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Laurence Rossignol : “On se dirige vers un nouveau temps de la prise en charge du vieillissement” Non classé

L. Rossignol

L. RossignolAlors que l’Assemblée nationale a approuvé la loi d’adaptation de la société au vieillissement, la secrétaire d’État à la Famille, aux Personnes âgées et à l’Autonomie explique ce qu’il faut en attendre. Et se veut très prudente sur le second volet législatif attendu sur les Ehpad…

 

 

Même si les députés de l’opposition ont voté contre le texte, la loi d’adaptation de la société au vieillissement est néanmoins l’objet d’un certain consensus. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Laurence Rossignol : C’est une satisfaction collective parce c’était un projet de loi très attendu qui revient d’ailleurs de loin. Il avait en effet était plusieurs fois reporté sous la précédente mandature. C’est une bonne nouvelle sur le plan démocratique. Cela prouve que sur certains sujets, on peut travailler collectivement et positivement.

C’est une loi à la fois moderne et juste. Elle appréhende le vieillissement comme un parcours de vie et rompt avec l’approche exclusivement médico-sociale qui prévalait jusque-là mais aussi avec l’idée que seuls la perte d’autonomie ou le dénuement justifient la prise en charge collective. Avec ce texte, on mobilise diverses politiques publiques (sociales, sportives, culturelles…) en faveur du vieillissement et d’un parcours de vie plus ouvert. L’approche du vieillissement est à la fois transversale et plus fluide.

 

Qu’est-ce que cela induit plus précisément ?

L. R. : On part du constat que près de 80 % des personnes âgées vieillissent en restant autonomes. Or, jusque-là, c’était uniquement la perte d’autonomie qui justifiait la mise en œuvre de politiques publiques. A présent, la démarche est différente : elle induit que la perte d’autonomie peut être repoussée par des politiques de prévention et d’adaptation. Et ce n’est pas parce que l’on n’est pas dans cette situation que l’on ne doit pas être l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics.

On s’intéresse désormais au parcours qui va du domicile à l’Ehpad… ou pas et à ce qu’il y a entre les deux. On se dirige vers un nouveau temps de la prise en charge du vieillissement avec des formes beaucoup plus souples et ouvertes, avec moins de ruptures entre les lieux de vie.

Ce qui est intéressant en matière d’innovation dans la prise en charge du vieillissement et de la perte d’autonomie, ce sont notamment les accueils de jour et les Ehpad ouverts. Derrière la fluidité des parcours et le décloisonnement de tous ces lieux, il y a l’idée de lever une inquiétude. En l’occurrence, le fait qu’entrer en Ehpad n’est pas le début de la fin, a fortiori si c’est un lieu en mesure d’accueillir des résidents seulement la journée. Or, on se dirige vers des structures de ce genre.

 

Le deuxième volet du projet de loi qui doit porter sur les Ehpad verra-t-il le jour ?

L. R. : Le principal sujet, c’est celui du reste à charge pour les usagers. Ils le trouvent souvent et à juste titre trop élevé. Mais, à ce jour, on ne peut pas dégager les moyens publics qu’il faudrait. Ce seront les résultats de l’effort de redressement des comptes publics qui permettra de dégager les moyens nécessaires à une intervention des pouvoirs publics en matière de tarifs des Ehpad. C’est pour cela que nous avons dans un premier temps fait le choix d’investir 650 millions d’euros par an dans le maintien à domicile. Le coût d’une nouvelle loi sur les Ehpad se chiffrerait entre 1 et 1,5 milliard d’euros par an. Or, une fois encore, les contraintes budgétaires sont telles, qu’aujourd’hui, on ne les a pas.

Néanmoins, nous avons mis en place le groupe de travail sur la transparence et l’identification des tarifs des établissements. Cela va permettre aux usagers mais aussi aux pouvoirs publics de savoir à quoi chaque tarification correspond. En effet, à ce jour, les choses ne sont pas totalement transparentes et il arrive que les prestations annoncées ne correspondant pas toujours à celles effectivement fournies. Il faut en outre permettre aux personnes qui cherchent une place en Ehpad de se repérer dans les tarifs. Nous verrons, une fois achevés les travaux du groupe du travail et la réflexion qui sera menée avec les professionnels et les usagers, s’il faut changer des choses et ce, par voie législative ou réglementaire. En effet, on peut avancer sans forcément passer par le Parlement. Tout n’est pas domaine de la loi. 

 

A terme, quel type de financement est envisageable pour assurer une prise en charge optimale du vieillissement ?

