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Comment en faire des alliées ? Non classé

Les familles et les proches du résident sont aujourd’hui des acteurs incontournables de la vie en Ehpad. Ils occupent une place grandissante et, à ce titre, expriment de plus en plus d’attentes à l’égard de l’institution. Reste, pour les professionnels, à construire une relation neutre et sereine avec eux, condition sine qua non d’une intégration réussie pour le résident lui-même. Ainsi, dans son rapport de « Recommandations de bonnes pratiques professionnelles » publié en décembre 2011, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) reconnaît que les relations avec les familles doivent être une priorité pour les professionnels. Ces derniers doivent entre autres chercher à « faciliter le rapport entre le résident et ses proches », « reconnaître la place des proches dans l’accompagnement des résidents » et « impliquer des acteurs extérieurs dans la vie de l’établissement ». Mais comment se construit cette relation et surtout de quoi doit-elle être faite ? En somme, l’institution doit trouver sa place dans des rapports familiaux pas toujours paisibles.

Dossier réalisé par Camille Grelle et Éliane Louvet

 

Un partenariat à nouer avec les familles

Professionnels et familles sont unanimes : les fondements de leur relation reposent sur le dialogue et la transparence. De la rencontre de préadmission à la sortie définitive de l’Ehpad, il faut construire un véritable partenariat tripartite autour du résident. Comme le résume Magali Simonnot, infirmière coordinatrice à la Fondation Cognac-Jay et formatrice, « l’accueil de la famille et celui du résident ne font qu’un. Il est aussi important d’accueillir l’un que l’autre ».

Accompagner et dédramatiser

Lors du choc de l’entrée en établissement, l’équipe de professionnels doit rassurer les familles face à la lourde machine administrative. « Il faut commencer par dédramatiser la lourdeur administrative, expliquer les démarches, notamment après une hospitalisation à l’issue de laquelle les familles viennent nous voir en urgence avec toute l’angoisse qu’elle peuvent ressentir ajoutée au choc de la post-hospitalisation. Le premier sujet de préoccupation est souvent la question financière. Là encore, il faut les désangoisser », explique Séverine Jaffier, directrice de l’Ehpad Le Jardin des Aînés à Ganges (Hérault). Selon elle, il faut évoquer les questions pratiques liées à la fin de vie dès la première prise de contact : « Les souhaits du résident et les détails pratiques concernant cette question ne doivent justement pas être abordés à la fin de l’entretien mais comme on aborde la question du trousseau de linge ou du médecin traitant pour en faire une formalité administrative comme une autre. D’ailleurs, ce sont souvent les familles qui ont un problème avec cette question et non pas les résidents : eux sont très lucides face à la vieillesse et la mort. Et finalement, les familles nous remercient d’en avoir parlé car cela les apaise. » Une fois l’aspect administratif réglé, un dialogue serein peut s’installer avec les familles pour expliquer la vie institutionnelle et ses règles qui « devront fréquemment faire l’objet de rappels au cours des premières semaines ».

Déculpabiliser sans nier l’inquiétude

« La culpabilité des proches est le plus difficile à gérer parce qu’il y a un réel sentiment d’abandon parfois majoré par le résident lui-même qui en fait le reproche à ses proches », confirme Magali Simonnot. Et cela est humain, assure Séverine Jaffier. « Il ne faut jamais dire « Ne vous inquiétez pas », recommande-t-elle. Ce serait nier l’existant ! Il est normal que l’on se fasse du souci pour son parent ou son conjoint. J’ai même tendance à dire « Vous avez votre culpabilité, c’est normal. Mais sachez que vous pouvez être en confiance et osez poser toutes les questions que vous voulez. »

