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Maux individuels, combats collectifs TMS et RPS

Les Troubles musculo-squelettiques (TMS) interpellent la globalité de la personne dans sa dimension physique et psychologique. Ils appellent donc des réponses globales.

«  Les TMS résultent des sollicitations physiques à répétition et sont aggravés par le stress, le vécu du travail, la qualité de l’entraide entre collègues etc. », rappelle Hugues Chambon, ergonome, formateur et consultant en matière de prévention des risques professionnels en Ehpad. Et pour lutter contre ces troubles, il n’y a pas de solutions uniques et prédéfinies. « Il faut commencer par une analyse globale et collective du travail des salariés de l’établissement », indique-t-il. Cette réflexion permet d’évaluer l’existant, c’est-à-dire les contraintes et les besoins des salariés en termes de formation ou encore de matériel (disques ou rails de transfert, par exemple). « Certains établissements investissent dans du matériel coûteux mais parfois inadapté, met en garde l’ergonome. L’exemple type est celui de lève-malades difficiles à manier ou stockés loin des chambres où ils seraient utiles. Et donc délaissés par les aides-soignants souvent soumis à des contraintes de temps. »

D’où la nécessité d’une réflexion fine pour réaliser un état des lieux sur-mesure. Celui-ci doit déboucher sur une série d’objectifs figurant dans un projet d’établissement consacré à la prévention des risques professionnels en Ehpad. Ce projet doit être porté par la direction et soutenu par tous les salariés, rappelle Hugues Chambon.

Animateur Prévention TMS

Certaines maisons de retraite ont quant à elles fait le choix de désigner une personne ressource dans leurs locaux. C’est notamment le cas de l’Ehpad Saint-Joseph à Dole (Jura). « Lorsque j’ai pris la direction de l’établissement, j’ai constaté que le taux d’absentéisme était très élevé et dû à de nombreux arrêts pour troubles musculo-squelettiques, raconte Bernard Acard, directeur de l’Ehpad. Certes, nos personnels suivaient des formations, notamment des formations gestes et postures, mais il m’a paru plus judicieux d’avoir, au sein de l’établissement, un membre du personnel qui travaillerait en permanence sur la prévention de ce type de troubles au bénéfice des salariés. »

Il y a deux ans, Aurélien Giacomin, éducateur sportif au sein de l’établissement, a donc suivi une formation d’animateur formateur en Prévention des risques professionnels en secteur santé (PRAP 2S). Celle-ci s’est déroulée pendant treize jours à Paris en partenariat avec la Caisse régionale d’Assurance maladie Île-de-France (Cramif) et l’association OETH (Obligation d’emploi des travailleurs handicapés). Elle était entièrement financée par l’OETH. « Pendant la formation, j’avais régulièrement des échanges avec le directeur et le cadre supérieur de santé de mon Ehpad, précise Aurélien Giacomin. L’objectif était de faire le bilan de ce que j’avais appris et de préciser d’ores et déjà les contours de ma future mission d’Animateur Prévention TMS. »

Réorganisation du travail

Ces échanges se sont poursuivis par la suite avec les cadres et les équipes afin d’organiser au mieux le travail de chacun. « Nous avons réfléchi à la manière de limiter le nombre de déplacements et de tâches inutiles qui perturbent le travail des soignants, détaille Aurélien Giacomin. Nous avons aussi discuté et opté pour des chaises percées à roulettes pour faciliter le déplacement des résidents. Nous avons bénéficié d’une aide financière de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) à leur acquisition – ainsi que pour des rails au plafond des chambres. »

Réseau de prévention

L’animateur s’est également constitué un réseau : il sollicite autant que possible la médecine du travail et la Carsat ; il participe aux réunions du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), obligatoire dans tout établissement de plus de 50 salariés ; il contribue, enfin, à l’élaboration du Document unique de gestion des risques professionnels (DUGRP). Et le directeur de l’établissement est satisfait du résultat : « Le premier des bénéfices que nous avons obtenus est sans aucun doute la diminution certaine de l’absentéisme dû à des problèmes musculo-squelettiques, affirme Bernard Acard. Les personnels travaillent mieux en se faisant moins mal. »

 

Libérer la parole en Ehpad

L’Ehpad n’est pas l’hôpital : le médecin coordonnateur n’est pas toujours présent dans l’établissement et les infirmières doivent évaluer régulièrement les urgences. Elles doivent répondre en permanence à de multiples sollicitations : préparer des piluliers, réaliser des soins, renseigner les familles, aider un résident ayant chuté etc. « Elles ont de nombreuses responsabilités et cela génère chez elles une fatigue intellectuelle et un stress », souligne Nathalie Landon, infirmière coordinatrice et membre de l’Association nationale des infirmier(e)s référent(e)s en Ehpad (Anire). En outre, le personnel des Ehpad est confronté à des résidents de plus en plus dépendants et malades.

« Les pathologies étant plus lourdes, les surveillances doivent être quasi-constantes », ajoute Nathalie Landon. Le personnel de l’accueil ou de la restauration ne sont pas épargnés.

Ses solutions ? « Plus de moyens, certes, mais aussi plus d’échanges inter-établissements. Ils permettent aux membres des Ehpad de partager leurs bonnes pratiques et de relativiser sur leurs conditions d’exercice. Certains Centres locaux d’information et de coordination (Clic) en organisent. » Sans oublier de favoriser les groupes de parole au sein même des Ehpad à travers les groupes d’analyse des pratiques professionnelles, recommandés par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm).

 

 

Pour aller plus loin

« Les démarches de prévention en Ehpad : De l’analyse de situations de travail, facteurs de Troubles musculo-squelettiques (TMS) et de Risques psychosociaux (RPS), au plan d’actions », un guide accessible sur le site www.anact.fr

« Prévention des TMS dans les activités d’aide et de soins en établissement », une série de recommandations de l’Assurance maladie (document R.471) consultables sur le site ameli.fr

« Recueil de bonnes pratiques pour bien choisir et utiliser les équipements de manutention de patients », soit dix fiches pratiques élaborées par l’Assurance maladie et la Carsat Languedoc-Roussillon, téléchargeables sur Internet (www.carsat-lr.fr/static/telecharge/entreprises/t54.pdf).

 

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