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Résidence services : un « ralentisseur de vieillissement » ? Non classé

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ralentisseurLe groupe privé Orpéa s’essaye timidement aux résidences intermédiaires en même temps qu’il expérimente le concept de plate-forme pour l’autonomie. Au cœur d’un parc de 8 hectares, situé à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse, dans les Yvelines, une résidence services jouxte un Ehpad et une clinique gériatrique.

 

Selon une étude du cabinet Développement construction, la France compte environ 200 résidences services, soit quelque 16 000 logements. D’après le cabinet Xerfi, 1 % des 8 millions de plus de 60 ans vivaient en résidence services en 2011 ! Les Ephad qui ont investi ce champ sont donc rares et ceux qui l’ont fait n’ont, pour la plupart, pas construit ex nihilo mais plutôt racheté un établissement en péril. C’est le cas d’Orpéa qui a repris, en 1994, La résidence bleue située à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse, dans les Yvelines. « Ce village, copié sur le modèle des sun cities américaines, des villes réservées aux retraités fonctionnant en autarcie, est composé de petites maisons individuelles et d’appartements qui vont du studio au quatre pièces. Les résidents sont locataires et autonomes », explique Liliane Carzon, Directrice de l’Ehpad résidence services Orpéa Saint-Rémy. Mais l’association qui a créé ce concept avait déposé le bilan car, sur les sept résidences qui ont été crées en 1992, seules 80 personnes y vivaient alors que la Résidence bleue peut en accueillir jusqu’à 600. Une partie du village a alors été reprise par Orpéa pour y installer des lits d’Ehpad et des résidence services. Aujourd’hui, ce « village retraite » accueille 36 personnes âgées en résidence et 344 en Ehpad.

 

Mutualisation des services aux personnes âgées

 

Cette résidence services est atypique. Alors que la plupart se composent d’appartements à louer ou à acheter, implantés en centre-ville pour favoriser l’accès aux commerces et aux services, la résidence Saint-Rémy est constituée de petites maisons alignées de plain-pied, uniquement en location, au cœur d’un large complexe gériatrique. Lequel comprend un Ehpad bénéficiant d’unités protégées dédiées aux personnes atteintes de maladies de type Alzheimer mais aussi une clinique de médecine gériatrique et de soins de suite. De cette manière, explique Liliane Carzon, « on peut rentrer autonome en résidence services puis, si la dépendance s’installe, entrer en Ehpad ». Grâce à cette proximité, les locataires de la résidence services bénéficient de toutes sortes de services mis en place par l’Ehpad. « Les personnes âgées paient un loyer mensuel en fonction de la superficie de leur logement, ce qui leur donne droit à des services : quinze repas par mois dans l’un de nos trois restaurants en plus de la kitchenette dont leur appartement dispose, un blanchissage une fois par semaine des draps et des linges de toilette, un accès gratuit à la buanderie mais aussi aux animations-spectacles, à la gym, à la balnéothérapie, indique Liliane Carzon. En outre, les habitants bénéficient d’une surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre ». Le village est en effet ouvert de 7 h 00 du matin à 21 h 00. Les visiteurs des locataires n’ont donc pas besoin de passer par l’accueil pour aller voir leurs proches. Après 
21 h 00, le veilleur de nuit gère les passages dans la résidence en demandant aux locataires d’identifier leurs visiteurs avant de les faire entrer dans le village.

Si l’entretien des extérieurs est pris en charge par Orpéa, le ménage reste à la charge du locataire. En outre, il doit s’acquitter des frais (15 % du montant du loyer) pour le chauffage, l’eau et l’électricité ainsi que de la taxe locale d’habitation et du téléphone. « Les locataires doivent également souscrire une assurance multirisque d’habitation », précise la directrice.

En revanche, les professionnels de santé qui interviennent dans la résidence ne sont pas ceux de l’Ehpad. La résidence services propose simplement une liste de médecins et de kinésithérapeutes libéraux mais ceux-ci interviennent à la demande et à la charge du locataire. « Les locataires sont des personnes autonomes qui attendent de nous qu’on les encadre avec une bonne restauration et des activités de qualité », résume Liliane Carzon.

