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Salariés heureux, salariés fidèles Dossiers

 

Dossier réalisé par Francine LagrimontDifficultés de recrutement, pénurie de certaines compétences, absentéisme, turn-over… Autant d’obstacles au bon fonctionnement des équipes. Quelle politique de ressources humaines faut-il adopter pour y faire face ? Quels sont les leviers à actionner ? Éléments de réponse.

Quelles stratégies pour attirer et fidéliser le personnel ?

Pérenniser ses équipes concourt à la qualité de la prise en charge des résidents tout comme de l’organisation du travail. Tour d’horizon des actions à mettre en œuvre pour fidéliser le personnel.

1. Miser sur la formation

La formation est l’une des solutions-clés pour attirer et conserver du personnel de qualité. C’est pourquoi les établissements pour personnes âgées doivent engager une politique volontariste d’accès à la professionnalisation et à la qualification du personnel. Le soutien à l’acquisition de diplômes professionnels peut reposer sur le dispositif de la Validation des acquis de l’expérience (VAE).
Le développement professionnel peut également être basé sur la mise en place de référents ou encore sur la possibilité, pour le salarié, de bénéficier d’un tutorat lors de son intégration. Enfin, l’entretien professionnel annuel est un outil efficace pour identifier les besoins et les attentes des salariés en termes de formation ou d’évolution de carrière. Toutefois, il subsiste, au départ, des freins à la formation, notamment à cause de la difficulté d’assurer les remplacements.

2. Améliorer les conditions de travail

La qualité de vie au travail est l’élément déterminant du pouvoir attractif de l’établissement. Elle favorise la diminution du turn-over ainsi que des conflits et limite l’absentéisme. Le Document unique d’évaluation des risques professionnels participe à cette fidélisation. Les formations à la manutention, l’aménagement des postes de soins et des chambres ainsi que les investissements dans des équipements ergonomiques contribuent également à la prévention de la pénibilité
au travail (troubles musculo-squelettiques, risques psychosociaux…).

3. Développer la participation

Afin d’éviter la démobilisation, il est important de prendre en considération les remarques et les idées émanant du personnel. Cela passe notamment par l’association du personnel à la réflexion relative à la mise en place de nouveaux projets dans l’établissement. Par exemple, la création d’un accueil de jour ou un projet architectural. L’implication des collaborateurs suppose de créer un climat de confiance pour les encourager à émettre leurs propres idées et suggestions d’aménagement de l’organisation du travail. Leur valorisation constante se révèle être la clé de voûte pour les fidéliser.

Ingrédients de motivation

Selon Abraham Maslow, les individus sont motivés par la recherche de la satisfaction de besoins non comblés. Ce psychologue américain a établi une hiérarchie des besoins, appelée communément Pyramide de Maslow.
Elle comporte cinq catégories de besoins :
– les besoins physiologiques ;
– les besoins de sécurité ;
– les besoins de relation avec les autres personnes ;
– les besoins d’estime de soi ;
– les besoins de réalisation personnelle.

 


« Il faut toujours positiver »

L’Institution Joselyne Guillon compte deux résidences pour personnes âgées dans l’Ain.
Albert Crucis, le responsable d’établissements, pointe du doigt les limites rencontrées au quotidien pour fidéliser le personnel.

« Malgré les contraintes de moyens, il faut toujours positiver ». Tel est le credo d’Albert Crucis, directeur de l’Ehpad Bon Séjour situé à Mirabel (01) et de l’Ehpad Les Mimosas à Saint-Maurice-de-Beynost (01). Chaque jour, ce chef d’établissements doit jongler avec de nombreuses contraintes en matière de ressources humaines. S’il considère que des solutions sont possibles pour attirer et fidéliser le personnel, il souligne néanmoins les limites intrinsèques aux métiers du grand âge. « Nous sommes en convention tripartite de première génération… en cours de renouvellement. Ce qui signifie des effectifs insuffisants avec un niveau de qualification initiale très faible. Dans l’un des nos Ehpad, on compte treize aides-soignantes diplômées pour dix-neuf auxiliaires de vie sociale non diplômées. Au niveau du personnel d’encadrement, nous sommes également limités : un cadre pour l’un des établissements qui compte quarante-huit résidents. Comment rendre attractifs nos métiers alors qu’il y a un tassement de la grille salariale et que la valeur du point n’a pas augmenté ? Nous n’avons pas un énorme turn-over parmi notre personnel en CDI. En revanche, nous avons régulièrement recours à des CDD ou à l’intérim pour des remplacements en raison de départs en congés parentaux. Le personnel est essentiellement féminin et, bien souvent, pour ces salariées, il est en effet plus avantageux, en terme de pouvoir d’achat, de prendre leur congé parental plutôt que de travailler tout en ayant recours à une garde d’enfant », explique Albert Crucis. Et de poursuivre : « La pénibilité des métiers en Ehpad est importante. Au quotidien, il faut faire vite et les risques de se faire mal sont plus importants. Le personnel est victime de douleurs lombaires et aux genoux générées par les manutentions de résidents de plus en plus dépendants. Cela engendre des inaptitudes au travail et de l’usure professionnelle. Et donc des arrêts maladie et de l’absentéisme. Pour faire face à cette situation, nous avons engagé une démarche de prévention des risques professionnels avec la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat). Nous allons également installer des rails au plafond des chambres pour faciliter le transfert du lit au fauteuil des résidents dépendants. Le confort du personnel est un confort pour les résidents ».

