

4 Tarif journalier global ou partiel

5 Article L 1110-8 du Code de la santé publique, article L 162-2 du Code de la sécurité sociale

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