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Les cuisiniers, partenaires incontournables pour relever le défi nutritionnel Non classé

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formation nutritionTrop longtemps centrés sur la formation HACCP (Hazard analysis critical control point), les plans de formation ont oublié les apports essentiels de connaissances pour accompagner l’évolution de la profession de cuisinier en Ehpad.

 

La maîtrise sanitaire est réglementaire et doit être appliquée. Mais la politique de formation des établissements gériatriques doit intégrer d’autres apports. Il faut élargir le champ de compétence et de culture des professionnels de cuisine pour accompagner les défis de la restauration des personnes âgées.

 

Les enjeux de la fonction restauration en Ehpad sont en effet multiples :

• satisfaire les goûts des consommateurs et garantir des repas plaisir;

• réduire la prévalence de la dénutrition des personnes âgées;

• utiliser au mieux les ressources économiques dédiées aux achats alimentaires;

• optimiser l’organisation du travail pour produire et distribuer les repas.

La réduction de la dénutrition en institution implique de faire évoluer les modes de prise en charge alimentaire actuels. Cette évolution passe par un retour aux fondamentaux du métier de restaurateur : susciter le plaisir de manger, standardiser l’offre alimentaire, adapter les volumes alimentaires aux capacités et aux envies des consommateurs, servir le repas dans de bonnes conditions…

 

La formation, un outil essentiel pour relever le défi

 

Le métier de restaurateur et de cuisine dans un établissement gériatrique n’est pas un métier banal ! Il nécessite bien entendu une maîtrise du traitement des produits ainsi qu’un savoir-faire particulier au niveau des techniques culinaires et de cuisson.

Mais ce métier intègre une obligation de participation quotidienne à la santé nutritionnelle des personnes âgées. Repas après repas, les aliments proposés doivent permettre de couvrir les besoins en calories (entre 1 900 et 2 000 cal par jour), en protéines (70 g en moyenne), en calcium (1 200 mg) et autres nutriments.

Or, l’apport moyen journalier en établissement gériatrique est souvent déficitaire pour plusieurs de ces éléments. Pour que l’alimentation soit au rendez-vous de la nutrition, il est impératif de former l’équipe de cuisine aux contraintes nutritionnelles inhérentes au métier de restaurateur santé et d’acquérir les connaissances nécessaires pour connaître encore mieux les résidents.

 

Enrichir les connaissances en nutrition de tous les cuisiniers des établissements gériatriques

 

Les cuisiniers doivent maîtriser les connaissances suffisantes et nécessaires en matière de nutrition des personnes âgées mais aussi en ce qui concerne l’impact de l’âge sur l’évolution physiologique, les tenants et aboutissants des troubles de la déglutition, les impacts alimentaires des pathologies prises en charge, les modes d’enrichissement alimentaire, les modes de prise en charge de la démence (dont la maladie d’Alzheimer) etc.

Une formation adaptée d’une journée donne de probants résultats en termes de prise de conscience. Cette formation doit aussi être proposée aux personnels chargés du service des repas.  

Les professionnels de cuisine en Ehpad maîtrisent les techniques culinaires et de cuisson traditionnelles. Mais la qualité et la performance passent par l’innovation technologique. La technologie permet en effet d’accéder à de nouvelles approches culinaires. L’ouverture à toutes les techniques de cuisson, de conditionnement, d’enrichissement, de concentration gustative… sont autant de réponses que seuls les professionnels de cuisine peuvent apporter.

La cuisson à juste température, la cuisson de nuit ou encore le recours à un four mixte peuvent ainsi être abordés après quelques heures de formation.

