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Catherine Réa, gériatre et conseillère médicale à la Fehap Non classé

Nous aurions aimé que le rapport Verger aille plus loin

Le rapport Verger sur la politique du médicament en Ehpad a été rendu public le 12 décembre. Ajoutées à celles du rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) sur la réintroduction des médicaments dans les forfaits soins, les 27 propositions formulées permettront d’élaborer un plan d’action pour une politique du médicament adaptée aux besoins des personnes âgées, lequel s’inscrira dans la future loi sur l’Autonomie. Pour Catherine Réa, gériatre et conseillère médicale à la Fehap, les conclusions du rapport sont satisfaisantes en dépit de certains oublis.

Quel est votre sentiment général à lecture de ce rapport ?

Catherine Réa : Globalement, c’est un très bon rapport qui pose bien tous les sujets concernant la politique du médicament en Ehpad. La Fehap s’y retrouve, notamment dans les propositions formulées au sein des groupes de travail. Cela fait du bien de lire un rapport dans le cadre duquel tous les professionnels et les institutions ont vraiment travaillé. Nous attendons maintenant de voir de quel accompagnement il fera l’objet et comment il sera mis en œuvre.  Toutefois, nous aurions aimé que le rapport Verger aille plus loin à propos de certaines propositions, particulièrement en ce qui concerne la prescription.
Nous savons que les généralistes ne souhaitent pas utiliser de nouveaux logiciels au moment de la prescription. C’est pourquoi la proposition d’une interface unique nous convient. Mais encore faut-il accompagner financièrement les établissements qui devront assurer le coût supplémentaire de la mise en place de cet outil. De même, l’idée de renforcer le rôle du pharmacien référent en Ehpad et d’élargir ses missions est tout à fait intéressante mais pose une fois de plus la question du tarif global qui n’est pas abordée dans ce rapport. En ce qui nous concerne, nous plaidons pour une réouverture plus large du tarif global.
Quant à valoriser l’implication des médecins libéraux intervenant en Ehpad, notamment leurs actions de coordination médicale dans le cadre du parcours de soins, cela nous semble effectivement important.
Mais, là encore, il faut pour cela que les autorités aident les établissements à financer cette valorisation. Enfin, nous aurions aimé que soit reprise dans le plan d’action l’idée que les médecins généralistes libéraux signent des conventions et non des contrats, dont ils ne veulent pas, avec les Ehpad. Ce serait là un outil de dialogue qui permettrait de limiter les blocages existants.

D’autres propositions vous satisfont-elles ?

C. R. : Oui, la Fehap se félicite que le rapport Verger souligne l’importance, pour chaque établissement, de réaliser une analyse des risques en matière de sécurisation du circuit du médicament, même si celle-ci doit, dans certains cas, être accompagnée par les ARS. D’autres éléments sont intéressants mais compliqués et longs à mettre en place, notamment la recherche galénique ou l’harmonisation de la réglementation. Enfin, insister sur la formation des professionnels et définir le rôle des pharmaciens référents faisaient aussi partie des demandes fortes aussi bien des pharmaciens que des établissements. Quant à l’idée de mettre en place au sein de la filière gériatrique, sur un territoire donné, un numéro d’appel unique à l’intention des médecins généralistes souhaitant joindre des gériatres pour solliciter une aide dans leur prescription, elle est intéressante mais un peu réductrice. Cela ne doit pas uniquement se limiter aux problèmes médicamenteux mais peut aussi concerner une demande d’hospitalisation de jour, de consultation etc.

Ces propositions permettront-elles de lutter contre la iatrogénie médicamenteuse ?

C. R. : En tant que gériatre, je souhaite rétablir une vérité. En Ehpad, la plupart des résidents sont polypathologiques donc consomment beaucoup de médicaments. Il faut arrêter avec le dogme qui veut que les personnes âgées consomment trop de médicaments. C’est facile à dire ! Quand on est insuffisant cardiaque, diabétique, hypertendu thyroïdien, dépressif et que l’on traite correctement chaque pathologie, on arrive en effet à sept ou huit médicaments. Le problème n’est donc pas tant le nombre de médicaments que l’utilité de chacun d’eux et la compatibilité des prescriptions les unes avec les autres ainsi que la question récurrente du bénéfice-risque et des interactions médicamenteuses. Si l’on veut améliorer les choses, il faut absolument que les médecins prescripteurs aient une vision globale de l’ensemble des prescriptions, que le pharmacien évalue les éventuelles interactions médicamenteuses, que la prescription fasse elle-même l’objet d’une évaluation et d’une réévaluation fréquente et totale en équipe. Deux autres choses doivent également être améliorées pour que le système fonctionne : la communication entre les professionnels de santé et la prise en compte spécifique du sujet âgé, notamment ce qui a trait à la fonction rénale et à la dénutrition (dont souffrent 35 à 40 % des résidents) et qui modifie la pharmacocinétique des médicaments, ou encore les facteurs de risque de chute.

Vous pensez donc que la sécurisation du médicament passe notamment par la mise en place de meilleurs systèmes d’information…

C. R. : Dans un monde idéal, on aurait une prescription informatisée réalisée par le médecin, une vision de toutes les prescriptions faites et une surveillance du pharmacien. On aurait aussi une préparation informatisée à partir d’une prescription validée et contrôlée permettant une traçabilité de la prise de médicaments. Cela existe dans certains territoires, ce n’est donc pas utopique. Cependant, cela représente un coût important pour les pharmacies et les établissements et requiert des partenariats élaborés entre différents professionnels. N’oublions pas que l’outil ne fait pas tout : les professionnels doivent s’emparer du sujet. Et un seul outil ne permettra pas de sécuriser à lui seul le parcours. C’est vraiment aussi par la prise de conscience des professionnels que l’on doit pouvoir améliorer les choses. C’est à cette condition seulement que l’on parviendra à ce que la iatrogénie diminue.

Propos recueillis par Éliane Louvet

 

Le médicament en Ehpad en chiffres

– En France, les plus de 60 ans consomment plus de 40 % des médicaments.
– Le taux d’événements iatrogènes est deux fois plus fréquent après 65 ans. 20 % des effets indésirables qui y sont liés conduisent à une hospitalisation
chez les plus de 80 ans. 30 à 60 % de ces effets sont prévisibles et donc évitables.
– En Ehpad, une personne âgée consomme en moyenne sept molécules différentes par jour. Un chiffre notamment dû à une « prescription mille-feuilles » qui comprend « huit lignes en moyenne » pour une population le plus souvent polypathologique.
– 71,3 % des Ehpad travaillent avec une ou plusieurs pharmacies d’officine tandis que 28,7 % des Ehpad  disposent d’une Pharmacie à usage intérieur (PUI).

Source : Rapport Verger.

 

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