L. R. : Nous n’avons pas renoncé à un financement solidaire, à ceci près qu’il faut le financer et en garantir les prestations. Or, nous ne sommes pas dans une période propice à l’instauration de prélèvements supplémentaires, que ce soit par l’impôt ou la cotisation. Je rappelle en outre qu’à ce jour, personne n’est laissé sans rien. Les revenus les plus faibles bénéficient en effet de l’Aide sociale à l’hébergement. Il existe donc déjà une intervention sur le reste à charge.

Il fut un temps où les gens économisaient pour leurs vieux jours. Aujourd’hui, beaucoup économisent pour transmettre. Les conseils généraux sont d’ailleurs habilités par la loi à procéder à des recours  sur succession en matière d’aide sociale à l’hébergement. Par ailleurs, je travaille avec la Caisse des dépôts (CDC) et consignations et d’autres organismes pour développer des outils comme le prêt viager hypothécaire mais à des taux moins élevés que ceux en vigueur actuellement afin qu’ils soient plus attractifs. Il faut faire un effort en ce sens.

 

De manière générale, qu’avez-vous envie de changer dans les Ehpad ?

L. R. : Tout abord, la perception que les gens en ont. Il faudrait dédramatiser l’entrée en Ehpad et faire en sorte qu’il ne soit pas associé à la toute fin de vie. Et ce, en développant les missions de jour mais aussi les innovations sociales que les Ehpad peuvent porter en promouvant un cadre de vie qui soit un cadre d’animations. Par ailleurs, il convient de garantir aux familles et aux résidents qu’ils trouveront bien la qualité de service qu’on leur a proposée lors de leur admission.

 

Quelle vision avez-vous des Ehpad privés et de leur rôle ?

L. R. : Ils contribuent à l’offre. Aujourd’hui, il y a des lits vides dans certains établissements privés. A cet égard, il faut rappeler que la limite du développement, c’est la rencontre entre l’offre et la demande. Certains tarifs ne sont pas praticables à grande échelle et sont réservés à une minorité de la population. Il est aussi important que la transparence progresse. Dans l’intérêt de tout le monde, il serait important que les gens puissent savoir si les prestations sont en adéquation avec les tarifs. La loi y contribuera. Et ce d’autant, qu’il y a de l’argent public en jeu comme dans tous les Ehpad du reste.

 

Comment concilier l’Ehpad en tant que lieu de vie et sa médicalisation croissante ?

L. R. : Aujourd’hui, pour les personnes atteintes d’Alzheimer, il y a plusieurs façons d’organiser un cadre de vie qui soit heureux. On peut faire en sorte qu’un malade ait encore des moments de bonheur en stimulant des résurgences de la mémoire et des sensations de bonheur. Par ailleurs, et même si c’est de plus en plus le cas, il faut que les Ehpad gèrent la toute fin de vie des résidents pour qu’ils ne partent pas mourir à l’hôpital, ce qui reviendrait pour eux à quitter leur chez eux. Cela ne nécessite pas systémiquement une médicalisation mais parfois seulement un accompagnement dans la non souffrance. D’où la nécessité d’avoir des personnels formés pour cela. 

Propos recueillis par Alexandre Terrini

 


La maltraitance, un concept à nuancer         

Le projet de loi traite également de la question des droits de la personne, du consentement ou encore de la liberté d’aller et venir. « Tout cela a été très renforcé par le Parlement », se félicite Laurence Rossignol. Cela signifie-t-il qu’il y en avait besoin parce que les Ehpad prendraient trop de… libertés avec ces principes fondamentaux ? La secrétaire d’État ne le pense pas même si elle souhaite une vigilance accrue en la matière : « Tout le monde pare aux nécessités, les familles et les établissements. Sur le terrain, la question des droits de la personne apparaît parfois venir après les nécessités. Il est nécessaire de revoir ces sujets non pas pour compliquer la vie des uns et des autres mais pour rappeler que vieillir ne signifie pas renoncer à sa dignité et à ses choix de vie. Cependant, je ne considère pas les Ehpad comme des lieux de privation de liberté. Il y a régulièrement des affaires médiatisées qui laissent entendre que les Ehpad sont des lieux de maltraitance. Or, en la matière, il existe des règles très rigoureuses qui sont plutôt bien respectées, par exemple pour ce qui est de la contention. Et tout ne relève pas de la maltraitance. C’est important de le rappeler pour les personnels, les familles et les futurs résidents. Il ne faut pas laisser entendre que les Ehpad sont des prisons pour les vieux. »  


 

 

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