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Troubles de la déglutition : comment les prendre en charge Non classé

déclin cognitif

DéglutitionLes troubles de la déglutition provoquent environ 4 000 décès par an, en majorité chez les personnes âgées. En Ehpad, les acteurs du soin ont un rôle non négligeable à jouer pour les détecter et mettre en place des solutions qui aident au mieux les résidents. Tout d’horizon avec Virginie Ruglio, orthophoniste au service de Gériatrie aiguë de l’Hôpital européen Georges Pompidou à Paris mais également en équipe mobile gériatrique externe.

 

 

Les manifestations des troubles de la déglutition 

Les dysphagies neuro-gériatriques ou les troubles de la déglutition sont des symptômes qui s’inscrivent dans le cadre de pathologies neurologiques centrales. De nombreuses dysphagies passent inaperçues car les symptômes sont sournois. La toux s’avère être un signe trompeur car elle ne signifie pas systématiquement une fausse route tandis que son absence n’est pas toujours rassurante dans la mesure où de nombreux patients âgés avalent de travers de manière silencieuse ou à bas bruit.

Par ailleurs, la dysphagie n’a pas uniquement une implication alimentaire. Elle concerne également les sécrétions de la bouche et du nez. Ainsi, les voies respiratoires s’avèrent être à risque car l’inhalation de sécrétions, de boissons ou encore de médicaments peut provoquer des dégâts infectieux.

Il existe deux degrés de fausses routes asphyxiantes. En cas d’obstruction totale des voies aériennes, le patient n’arrive pas à tousser, sa respiration est empêchée et, dans ce cas, il est impératif d’effectuer la manœuvre d’Heimlich. En revanche, en cas d’obstruction partielle, le patient tousse. Il faut alors simplement l’encourager à tousser et à avaler sa salive mais il ne faut surtout pas pratiquer la manœuvre d’Heimlich ni taper dans le dos du patient, au risque d’aggraver la situation.

 

Poser le diagnostic  

L’interrogatoire seul ne permet pas de poser un diagnostic car la personne âgée, a fortiori malade, a généralement peu conscience de sa déglutition. 

Certains signes classiques sont caractéristiques des troubles de la déglutition : 

– une toux au repas ;

– des difficultés à avaler ;

– des fausses routes asphyxiantes récurrentes ;

– une réduction des ingesta qui peut avoir pour conséquence une complication des infections, des troubles nutritionnels ou encore une perte de qualité de vie.

D’autres signes moins classiques sont aussi à prendre en compte comme l’état respiratoire du patient : des encombrements bronchiques récurrents, voire des pneumopathies doivent constituer une alerte pour les équipes de soins car ils peuvent découler d’inhalations chroniques, même silencieuses.

 

Le rôle de l’infirmier

Les orthophonistes sont les professionnels de santé les plus qualifiés pour poser le diagnostic des troubles de déglutition en gériatrie car ils disposent d’une formation spécifique tout comme certains masseurs-kinésithérapeutes. En Ehpad, de plus en plus d’orthophonistes libéraux interviennent pour dispenser des formations aux professionnels soignants, notamment aux infirmiers et aux aides-soignants qui, étant en première ligne auprès des résidents, ont un rôle non négligeable à jouer.

La prise médicamenteuse à laquelle assiste généralement l’infirmier est une situation de déglutition comme celle du repas. C’est pourquoi il doit systématiquement se poser la question de la déglutition dès lors que la personne âgée présente des troubles neurologiques même légers. 

Quitte, au besoin, à effectuer un test de dépistage systématique, même en l’absence de plainte, avec le test au verre d’eau (test de De Pippo) qui consiste à faire boire 90 millilitres d’eau plate à température ambiante à la personne âgée et à observer son comportement ainsi que la qualité de sa voix après déglutition. A noter, que les contractions musculaires diffèrent en fonction du degré de stimulation thermique des boissons. Chez le sujet âgé, les liquides chauds apportent moins de stimulation et risquent davantage d’être avalés de travers et de manière plus silencieuse. 

Toutefois, pour Virginie Ruglio, la formation initiale des infirmiers ne dispense pas les connaissances techniques suffisantes pour diagnostiquer les troubles de la déglutition. Si après le test au verre d’eau, ils n’ont rien à signaler alors que le patient est régulièrement encombré, ils doivent en alerter le médecin traitant.   

Laure Martin

 

 


Stop aux idées reçues

De nombreux présupposés infondés concernant les troubles de la déglutition sont à bannir. Pour mieux rétablir quelques vérités méconnues. Que voici.

– La prise de température ne contribue pas à la détection des troubles de la déglutition en gériatrie car les personnes âgées peuvent avoir un peu de fièvre même lorsqu’elles sont surinfectées.
– La prise ou la perte de poids n’a pas de valeur diagnostique car un résident peut tout à fait être obèse et dénutri ou encore prendre ou perdre du poids dans le cadre de pathologies cardio-vasculaires.
– Le recours à la paille ou au verre à bec pour boire est fortement déconseillé car cela a tendance à aggraver la situation et à entraîner plus de fausses routes chez la personne âgée.
– Il ne faut pas utiliser de seringue pour donner les médicaments.
– Il ne faut pas mettre la personne âgée en position semi-assise pour déglutir. Son dos doit au contraire être droit et son menton légèrement fléchi en avant, dans une position la plus naturelle possible. 

 

Par ailleurs, certains aliments augmentent le risque de fausse route : 

– Les textures fragmentées : petits pois, semoule, riz sec.

– Les textures filandreuses : carottes, poireaux.

– Les textures mixtes : mélanges de solides et de liquides dans une même bouchée qui envoient des consignes contradictoires au cerveau et exigent certaine dextérité de déglutition. 

Pour compenser les troubles, il est souvent utile de ralentir l’écoulement du liquide en l’épaississant. Néanmoins, il faut faire attention à ne pas surépaissir le liquide sinon la personne âgée n’a plus du tout l’impression de boire. En outre, le maintien de textures semi-liquides permet, en elle-même,  une rééducation écologique de la déglutition. Il existe trois niveaux d’épaississement possibles : type nectar comme le jus d’abricot ou de tomate ; type yaourt à boire ; enfin, type compote.  

A savoir : à la fin du repas, il y a davantage de de risques de fausse route car la personne âgée est plus fatiguée. Il y a donc tout intérêt à fractionner les prises alimentaires et à multiplier les collations.  


 

 


Pour plus d’informations

La commission gériatrique du Comité de liaison alimentation nutrition central de l’AP-HP a élaboré des recommandations de bonnes pratiques en matière de détection et de prise en charge des troubles de la déglutition chez le sujet âgé hospitalisé. Elles sont téléchargeables sur le site du réseau Limousin nutrition (Linut) (www.linut.fr).


 

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