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Risques d’AES et protection des personnels en Ehpad Le poids des chiffres Non classé

À l’heure où l’Organisation mondiale de la santé appelle à l’utilisation de dispositifs médicaux sécurisés, une étude révèle pour la première fois que, contrairement à certaines idées reçues, les Ehpad sont aussi concernés par les Accidents d’exposition au sang (AES) que le sont les autres établissements de santé.

 

 L’étude régionale sur l’évaluation des Accidents d’exposition au sang (AES) en Ehapd en Rhône-Alpes a été pilotée par l’Antenne régionale de lutte contre les infections nosocomiales (Arlin) Rhône-Alpes, en partenariat avec les laboratoires BD Medical-Diabetes Care qui ont fourni la plate-forme informatique permettant l’analyse des données. L’étude montre que près d’un Infirmier diplômé d’État (Ide) sur quatre rapporte avoir été victime d’un AES mais aussi que la prise en charge des AES n’apparaît pas optimale dans certains de ces établissements et présente de véritables lacunes. Cette étude devrait permettre de sensibiliser l’ensemble des professionnels et de conduire à la mise en place d’actions de prévention des AES en Ehpad.

 

Elle comporte trois volets : la survenue et la prise en charge des AES (dont les résultats ont été présentés début juin lors du congrès national de la Société française d’hygiène hospitalière – SF2H), la politique de prévention en établissement et les comportements des infirmiers sur les actes de soin à risque. Parmi les 679 Ehpad recensés de la région Rhône-Alpes, 163 établissements et 801 infirmiers ont participé à l’étude. La nature des Ehpad était diverse : privé lucratif (13 %), privé associatif (32 %), public rattaché à un Centre hospitalier (CH) (20 %), public non rattaché à un CH (34 %) et 1 % au statut mixte.

 

Survenue et prise en charge des AES en Ehpad

 183 Ide rapportent s’être piqués en Ehpad et 63 d’entre eux au cours des douze derniers mois. Ces 63 victimes d’AES totalisent 71 AES, soit un taux au cours des douze derniers mois de 8,9 % des Ide et un taux pour 100 lits de 0,49 % (5,35 % en moyenne en France). L’AES est survenu au cours d’une injection sous-cutanée (86 cas, 47,5 %) dont 60 % lors de l’utilisation d’un stylo injecteur ; d’un prélèvement sanguin (59 cas, 32,6 %) dont 55,9 % de prélèvements capillaires ; d’une pose de voie sous-cutanée (18 cas, 10 %). Un tiers de ces AES se sont produits lors du retrait du matériel, sachant que dans 66 % des AES par piqûre, les Ide ne portaient pas de gants.

 

En cas d’AES avéré, dans 15 % des cas, le matériel à l’origine de l’AES était sécurisé et dans deux tiers des cas, l’infirmier victime ne portait pas de gants à usage unique. Au regard des bonnes pratiques lors d’un AES, seulement 40 % des infirmiers ont arrêté le soin, un tiers ont encore fait saigner la plaie et 90 % ont appliqué une antisepsie. Seul un tiers des infirmiers ont pratiqué la  séquence recommandée : arrêt des soins, lavage et antisepsie de la plaie.

 

La procédure de recherche du statut sérologique du patient-source après un AES est respectée à 93 % lorsque l’incident survient le jour. En revanche, la nuit, ce délai n’est tenu que dans 40 % des cas et varie selon les caractéristiques de l’établissement : public contre privé (50 % versus 27 %) ; le fait d’être adossé à un centre hospitalier ou non (97 % versus 25 %) ; la taille de l’établissement (29 % pour ceux de moins de 80 places versus 54 % pour ceux de  80 places).

 

Si en journée, 93 % des Ehpad obtiennent rapidement un avis spécialisé pour le professionnel victime de l’AES, la nuit, ce taux peut varier de 91 % pour les Ehpad adossés à un CH à 64 % pour les autres. A noter que la survenue d’un AES déclenche très peu d’inquiétude chez les personnels confrontés à cette exposition.

 

Politique de prévention des AES en Ehpad

 

Quel que soit le statut ou la taille des établissements, 90 % des établissements sondés ont formalisé une procédure de prévention des AES en Ehpad et 74 % l’affichent. Les Ehpad déclarent fournir aux personnels des équipements de protection individuelle (gants, masques) et des collecteurs à objets piquants. Mais l’utilisation d’équipements et de matériels sécurisés reste variable selon le type d’acte : prélèvements capillaires (86 %), aiguille de Huber (80 %), prélèvements sanguins (71 %), injections sous-cutanées par stylo injecteur (moins de 60 %), injections sous-cutanées par seringue (44 %)…

 

Par ailleurs, un tiers des Ehpad sécurisent les injections intraveineuses directes. La formation des personnels à l’identification des AES et à la prévention et aux modalités de prise en charge varient selon la situation de l’établissement : trois quarts des établissements adossés à des CH sont proactifs en la matière contre seulement 40 % pour les autres. En outre, les trois-quarts des Ehpad assurent pratiquer une surveillance organisée des AES conjointement avec la médecine du travail mais on observe aussi  une différence selon la situation de l’établissement : 88 % des Ehpad de CH contre 69 % pour les autres. Une rétro-information est faite aux instances trois fois sur quatre en moyenne et aux professionnels de santé dans 48 % des cas (encore une fois avec une forte disparité selon l’adossement ou non à un CH).

