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Quelle responsabilité pour les établissements ?

Un arrêt récent de la Cour de Cassation illustre parfaitement la complexité des règles de procédure civile auxquelles sont confrontés les Ehpad du fait des responsabilités qu’ils assument auprès des usagers. Exemple à propos d’usagers souffrant d’Alzheimer.

Me Philippe Pataux, avocat associé Barthélémy-avocats

 

 

Ce que disent… LES TEXTES

Le contrat de séjour interdit en principe à la victime de choisir l’ordre de la responsabilité sur lequel elle veut fonder sa demande ; seule sera possible la recherche de la responsabilité contractuelle de l’établissement.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 et, spécialement, l’institution d’un contrat de séjour régissant les relations entre les organismes gestionnaires et les usagers qu’ils prennent en charge, l’attention se focalise sur la responsabilité contractuelle des établissements du fait de l’existence d’un lien contractuel entre le résident et l’organisme gestionnaire, étant ici rappelé que l’absence de conclusion d’un contrat entre l’Ehpad et la personne âgée constitue une contravention de 5e classe prévue et réprimée par l’article R. 342-1 du Code de l’action sociale et des familles.

 

Du côté de… LA JURISPRUDENCE

Le juge considère ainsi que les établissements d’hébergement pour personnes âgées qui accueillent des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont, à leur égard, une obligation de vigilance qui, sans constituer une obligation de résultat, engage néanmoins leur responsabilité contractuelle en cas de fugue mortelle. (Toulouse, 3e Chambre, 1ère section, 26 juin 2007, n°371)

 

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 15 décembre 2011, a pu confirmer  qu’un établissement ne pouvait voir sa responsabilité délictuelle engagée sur le terrain de l’article L. 1384 al. 1 du Code du travail. En l’espèce, un pensionnaire atteint d’Alzheimer avait porté des coups mortels à un autre pensionnaire au cours de déambulations nocturnes. L’enquête avait fait ressortir d’une part que l’agresseur  avait séjourné auparavant  dans un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie pour un état d’agitation et des problèmes d’agressivité à la suite de violences commises sur la personne de son épouse, ce dont la maison de retraite était informée, et d’autre part que la nuit du décès, l’établissement n’avait effectué que trois rondes sur les cinq auxquelles il s’était engagé par protocole.

 

Les juges du fond ont cependant estimé que l’établissement n’avait commis aucune faute ayant joué un rôle causal dans la survenance du dommage dans la mesure où il n’était pas démontré que l’absence des deux dernières rondes ait eu un rôle causal dans la survenance des faits dès lors qu’il n’était pas établi que les faits s’étaient produits à l’heure où l’une ou l’autre aurait dû avoir lieu.

 

La Cour de cassation  rejette  l’application de l’article L. 1384 al. 1 invoqué, cet article instituant une responsabilité délictuelle du fait d’autrui sans faute prouvée sur le simple constat du dommage (en l’espèce le décès de la victime).

 

Elle considère que seule la responsabilité contractuelle pouvait être recherchée. Les juges du fond ont donc souverainement considéré que l’établissement n’avait commis aucune faute contractuelle, la responsabilité de celui-ci ne pouvant être engagée.

 

Cet arrêt a le mérite d’écarter la responsabilité civile sans faute des établissements du fait des dommages causés aux usagers, responsabilité qui place sur un même pied les établissements vertueux et négligeants, le simple constat d’un dommage étant suffisant. En retenant la responsabilité contractuelle, le juge oblige au contraire la victime à rechercher l’inexécution totale ou partielle du contrat qui la lie à l’établissement en lien direct avec le dommage, valorisant ainsi les établissements prenant toutes les mesures nécessaires afin de prévenir les dommages aux usagers.

 Références

1Cassation sociale, première chambre civile, 15 décembre 2011, n°: 10-25740

– Article 1384 alinéa 1 du Code civil

– Article 1147 du Code civil

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