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L’eau, un bien à haut risque en Ehpad Non classé

Eau

EauL’eau constitue un vecteur privilégié de propagation de micro-organismes potentiellement pathogènes (bactéries, virus, champignons…). Au vu de la multiplicité de ses formes (eau du robinet, eau en bouteille ou en fontaine, eau gélifiée…) et de ses utilisations en Ehpad (alimentation, soins, toilette, chauffage…), une bonne culture de la prévention des risques liés aux réseaux de circulation et de distribution d’eau est nécessaire de même qu’une connaissance des conséquences judiciaires potentielles.

 

 

Sur le plan réglementaire, l’eau est le bien de consommation le plus surveillé au monde et notamment en France. En vertu de l’article L1321-1 du Code de la santé publique, « toute personne qui offre au public de l’eau en vue de l’alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit et sous quelque forme que ce soit, y compris la glace alimentaire, est tenue de s’assurer que cette eau est propre à la consommation ». Cela vaut pour l’eau à usage alimentaire, sanitaire (eau destinée aux soins et à la toilette) mais aussi technique (eau du réseau de chauffage et de climatisation), insiste Solenne Roche-Brugère, avocate, spécialisée dans le secteur médico-social au sein du cabinet Carakters. « Les populations âgées étant particulièrement vulnérables au risque d’infection, les Ehpad font partie des Établissements recevant du public (ERP) les plus concernés par la question de la qualité de l’eau », précise-t-elle. Sachant que ces derniers doivent autant veiller à la sécurité sanitaire des personnes âgées hébergées que du personnel et du public qui fréquentent l’établissement.

 

Obligations strictes

Les obligations ou recommandations pesant sur les Ehpad sont multiples (voir encadré) afin de limiter les risques infectieux (pneumopathies, diarrhées, gastroentérites…) et toxiques. Ainsi, au moins un prélèvement annuel contrôlant la potabilité de l’eau du robinet et des fontaines doit être réalisé tandis qu’une vérification hebdomadaire de l’aspect et de la couleur de l’eau du robinet est recommandée afin de repérer d’éventuels problèmes affectant la qualité des canalisations. « L’important est de bien assurer la traçabilité de toutes les actions de maintenance et de surveillance des réseaux d’eau menées dans l’établissement en les recensant au sein du carnet sanitaire », insiste Philippe Prévost, responsable du patrimoine chez Korian. En ce qui concerne le risque spécifique de légionellose, un certain nombre de mesures doivent être prises, détaillées par l’arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles et par une série de circulaires de la Direction générale de la santé (DGS). Parmi elles, figure le contrôle annuel du dénombrement de légionelles.

En outre, ces bactéries proliférant dans une eau comprise entre 25 et 45°C, les températures relevées en tout point des réseaux d’Eau chaude sanitaire (ECS) doivent être à peu près équivalentes à 50°C. Mais pas au-delà, en tout cas au niveau des robinets de lavabo ou de douche, afin d’éviter les risques de brûlure.

 

Sanctions pénales

Les conséquences en cas de contamination peuvent être lourdes pour le directeur d’Ehpad, désigné comme le premier responsable en vertu du Code de la santé publique. En effet, il peut, en cas de décès d’un résident, se voir infliger des sanctions civiles (dommages et intérêts pour la famille du résident) voire pénales (emprisonnement et amende).

L’exemple d’un directeur d’hôpital mis en cause pour des cas de légionellose survenus en 2002 dans son établissement est édifiant. « La situation factuelle et juridique rencontrée par ce directeur est identique à celle à laquelle un directeur d’Ehpad pourrait être confronté, souligne Catherine Tamburini-Bonnefoy, avocate spécialisée dans le contentieux en droit médical au sein du cabinet Carakters. L’établissement en question était très bien organisé et disposait notamment d’un comité de lutte contre les infections nosocomiales et d’un groupe Eau dont l’objectif prioritaire était de lutter contre les légionelles. Or, à l’époque, le risque identifié de légionellose concernait essentiellement le circuit de l’eau chaude et le problème est venu des tours aéro-réfrigérantes qui assuraient la climatisation d’une partie de l’établissement. » Au total, 22 patients et visiteurs ont été infectés parmi lesquels quatre personnes (toutes des personnes âgées) sont décédées.

 

100 000 euros d’amende

L’établissement, poursuivi en tant que personne morale, a été condamné à une amende de 100 000 euros avec sursis. Le directeur de l’établissement à l’époque des faits a lui aussi été jugé et ce, pour homicides involontaires, blessures involontaires et exploitation sans autorisation d’une installation classée soumise à autorisation, certaines installations à risque comme les tours aéro-réfrigérées et les cuves à fuel enterrées étant soumises à une réglementation spéciale. Il a écopé de 3 mois de prison avec sursis avant de faire appel et d’être finalement mis hors de cause concernant les homicides et blessures involontaires en 2011.

Toutefois, « les peines encourues pour homicide involontaire sont de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, détaille Catherine Tamburini-Bonnefoy. Elles sont respectivement portées à 5 ans et 75 000 euros en cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité. »    

Nathalie Ratel

 


Pour en savoir plus

Les textes de loi

– Article L1321-1 et suivants du Code de la santé publique.

– Arrêté du 30 novembre 2005 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l’alimentation en eau chaude sanitaire des bâtiments d’habitation, des locaux de travail ou des locaux recevant du public.

– Arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d’eau chaude sanitaire.

 

Les guides

« Les risques liés à l’eau en établissements médico-sociaux », service Santé-Environnement de la Délégation territoriale de la Somme (2013).

–  « Eau des établissements pour personnes âgées – Maîtrise des risques sanitaires », Groupe Eau Santé (2008).


 

 


Infos pratiques

– Définition. La légionellose est une maladie respiratoire causée par des bactéries (les légionelles) présentes naturellement dans l’eau et dangereuses lorsqu’elles sont en concentration trop importante. Elle se contracte par inhalation de micro-gouttelettes.

– Cas. Un directeur d’Ehpad du sud de la France a récemment été jugé pour homicide involontaire suite au décès d’une résidente atteinte de brûlures graves en maniant le robinet d’eau chaude de sa douche. Il a finalement été mis hors de cause en 2011. Il avait en effet respecté toutes ses obligations liées à l’eau en matière de sécurité et de prévention. En outre, aucune faute professionnelle de la part des membres de son personnel n’avait été commise.

– Prestataire extérieur. S’il apparaît que le développement des bactéries est lié à un défaut de maintenance qui elle-même avait été confiée à un prestataire extérieur, le directeur pourra se retourner contre ce prestataire pour engager sa responsabilité.


 

 

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