 

Comportements des infirmiers et politique de prévention en Ehpad

 

 

Le port des gants ou l’utilisation des protections individuelles n’est pas systématique : 80 % des infirmiers portent des gants lors de l’utilisation des aiguilles de Huber mais moins d’un sur deux les porte dans les autres cas même si le risque est avéré. En outre, pour les prélèvements capillaires et l’usage de stylo injecteur par voie sous-cutanée, ce taux d’utilisation tombe à 15 %. Et même quand le matériel sécurisé est mis à disposition des Ide, il n’est pas systématiquement utilisé dans des situations à risque identifiées. Autre donnée importante à souligner, le fait que le risque soit, quant à lui, modérément perçu : ainsi, pour ce qui est du risque de transmission virale, sur une échelle de 0 (faible) à 10 (fort), l’évaluation médiane est de seulement 5. De même, un infirmier sur cinq persiste « parfois ou souvent » à recapuchonner l’aiguille avec un sentiment d’exposition au risque évalué seulement à 6. D’autant que dans ces situations, seule une fois sur deux, le collecteur d’objets piquants est à proximité permettant une élimination immédiate de l’aiguille.

Enfin, si 97 % des Ide ayant répondu à l’enquête confirment l’existence d’une procédure de prise en charge des AES dans leur établissement, 13 % n’en connaissent pas le contenu et 3 % pensent qu’aucune procédure n’existe. Et seuls 43% disent avoir reçu une formation sur la prévention et la conduite en tenir en cas d’AES au cours des trois dernières années.   

Dr Pascal Fascia, coordonnateur de l’Antenne régionale de lutte contre les infections
nosocomiales (ARrlin) de Rhônes-Alpes

 


Le directeur, un acteur-clé

La présentation des résultats de cette étude a été l’occasion de partager également les pratiques de terrain en Ehpad où il s’avère qu’un faible nombre d’AES voire l’absence d’AES ne signifient pas forcément qu’il faille abandonner toute mesure de prévention. Pour les directeurs d’établissement, en lien étroit avec le médecin coordonnateur et l’infirmière coordinatrice, cette politique de formation et d’équipement des personnels en matériels sécurisés doit permettre d’atteindre un objectif de zéro AES et ainsi d’améliorer la sécurité des personnels soignants.

Pour ce faire, outre la décision d’achat d’équipements de protection individuelle et de matériels sécurisés, c’est bien le directeur de l’Ehpad qui est en charge de l’évaluation des risques dans son établissement, de la mise en œuvre du programme d’actions de prévention, d’information et de formation des personnels soignants et du respect des bonnes pratiques. Et ce, comme le prévoit l’arrêté du 10 juillet 2013 relatif à la prévention des risques biologiques auxquels sont soumis certains travailleurs susceptibles d’être en contact avec des objets perforants.  

Dr Benoît Perrier,
Secrétaire général de l’UFSBD


 


Risque d’AES par piqûre : quelle réalité en Ehpad ?

 

  

Investigateurs coordinateurs

Dr Pascal Fascia, médecin hygiéniste, Arlin Rhône-Alpes, Lyon – [email protected]

Nadine Khouider, cadre hygiéniste, Arlin Rhône-Alpes, Lyon – [email protected]

Auteurs

N. Khouider1, P. Fascia1, A. Fine2, I. Fourcade2, S. Laroche2

1 Antenne régionale de lutte contre les infections nosocomiales (Arlin) de Rhône-Alpes, Lyon.

2 BD Medical – Diabetes Care.

Objectifs de l’étude

Dans le cadre de la surveillance des AES (Accident d’exposition au sang), il n’existe pas de données disponibles sur le risque de piqûre accidentelle en Ehpad. Les objectifs de l’étude sont :

• évaluer la politique de prévention des AES dans les Ehpad ;

• identifier les situations à risque d’AES ;

• évaluer la perception du risque d’AES ;

• évaluer l’utilisation de matériel sécurisé et de protection individuelle ;

• évaluer le risque de survenue d’AES par piqûre ;

• évaluer la prise en charge de l’AES.

Population et méthode

L’étude a eu lieu du 22 septembre au 21 novembre 2014 auprès de l’ensemble des Ide salariés des Ehpad de la région Rhône-Alpes. Elle repose sur la base du volontariat avec mise à disposition de deux questionnaires en ligne à renseigner : un pour chaque établissement et un pour chaque Ide. Le questionnaire infirmier est auto-administré et anonyme. L’analyse descriptive des données régionales a été effectuée à l’aide du logiciel Epi-Info version 6.04.

æ Pour plus d’informations : www.cclin-sudest.chu-lyon.fr/index.htm

 


 

 

 

 

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