Un mot d’ordre : la transparence

Familles et professionnels s’accordent sur ce point : leurs échanges doivent être marqués du sceau de la confiance. « Il faut être transparent par rapport à la personne qui arrive et à sa famille, martèle Joëlle Le Gall, Présidente de la Fédération nationale des associations des personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef). Il faut être capable de dire : « Voilà ce que je peux vous offrir et ce que je ne peux pas vous offrir dans l’immédiat parce que je n’en ai pas les moyens. » C’est un langage qui peut être difficile à tenir pour les directeurs d’établissements et difficile à entendre pour les familles mais c’est un langage de transparence. » Jamais de mensonge donc. Pas besoin d’enjoliver la réalité non plus pour rassurer les familles mais, au contraire, s’appuyer sur des indicateurs positifs réels (reprise de poids, amélioration de la motricité…). Et concernant les personnes atteintes de troubles cognitifs, pour lesquelles cela n’est pas toujours très visible, Séverine Jaffier préconise de « renvoyer les familles à leur rapport à leur parent et de leur demander : « En tant qu’aidant hier, comment vivez-vous aujourd’hui le fait que’il soit en institution ? » Les proches sont alors rassurés et la communication avec leur parent n’en sera que meilleure.

Bien faire connaître l’équipe

« Les familles demandent vraiment un accompagnement au sein de la maison. C’est d’ailleurs précisément notre tâche et notre travail que d’accompagner nos résidents et leur famille jusqu’à la fin en gérant les souffrances physiques et psychiques », explique Magali Simonnot. L’important est de bien faire connaître l’équipe auprès des familles : médecin coordonnateur et médecin traitant pour les questions médicales, cadres de santé pour l’organisation des soins, psychologue, cadres administratifs, personnels d’animation… En posant les bonnes questions aux bons interlocuteurs, on lutte aussi contre la culpabilité et les difficultés. C’est pourquoi, selon Joëlle Le Gall, « il faut entendre les familles et les recevoir quand elles en ont envie ».

Dialoguer autour d’un projet commun

Impossible de bien accompagner le résident et sa famille sans les connaître. Cela nécessite de ne négliger aucun temps d’entretien pour apprendre ses habitudes, les événements marquants de sa vie, ses goûts…
Bref, récolter le maximum de pistes auprès du résident et de sa famille pour la meilleure prise en charge possible. « L’intérêt est d’avoir un recueil des habitudes de vie à l’admission pour connaître les personnes puis de le réactualiser au vu de la vie en institution. L’objectif est vraiment de construire un projet de vie personnalisé : il est élaboré par l’équipe mais il faut absolument que le résident intervienne. Enfin, ce projet est présenté à la famille puis signé », selon Séverine Jaffier.

Intégrer les familles… sans les obliger

Les familles s’intègrent différemment dans la vie de l’institution. Certaines vont se montrer très présentes car leurs activités ou leur proximité géographique le leur permettent quand d’autres seront moins disponibles. Dans tous les cas, il ne faut jamais forcer la participation, selon Séverine Jaffier : « Les familles doivent être partie prenante à hauteur de ce qu’elles souhaitent. Les obliger à participer ramène à la notion de la culpabilité. Il faut leur laisser la liberté de choix. Cela implique de gérer parfois la déception d’un résident en cas d’absence. Dans ce cas, il convient de dédramatiser cette absence et de la mettre en perspective en évoquant les résidents qui, eux, sont vraiment isolés. »

 

« Le psychologue a un rôle important »

Anne Jubeau, psychologue à la Résidence des personnes âgées des Bords de Marne (94)

« Le psychologue a un rôle important auprès des familles. Là où je travaille, on organise des rendez-vous avec les familles de tous les nouveaux arrivants. Nous sommes deux psychologues et nous avons des entretiens séparés avec le résident et la famille. Les familles sont très demandeuses de ce moment-là qui est vraiment un temps qui leur est destiné, un temps d’échange. Le partenariat avec les familles est essentiel : le premier rendez-vous permet d’en créer les bases pour que le dialogue se poursuive tout au long du séjour. Lors de la fin de vie aussi, notre rôle est important. Il n’y a pas forcément besoin de mots : être présent, offrir une écoute et de l’empathie sont déjà des choses essentielles. »

 

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