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Le Tarn innove avec le réseau Eco-Ehpad Non classé

Compostage

Chasse aux emballages, compost, poulailler : dans le Tarn, quatre Ehpad, épaulés par le Conseil général, ont engagé un combat contre les déchets.


CompostageDepuis le Grenelle de l’environnement, les Départements sont sommés de mettre en œuvre des plans départementaux de prévention des déchets, surtout dans les établissements dont ils sont responsables. La plupart des départements pensent spontanément aux collèges. Or, sous la houlette de Daniel Vialelle, vice-Président du Conseil général en charge de l’Environnement, le Tarn a innové : doté de 63 Ehpad, le département avait tout intérêt à leur tendre la main. « En janvier 2012, nous avons entièrement financé une phase de caractérisation des déchets dans trois Ehpad. A partir de ce diagnostic, chaque établissement a déterminé son propre plan d’action et dispose de deux années pour le mettre en œuvre avant évaluation. Ensuite, nous diffuserons les bonnes pratiques », détaille le Conseiller général.  

 


Le nécessaire inventaire des poubelles

Une phase de caractérisation des déchets a donc marqué le lancement de cette démarche. « Selon la méthode Modecom de l’Adema, nous avons passé deux jours par Ehpad à trier les déchets produits sur deux semaines. Nous avons ainsi pu classer les déchets en plusieurs catégories », décrit Stéphane Chenerie, fondateur de la société Scorval. L’inventaire au grand jour du contenu des poubelles a révélé bien des surprises. Premier poste de production des déchets dans les chambres : les protections usagées qui composent 90 % du volume d’ordures. Premier poste de déchets issus des cuisines : les déchets organiques fermentiscibles. « Nous n’en avions pas conscience, ce qui nous laisse une belle marge de manœuvre », commente le directeur de l’Ehpad de Saint-Amans-Soult (84 lits). Autre découverte : l’important volume d’emballages de plats-témoins stockés pour analyse en cas d’intoxication.


Plusieurs actions possibles

« Nous encourageons les produits issus des circuits courts. Ils sont frais, ont plus de goût, et cela réduit les emballages des produits surgelés. En outre, nous avons fait des tests : 1 kilo de viande surgelée donne 700 grammes de viande cuite tandis que 1 kilo
de viande fraîche donne 850 grammes de viande cuite »
, souligne le Conseiller général. À Saint-Amans-Soult, la première action a consisté à sensibiliser le personnel et à rectifier les erreurs de tri effectuées en toute bonne foi, tandis qu’à Saint-Pierre de Trivisy, le tri s’est amélioré. Et depuis la caractérisation des déchets, les Ehpad-pilotes font la chasse au gaspillage : Saint-Pierre-de-Trivisy a, par exemple, remplacé les bouteilles de vin par des pichets et cherche à substituer les bouteilles d’eau par des carafes en chambre. Les établissements de Saint-Amans-Soult et de Réalmont (70 lits) ont quant à eux remplacé les emballages en plastique des plats-témoins par des boîtes. « Récemment, nous avons remplacé les 15 briques de lait journalières par des bidons de 5 litres de lait livrés par une productrice locale », détaille Cédric Decavele, directeur de l’Ehpad de Saint-Amans-Soult. Le compostage n’ayant pas séduit cet Ehpad, il s’est doté d’un poulailler : non seulement, une poule consomme 150 kilos de déchets organiques par an mais le poulailler offre un support d’animation pour les résidents qui ont toujours vécu à la campagne. Engagé depuis longtemps dans une démarche de développement durable, l’Ehpad de Réalmont triait les vêtements et le papier, privilégiait les circuits courts et l’autoproduction et produisait déjà son propre compost réutilisé dans le jardin. L’établissement a rejoint les autres après la phase de caractérisation des déchets pour amplifier ses propres actions. « Nous avons sensibilisé nos fournisseurs pour qu’ils diminuent les emballages en carton (-150 kilos) même si nous ne les éliminons pas complétement car le carton sert au compost », assure la directrice Céline Cazajous qui cherche aussi le moyen d’ajuster les repas aux goûts exprimés par les résidents.


« En revanche, s’attaquer aux protections usagées représente pour nous un Everest. Cela implique de changer les pratiques professionnelles, de modifier l’entretien, la lessive, le séchage… Au final, ne risque-t-on pas de déplacer les coûts ? Nous allons plutôt tenter de peser sur les fournisseurs, à treize Ehpad, pour que les changes soient les plus biodégradables possibles », avertit Cédric Decavele. En avril prochain, les quatre Ehpad pilotes de la démarche formaliseront leur réseau au travers d’une charte Eco-Ehpad.

 

Les protections, des déchets difficiles à réduire

Augmentant avec la dépendance, le volume des protections pour adultes n’est pas appelé à diminuer. « Une protection usagée pèse 1,2 kilos. A raison d’une moyenne de deux à trois changes par jour, une personne incontinente produit donc 7,5 kilos de déchets. A l’année, le volume pour 100 personnes représente 270 000 litres de déchets », estime Yoann Bourdon, chargé de marché institutions à SCA France. Hors de question de les recycler, les protections jetables étant en effet assimilées aux ordures ménagères. Elles sont donc enfouies ou incinérées.

Pour aider les Ehpad à réduire ce volume, la marque Tena promeut sa démarche baptisée Tena solutions : « Nous formons les équipes à mieux choisir et poser les protections pour éviter les surconsommations. Et nous proposons de compacter les protections usagées avec des compacteurs sous vide qui en divisent le volume par deux », explique  Yoann Bourdon.

Une poignée d’Ehpad testent quant à eux les protections lavables. Sollicité par le Siers, (Syndicat mixte du nord de la Creuse), l’Ehpad de Bussière Dunoise (23) s’apprête à évaluer la pertinence des protections et alèses lavables. « Il a fallu du temps au Siers pour trouver les bons produits et les endroits susceptibles de laver de tels volumes. A présent, nous cherchons les résidents et les salariés volontaires », précise Francis Chasteing, directeur de l’Ehpad. La manipulation des protections usagées n’est pas sans contrainte et touche à l’intimité des résidents : logique en théorie, la démarche s’avère en pratique culturellement délicate. A Nalliers (85), la Résidence fleurie a d’ailleurs fini par jeter l’éponge : chères à l’achat, les protections lavables ont eu une durée de vie deux fois moins longue que prévue, leur utilisation générant des coûts en lessive et en désinfectants mal anticipés pour un maintien moins adéquat.   

 

 


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