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Ehpad et laïcité Comment concilier liberté, égalité et fraternité en établissement ? Non classé

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mains priereLa laïcité – ou neutralité absolue de l’Etat et de ses institutions en matière religieuse- est un principe fondamental de la République inscrit dans l’article 1 de la Constitution. Son application en EHPAD, lequel comporte des lieux collectifs et privatifs mais aussi et avant tout un lieu de vie et de fin de vie, peut toutefois poser des difficultés.

Des problématiques sont susceptibles de se poser concernant les résidents en matière de respect des prescriptions alimentaires, de pratiques du culte et de prise en compte des rites mortuaires. Des interrogations peuvent également survenir vis-à-vis des membres des personnels et de leurs propres croyances et pratiques religieuses, lesquelles doivent être conciliées avec l’organisation de l’établissement au sein duquel ils exercent. Comment respecter la liberté de conscience de chacun tout en assurant le bon fonctionnement de l’EHPAD? Voici quelques pistes de réflexion.

« Les choses sont assez claires à l’hôpital ainsi que dans les cliniques privées qui ont souvent repris les règles du public. Par contre, les choses peuvent paraître plus floues, moins connues, concernant les structures de ser- vices sociaux ou médico-sociaux qui sont des établisse- ments qui accueillent généralement des personnes pour de longs séjours et qui gèrent l’accompagnement vers la fin de vie. » Tel est, en matière de laïcité, le constat dressé le 16 septembre dernier par la ministre de la Santé Marisol Touraine. Ce que la ministre de la Dé- centralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, a confirmé le 3 novembre, en indiquant notamment qu’« il y a encore des difficultés dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ». Ces deux déclarations, effectuées à l’occasion d’une série d’auditions menées par l’Observatoire de la laïcité, ont été incluses dans le rapport annuel 2014-2015 dudit Observatoire, rendu public le 30 juin dernier. L’occasion, donc, de faire le point sur la réglementation en vigueur en matière de respect de la liberté de culte et de religion en Ehpad et sur les limites au-delà desquelles il devient difficile d’accéder aux demandes des résidents ou de leurs proches (aménagements en matière de repas, de soins, de temps de prière, de célébrations ou de manifestations religieuses, de rites de fin de vie etc.).

 

  Une nouvelle donne

 Cette problématique ne concerne pas nécessairement– ou pas encore – tous les établissements. Toutefois, « ce qui est nouveau, c’est la multiplication des cultes, souligne Claudy Jarry, Président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa). Il y a quelques années dans certaines zones géographiques, il y avait une ou deux religions dominantes, notamment catholique. Aujourd’hui, à l’instar du reste de la société, il y a des pratiques religieuses différentes. Et, à mon sens, ce phénomène va aller en s’amplifiant. »

 

 Exigences des proches

 

Le Président de la Fnadepa appelle toutefois à « pondérer les choses » en rappelant qu’une « personne âgée en Ehpad a souvent abandonné depuis longtemps une pratique assidue du culte ». De plus, en Ehpad, la personne vit à son domicile. Elle a donc toute latitude pour exprimer ses croyances dans ce qui est son lieu de vie, son intimité. Demeurent donc essentiellement les questions ayant trait à la liberté religieuse dans les lieux collectifs de l’Ehpad, voire aux demandes des proches des résidents. « Même si je pense que ce sera moins le cas en Ehpad qu’ailleurs, il est possible qu’une forme de radicalisation se produise et qu’ici et là, les enfants de personnes âgées nous mettent davantage de pression au sujet de la pratique religieuse de leurs parents qu’ils ne le faisaient ces dernières années.»

 


La laïcité concerne aussi les membres du personnel

Comme dans de nombreuses organisations, administrations ou entreprises en France, des problèmes peuvent survenir au sein du personnel des EHPAD (port de signes religieux ostentatoires, exercice du culte sur le lieu de travail, célébration des fêtes religieuses etc). “Cela se gère et toute la finesse du management consiste à faire en sorte que le vivre ensemble chez les salariés existe, estime Claudy jarry, président de la Fnadepa. Il est vrai que les établissements se heurtent parfois à des difficultés mais ni plus ni moins qu’ailleurs et elles sont de surcroît gérables.” Par le dialogue et la gestion des situations au cas par cas, notamment en fonction de la politique de chaque établissement.


 

 

 


 Ehpad et laïcité : la FHF s’est emparée du sujet

 En mars 2015, 47 établissements sanitaires, 60 médico-sociaux publics et 65 qui cumulent les deux activités ont répondu à un questionnaire proposé par la Fédération hospitalière de France (FHF). Les résultats ont été compilés dans un rapport publié début juillet sur le site www.fhf.fr. Au total, 25 % des structures médico-sociales (prenant en charge des personnes en situation de précarité, d’exclusion, de handicap ou de dépendance) indiquent avoir déjà été confrontées à au moins une problématique liée au respect de la laïcité par les usagers. Les cas signalés ont porté sur le respect des croyances par les soignants et l’institution (méconnaissance des pratiques et rites funéraires, revendications sur une alimentation spécifique), la pratique du culte ou encore le prosélytisme. Par ailleurs, 8 % des structures ont dû gérer au moins une problématique liée au respect de la laïcité par les membres du personnel. Les situations rencontrées concernaient le port de signes extérieurs d’appartenance à une communauté religieuse avec refus de les enlever ou des difficultés à répondre favorablement à des demandes d’aménagement organisationnel lors de  fêtes  religieuses  ou  de  périodes  spécifiques.

Le rapport de la FHF précise cependant que « beaucoup de répondants insistent sur le caractère isolé de ces problèmes » et que « la plupart des situations semblent pouvoir être traitées par le dialogue  ». Par ailleurs, « le secteur sanitaire semble ren- contrer davantage de  situations  problématiques que le  secteur médico-social »,  complète-t-il.

C’est  a  priori  la  raison  pour  laquelle  seuls  16,7% des établissements médicaux-sociaux ont af- fiché une charte de la laïcité en  leur  sein,  5  % ont désigné un correspondant laïcité et 1,7 % de leurs personnels ont reçu une formation sur le sujet (46,7 % d’entre eux disposent néanmoins d’un lieu multiculturel).

De manière générale, « les établissements du secteur médico-social ont souligné que la question de la laïci- té est globalement incorporée dans la question – plus large – du vivre ensemble », détaille le Dr Maxime Cauterman, corédacteur du rapport. Et de préciser qu’il ne s’agit pas là d’une problématique en tant que telle, la question de la religion étant intégrée dans les préférences individuelles des usagers.


 

 

 

 

 

 

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