 

 

 Les plats à texture modifiée :

La fabrication des plats à texture modifiée et l’enrichissement revêtent un intérêt réel pour ce qui est de la réappropriation du métier par les cuisiniers. Les repas à texture modifiée constituent en effet une part importante de la consommation alimentaire. Environ un tiers des résidents sont en effet concernés par ce type de restauration. En outre, il est impensable de déléguer la production de ces repas car elle constitue le cœur même de la restauration en Ehpad. La formation à la confection de textures modifiées est essentielle et doit intégrer toute la palette des savoirs liés à ce type de production : connaissance de la granulométrie des aliments, évolution physico-chimique des aliments lors de la texturation, types de cuisson associée à la mise en œuvre des viandes et volailles, recours aux agents de textures et à la cuisine moléculaire pour combattre la perte de saveur liée à la destruction des molécules volatiles… La technique de la texturation implique une maîtrise technique élevée pour les cuisiniers (découvrir l’univers des textures modifiées sur la web émission culinaire des cuisiniers d’Ehpad sur www.senes.org/video_recettes_cuisine_senes.php)

 

Les plats enrichis :

 

Il en est de même pour la fabrication de plats enrichis, le recours aux CNO (Complémentations nutritionnelles orales) ne constituant pas une réponse au défi nutritionnel. Les cuisiniers sont en mesure de préparer des plats enrichis au moins aussi riches en calories et en protéines que les préparations industrielles et nettement meilleures.

En somme, les cuisiniers d’Ehpad doivent se réapproprier des productions qui constituent l’essence même de leur mission. Et ce, pour voir fleurir dans les cuisines des établissements gériatriques de nouvelles approches : fabriquer ses yaourts, faire des glaces et sorbets, concocter des jus de fruits frais et des milk-shakes, préparer des plats mijotés pendant quinze heures, retravailler des légumes oubliés…  

Julien Garnier, Directeur du cabinet SENES

 

 


Quelles compétences acquérir ?

 

Voici quelques exemple de modules de formation pour que les personnels de cuisine puissent améliorer la restauration, la nutrition et l’hôtellerie en Ehpad.

Restauration, nutrition et hôtellerie en Ehpad :

• Prise en charge hôtelière des seniors en Ehpad.

• Prise en charge opérationnelle de la nutrition des personnes âgées en Ehpad.

• Alimentation des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. 

• Prise en charge hôtelière des patients en fin de vie en Ehpad.

 

Techniques culinaires, textures modifiées, cuisine moléculaire et enrichissements :

• Maîtrise des nouvelles techniques de cuisson et de production en Ehpad.

• Fabrication des plats à texture modifiée et de plats enrichis pour les seniors.

• Maîtrise des nouvelles techniques de cuisson et gastronomie moléculaire. 


 

 


Jean-Louis Moresco : « Nous maîtrisons de moins en moins les différents chaînons de notre production »

 

Chef de cuisine à l’Ehpad La Batie,  à Grenoble, depuis seize ans.

« Je suis titulaire d’un CAP en hôtellerie restauration. Cette formation m’a permis d’acquérir une très bonne base culinaire. J’ai pu mettre à profit les compétences techniques que j’ai acquises auparavant pour en faire bénéficier nos aînés. Mais je trouve que notre métier a sacrément évolué. Il faut savoir que dans les années quatre-vingt, nous réalisions nos propres jus, nos pâtes brisées, nos pâtes à brioche. Aujourd’hui, nous sommes devenus des assembleurs et nous maîtrisons de moins en moins les différents chaînons de notre production.

En ce qui concerne les régimes de nos résidents, nous n’avons jamais appris à prendre en charge nos résidents en termes de spécificités alimentaires et nutritionnelles alors que ces compétences sont aujourd’hui indispensables pour bien réussir sa mission. Je prends l’exemple d’une dame qui mange sans résidu et qui vit dans notre Ehpad. Et bien j’ai dû regarder sur Internet les spécificités de ce régime pour mieux le comprendre. Pour l’enrichissement, je rencontre la même problématique, je sais enrichir mes préparations avec divers ingrédients mais je ne maîtrise pas très bien les quantités que je pourrais administrer et à quelle fréquence. A l’heure actuelle, ce sont des cordes qui manquent à mon arc et je pense que beaucoup de chefs sont confrontés aux mêmes difficultés. Le cuisinier qui exerce dans le secteur de la santé doit-être considéré différemment. Nous n’avons pas les mêmes missions. Notre métier est une combinaison de plusieurs compétences : les techniques culinaires (cuisson et texturation) ainsi que la nutrition de la personne âgée (besoins et optimisation). L’alimentation fait partie des derniers plaisirs du senior et nous nous devons de faire au mieux. » 


 

 

 

 

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