 

L’entrée dans l’Ehpad anticipée par l’arrivée en résidence services

 

Presque tous les locataires de la résidence services entrent ensuite dans l’Ehpad voisin. « C’est précisément le fait d’être rattaché à un établissement médicalisé qui séduit nos locataires, explique Liliane Carzon. Ils savent qu’ils peuvent être accompagnés durant tout leur parcours de soins et que, quoi qu’il arrive, ils auront une place ici ». Les résidences services, disait Michèle Delaunay, l’ancienne ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, sont « des ralentisseurs de vieillissement ». Autonomes et indépendantes, les personnes âgées peuvent s’épargner les corvées et bénéficient d’un environnement de services facilité dans un environnement convivial.

Le secteur demeure pourtant bien flou. « Pour l’instant, aucune règle n’encadre ce secteur d’activité », indique Liliane Carzon. Et, au-delà de la difficulté de quitter un logement chargé d’histoire et de souvenirs, ce concept peut, selon l’aveu même de la directrice, générer une crainte d’être ainsi confronté à terme à la grande dépendance.

 


 « Je n’y vois que des bénéfices »

Colette Schwartz a 84 ans, cela fait dix ans qu’elle habite la résidence Saint-Rémy. Cette présidente du conseil des résidents est venue s’installer ici suite à la perte de son mari alors qu’elle avait encore la charge de sa mère. « J’avais une grande maison, j’étais fatiguée, je n’avais plus envie d’entretenir ce foyer. Ma mère était très âgée et je cherchais une solution pour la prendre en charge. Pour la convaincre d’aller en Ehpad, je lui ai dit : ”Allons-y toutes les deux”. Ici, elle était bien prise en charge et j’étais à quelques pâtés de maison, dans mon deux pièces de 50 mètres carrés. Le lieu est agréable, j’étais disponible, autonome. Aujourd’hui, cela fait dix ans que je vis ici et je m’y plais toujours autant ! Je suis délivrée de tout souci. Si mon robinet fuit, j’appelle l’entretien. Je déjeune chez moi quand je le souhaite et je peux tout aussi bien profiter de la salle à manger de l’Ehpad si l’envie me vient. Je vais aux animations qui m’intéressent d’autant qu’il y en a énormément et que le site est très grand. » Colette Swchartz a aussi des responsabilités au sein du complexe. Elle s’occupe de la bibliothèque et dirige l’épicerie. Le jour où elle témoigne, elle a dirigé le matin même une dictée, comme c’est d’usage tous les mois, « pour que les personnes âgées s’entraînent à écrire même si elles ne se souviennent plus de l’orthographe ». Colette Schwartz n’est pas embarrassée de côtoyer des personnes moins autonomes qu’elle. « C’est la vie, il faut être conciliant, philosophe-t-elle, D’autant que, bientôt, je serai comme ça ! » Surtout, sa situation la rassure sur son avenir. « Quand je ne pourrai plus subvenir à mes besoins, j’aurais une petite chambre en Ehpad. Je me suis occupée de ma grand-mère et de ma mère chez moi et je ne voulais pas infliger cette situation à mes enfants. Je suis ravie d’avoir mon autonomie ici. Les enfants ne viennent me voir que pour le plaisir. »

Se considérant comme une privilégiée de pouvoir se payer ce logement, Colette estime néanmoins qu’il ne faut pas y rentrer trop tard, notamment parce que « liquider sa maison » représente un « lourd déménagement, une épreuve ». Quant à la difficulté de quitter un lieu témoin de toute une vie, Colette n’en fait que peu de cas : « Les souvenirs, on les a en soi. Et j’ai mes livres, quelques-uns de mes meubles, je me sens chez moi ici ». Et la vie sociale en résidence services ? « A mon âge, on ne se fait plus des amis car cela représente un passé… mais on se fait des relations très agréables. »


 

 

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