Des groupes d’analyse professionnelle

Aux yeux d’Albert Crucis, il est important, pour un directeur d’établissement, de montrer à son personnel qu’il prend en compte les difficultés rencontrées par les salariés ainsi que leurs conditions de travail. « J’ai mis en place des groupes d’analyse professionnelle en dehors de tout cadre hiérarchique et avec un intervenant extérieur, en l’occurrence, un psychologue. L’établissement est un lieu de mort et de dégradation physique. Le personnel travaille dans un contexte lourd psychologiquement.
Il doit pouvoir exprimer son ressenti. Toutefois, pour l’heure, tous les salariés n’ont pas encore perçu l’intérêt de cette démarche »
. Albert Crucis reconnaît également rencontrer quelques réticences de la part de son personnel à s’engager dans la voie de la formation continue. « Certaines personnes ne travaillent pas dans un Ehpad par choix professionnel. La validation des acquis de l’expérience est une construction délirante, ce qui est fort dommage car c’est une réelle possibilité de décrocher un diplôme ou une formation. Mais pour un salarié qui n’a pas un rapport fort avec la scolarité, c’est une démarche lourde à entreprendre, qu’il faut donc accompagner. Nous allons mettre en place les entretiens de progrès et de professionnalisation pour ouvrir aux salariés des perspectives sur le plan professionnel. »

 


Avis de consultant

Il est nécessaire
de valoriser les métiers du grand âge

Le secteur des personnes âgées est confronté à des difficultés de recrutement de personnels qualifiés. Analyse et conseils de Sylvain Jouve, consultant au sein du cabinet RH & Organisation.

Ehpad Magazine : Comment un établissement peut-il attirer de futures recrues ?

Sylvain Jouve : Les difficultés de recrutement des établissements pour personnes âgées portent très fréquemment sur les postes d’infirmiers, d’aides-soignants et d’aides médico-psychologiques. Les Ehpad doivent faire face à la concurrence du secteur sanitaire qui offre des rémunérations plus élevées, des projets et de meilleures conditions de travail. Le rapport de force est plus du côté des professionnels que des employeurs. Certains établissements ont fait le choix de développer des stratégies de GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et compétences) en misant sur les recrutements internes. L’avantage est double : permettre le développement personnel et professionnel des salariés mais aussi le maintien de leur employabilité. Tous les acteurs du secteur devraient œuvrer pour valoriser les métiers du grand âge qui souffrent encore d’une vision assez caricaturale. Lors d’un fait divers de maltraitance dans un établissement, c’est l’ensemble des professionnels de ce secteur qui en pâtissent. Le discrédit atteint toute une profession. Une promotion des métiers au sein des Ehpad est souhaitable afin que plus de jeunes aient envie de s’orienter vers ces structures.

E. M. : Comment attirer la jeune génération de professionnels ?

S. J. : Les établissements pour personnes âgées ne se sont pas encore saisi des nouveaux canaux de communication tels que les réseaux sociaux pour gagner en visibilité et recruter la jeune génération de professionnels. L’accueil et le suivi des stagiaires, notamment avec le tutorat, sont essentiels pour valoriser l’établissement et y attirer les futurs professionnels. Il ne faut pas perdre de vue que les stagiaires sont un facteur de communication très fort vers l’extérieur. Les Ehpad ont également tout à gagner à se faire connaître auprès des écoles en tissant des partenariats ou en organisant des interventions.

E. M. : Quels sont les leviers de la fidélisation autres que la rémunération ?

S. J. : Le levier de la rémunération est difficile compte tenu des limites budgétaires des établissements. Dans les Ehpad publics, les conditions salariales sont fixées par des grilles. Dans le secteur privé marchant, certains grands groupes de maisons de retraite peuvent faire bénéficier leurs salariés de certains avantages via le comité d’entreprise. Toutefois, il est possible de fidéliser sans s’appuyer sur la rémunération. La qualité de travail avec les collègues pèse de plus en plus dans les attentes des salariés et peut constituer un frein au turn-over. Développer une culture forte dans l’établissement, c’est freiner les fuites de compétences. Les cadres intermédiaires doivent prendre en considération ce besoin de reconnaissance des salariés et de valorisation de la qualité de leur travail. Cela peut prendre la forme d’une gratification mais la reconnaissance non monétaire peut également être très puissante. Le directeur de l’établissement est le chef d’orchestre et les cadres intermédiaires doivent être le relais de cette politique de fidélisation. Il n’y a pas de solution miracle pour lutter contre le turn-over du personnel mais il faut miser sur le sentiment d’appartenance et sur la qualité de la communication dans les équipes par le biais de réunions de travail et de  retours d’expériences.

E. M. : Le bien-être des salariés est-il suffisamment pris en compte dans les établissements ?

S. J. : La prise en considération du bien-être des salariés s’inscrit dans la continuité de la prise en compte du bien-être des résidents. Dans le cadre de l’évaluation interne, l’établissement peut faire le point sur les bonnes pratiques professionnelles. Les salariés ressortent plus satisfaits d’une démarche d’amélioration notamment s’ils y sont associés.

 

 

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