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Animation et soins : où mettre le curseur entre capacités et désirs ? Non classé

activité physique senior

Animation et soinsComme lien social, elle est primordiale et présente de multiples visages. Pourtant, l’animation soulève un grand nombre de questions. Qui n’appellent des réponses univoques et  définitives car, précisément, en tant que mini-société, l’Ehpad regroupe des personnalités diverses, aux passions, aux goûts et aux cultures différents.

 

Comment respecter les désirs des résidents ?      

Pour Marion Benages, ergothérapeute au sein de plusieurs Ehpad toulousains, la première étape est de se baser sur les bilans (cognitifs, de santé, de vie) réalisés à l’entrée en Ehpad et régulièrement actualisés. Ils permettent de connaître l’histoire du résident et son mode de vie, de cerner son caractère et ses passions mais aussi d’entrevoir ses capacités physiques. En outre, ajoute Jacques Heurtier, Directeur de l’Association nationale de formation en gérontologie (AFNG) qui forme notamment à l’animation, il convient, lors des animations, d’écouter attentivement et de comprendre les résidents en tenant compte des éventuelles différences culturelles.

Quelles sont les limites de l’animation ?      

« Il n’y a pas de limites aux propositions en dehors de celles que s’imposent les équipes. Tout est affaire d’adaptation. Par nature, toute activité peut être exaltante si elle est bien conduite, estime Jacques Heurtier. En revanche, si l’on doute soi-même que l’animation plaise, il est à craindre que cela se sentira dans la présentation  et… qu’elle ne conviendra pas. » 

Quelles conséquences  peuvent avoir des animations mal adaptées ?

Les résidents peuvent s’ennuyer, se disputer, s’angoisser… Certaines attitudes ou réflexions peuvent également avoir des effets néfastes, ajoute Jacques Heurtier. « Si, lors d’un jeu de mémoire, un résident ne trouve pas la réponse et qu’un animateur lui dit ”réfléchissez”, il commet une double faute : il installe la personne interrogée dans un rôle d’ignorant et risque d’attiser l’impatience du groupe. »

Comment réagir face à un résident qui ne s’intéresse à aucune animation ?

Inutile de forcer les résidents. Plusieurs intervenants différents peuvent essayer de faire adhérer la personne à divers types d’animations. Finalement, « la réussite, avec ces résidents, passe souvent par une prise en charge individuelle, estime Marion Benages. Nous discutons avec la personne en tête à tête de manière à créer un lien de confiance et à comprendre quel type d’activité pourrait lui plaire, selon son vécu, son expérience et ses passions. Puis, petit à petit, si elle l’accepte, on agrandit le groupe. Faire participer un membre de la famille ou un proche constitue une autre manière de neutraliser cette réticence. »

Y a-t-il des règles en  matière d’organisation  des animations ?

Les résidents sont souvent plus attentifs en fin de matinée ou en début d’après-midi. En outre, précise Marion Benages, « il est important de faire des pauses ». La durée est difficile à fixer de manière collective car elle dépend de l’état de santé et de la capacité de concentration de chaque résident. « Pour les personnes qui présentent des troubles cognitifs, quarante-cinq minutes suffisent », indique toutefois l’ergothérapeute. 

 


Ateliers : animations ou soins ?

Parce que leur métier vise précisément la rééducation d’handicaps moteurs et/ou cognitifs via l’exercice d’une activité artistique ou manuelle, les ergothérapeutes flirtent eux-aussi avec l’animation. La différence principale réside dans le fait que l’objectif de l’ergothérapie est de récupérer de l’autonomie et non de divertir. Si les ergothérapeutes ne proposent pas d’animations et ne travaillent pas (ou peu) avec les animateurs, les précautions qu’ils appliquent lors d’ateliers thérapeutiques sont en partie transposables. Surtout, ces ateliers représentent, pour certains résidents atteints de pathologies de type Alzheimer ou apparentées, le seul moyen de participer à des activités. En effet, souligne Marion Benages, il est très difficile d’intégrer ces personnes âgées qui souffrent précisément de problèmes d’apprentissage et de communication, d’autant que les animations sont souvent proposées dans le cadre de groupes importants. Dans ce contexte, un concept est particulièrement plébiscité, notamment à destination des résidents vivant en unité de vie protégée : la méthode Snoezelen qui consiste à mettre en éveil des sensations physiques et des sens.

 


 

 


Qu’est-ce qu’un bon animateur ?

 Dans son guide de bonnes pratiques consacré à la qualité de vie en Ehpad, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) évoque la question de la place de l’animateur et ses qualités. Ni soignant ni psychologue ni personnel aidant ni administratif, « il est au service de la vie sociale de l’établissement. […] La place et le rôle mais aussi la vision qu’en ont les autres professionnels et plus généralement l’image du métier d’animateur en gérontologie restent à approfondir pour les positionner comme des professionnels reconnus ». Au-delà du constat, l’Anesm formule des recommandations sur les qualités d’un bon animateur : « être à l’écoute et favoriser la communication » mais aussi faire preuve de respect, de disponibilité, d’enjouement, d’humilité, de patience ou encore de favoriser la stimulation. Enfin, « une posture prospective et de réflexion sur son travail » est indispensable tout comme la mise en place d’une évaluation de son action. Le dernier conseil de l’Anesm ? Se laisser surprendre par les résidents et adapter ses propositions en conséquence.

 


 

 


 La « pédagogie sans échec »

Parce que l’animation constitue la clef de voûte du lien social en Ehpad, il est extrêmement important que les résidents prennent plaisir à y participer. Et cela dépend, selon Jacques Heurtier, Directeur de l’Association nationale de formation en gérontologie (AFNG), moins du type d’animation que de la pédagogie mise en place. « Nous l’appelons la pédagogie en mode sans échec. Le but est que, quelle que soit la question posée, le résident trouve la réponse ou le savoir-faire adapté. Il ne doit pas avoir peur, notamment du regard d’autrui. » Tout au long de notre vie, nous bâtissons des projets pour avancer. C’est pourquoi les personnes âgées qui arrivent en Ehpad peuvent connaître des épisodes dépressifs d’autant plus vifs s’ils s’accompagnent d’une perte d’autonomie et d’une aggravation d’une voire de plusieurs pathologies. « Il est donc très important de travailler sur leur estime d’elles-mêmes et de leur montrer qu’elles ont une place dans un groupe », suggère Marion Benages. Pour cela, il faut prendre en compte leurs habitudes de vie et leurs loisirs. Il existe également des « astuces rhétoriques », selon Jacques Heurtier, en utilisant par exemple des formules non professorales. « Il est plus impactant de dire ”Si je vous demandais de citer trois objets que l’on peut trouver dans une voiture ?”, plutôt que ”Citez-moi, etc” ».

Autre élément important : éviter de mettre le participant en situation d’échec. « Il faut être vigilant vis-à-vis de ceux qui trouvent l’animation compliquée, qui se renferment et ne répondent jamais parce que le niveau est trop élevé, recommande Marion Benages. De plus, il faut veiller à finir sur une note positive car ce qui est important, c’est de montrer aux personnes âgées que certaines choses fonctionnent encore bien ». Pour y parvenir, il est plus aisé de constituer des petits groupes. Cela favorise le lien social et permet, notamment pour ceux qui viennent d’arriver en institution, de s’acclimater et de se lier avec d’autres résidents. Attention toutefois à un écueil, précise l’Anesm dans son guide de recommandations : il ne s’agit pas ici de créer de liens entre l’animateur et le résident mais entre les résidents eux-mêmes…

 


 

 

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