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Valorisation des déchets Au quotidien

« Les établissements ne sont pas encore prêts »

Deux experts donnent quelques pistes pour que les Ehpad puissent se conformer plus facilement aux exigences réglementaires en matière de valorisation de déchets.

D’après vos observations sur le terrain, les établissements de soins et médico-sociaux sont-ils prêts à répondre aux obligations des lois Grenelle 1 & 2 ?

Olivier Robin1 : Ces établissements ne sont pas encore prêts même si les difficultés sont moindres pour les Ehpad que pour les établissements hospitaliers. Les maisons de retraite médicalisées proposent en effet une forme de restauration collective concentrée sur un seul et même lieu. Il leur est plus simple d’estimer le volume de leur production de déchets et de mettre des solutions en place.

Olivier Toma2 : Clairement pas ! Mais, à leur décharge, il faut dire que l’État aurait dû impulser des schémas régionaux et les accompagner car les Ehpad ne peuvent pas assumer seuls le coût du traitement et de la valorisation des déchets. En l’absence d’accompagnement, chaque Ehpad doit trouver son propre prestataire et multiplier ainsi les transports. C’est un non-sens écologique.

Qu’est-ce qui coûte cher dans la gestion des déchets au sein d’un Ehpad ?

O. R : Ici comme ailleurs, c’est la collecte. Ce poste est truffé de coûts cachés qu’il faut identifier et éliminer. Cela étant, l’une des premières étapes pour réduire le coût du traitement consiste à bien identifier le grammage de déchets par plateau-repas pour savoir si les plats servis correspondent bien aux besoins spécifiques des patients. Cela permet aussi de réfléchir en amont aux achats de produits alimentaires.

O. T : Le développement durable ne fonctionne que s’il y a une mutualisation des bonnes pratiques et certains établissements l’ont mis en œuvre : près de Montpellier, trois Ehpad ont ainsi noué un partenariat avec la Ville à propos d’un plan de collecte et de compost. A Toulouse, la clinique Pasteur offre son compost à un Esat (Établissement et service d’aide par le travail) qui, en retour, lui fournit des fruits et légumes. A mon sens, la meilleure solution pour gérer les déchets, c’est de disposer d’un déshydrateur broyeur : on y dépose tous les déchets organiques, lesquels sont transformés en poudre imputrescible en quatre heures. On peut la stocker pour ne pas multiplier les enlèvements et la revendre à des agriculteurs car elle est riche en azote. Mais tout ceci a un coût initial : sans aide de l’État pour amorcer le mouvement, les objectifs de 2012 et 2016 sont irréalistes.

Comment les établissements peuvent-ils se mettre aux normes ?

O. R : Pour l’instant, les déchets sont traités de manière globale et manuelle, sans tri. Sortir les déchets organiques et les restes alimentaires de ce traitement impose la mise en place d’une certaine logistique. Il faut se poser la question du tri et de la collecte des déchets à la source, comprendre comment limiter leur manipulation et leur transport dans l’établissement selon des règles d’hygiène strictes, réfléchir au stockage pour limiter des enlèvements trop fréquents et choisir une forme de valorisation.

O. T : La première chose à faire, c’est d’établir des indicateurs pour mesurer la quantité de déchets produite car la négociation avec les collectivités n’est pas la même selon qu’on produit 3 ou 10 tonnes de déchets. On peut effectuer une campagne de pesée une fois par an, par exemple. Peser les restes des retours plateaux permet certes d’ajuster les quantités mais aussi la qualité des plats tout en réfléchissant à la manière d’améliorer la prise de commande des repas. Cela peut conduire à définir une politique d’achats stricte qui impose aux fournisseurs de réduire la quantité et le poids des emballages des produits car la meilleure façon de réduire la production de déchets, c’est encore de ne pas acheter de denrées qui en produiront !

 

1 Olivier Robin, président de la société de consulting Meiko, coauteur d’un ouvrage collectif sur la restauration collective, La gestion des déchets en restauration : comment maitriser le coût de traitement de ses déchets, à paraître en décembre 2012, aux publications du FCSI.

2 Olivier Toma, président du C2DS (Comité développement durable santé) qui intervient au titre de conseil auprès d’Ehpad.

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