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Florence Arnaiz-Maumé Les interviews

Il faudrait un plan sur plusieurs quinquennats

À l’occasion de son 12e congrès, le Synerpa publie un Livre blanc sur la prise en charge du grand âge. Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, fait le point, pour Ehpad Magazine, sur les principaux enjeux des prochains mois.

Propos recueillis par Grégoire Sévan

Ehapd Magazine : Vous tenez votre 12e congrès à Bruxelles, les 31 mai et 1er juin prochains. Pourquoi avoir choisi de vous expatrier ?

Florence Arnaiz-Maumé : Nous avons voulu que ce congrès soit tourné vers l’extérieur, ce qui peut paraître paradoxal en cette période d’élections présidentielle et législatives, mais nous étions persuadés que nous n’aurions pas d’hommes politiques français susceptibles de participer à notre congrès. Les futurs décideurs auront en effet à bâtir un nouveau gouvernement pendant que nous serons à Bruxelles. Nous avons donc préféré mettre de côté les sujets franco-français et nous ouvrir sur ce qu’il se passe en dehors de nos frontières et voir comment l’Europe pourra, à terme, impacter les sujets qui nous importent. Nous y aborderons toutefois largement le Livre blanc, intitulé « Pour une politique soutenue en faveur du grand âge », que le Synerpa a élaboré pour les élections présidentielle et législatives.

E. M. : Justement, quelle a été votre démarche lors de la rédaction de ce Livre blanc ?

F. A-M. :  Nous avons essayé d’être pédagogiques et pragmatiques dans un contexte de finances publiques extrêmement serrées. Nous appelons de nos vœux une politique constante, loi après loi, décret après décret, de manière à rendre le système encore plus efficient avec un meilleur service rendu aux personnes âgées. Nous ne sommes pas les tenants de la réforme des grands soirs que certains ont demandée en 2011.

E. M. : Vous avez toutefois des demandes prioritaires…

F. A-M. :  En tant que syndicat professionnel représentant les intérêts des établissements, nous voulons que soient grandement simplifiés les dispositifs de tarification et de conventionnement tripartites. Il faut parvenir à une situation beaucoup plus fluide. Par exemple, depuis 2011, tous les établissements devraient être en conventionnement de deuxième génération. Or, 50 % ne le sont pas. Par ailleurs, on manque de médecins pour valider les coupes pathos mais aussi de responsables et de conseillers techniques dans les ARS pour négocier et signer les conventions tripartites.

L’urgence absolue est donc de simplifier les règles tarifaires et de parvenir à une égalité de financement quels que soient les types d’établissements. Il est temps d’achever la réforme de la tarification qui avait commencé à être réfléchie en 2009 et qui n’a jamais vu le jour. Nous sommes toujours favorables à une tarification automatique à la ressource et nous demandons un allègement des procédures budgétaires pour en finir avec des procédures qui durent des mois. Nous avons une démarche de simplification, de progrès et d’égalité.

Il faut également revenir à un lien bien plus fort entre conventionnement tripartite et démarche qualité que l’Anesm s’est pourtant efforcée de déconnecter. Nous sommes favorables à ce que l’on nous donne des crédits en contrepartie d’un engagement qualité nouveau. Mais le lien doit exister.

Le Livre blanc 2012 sera présenté lors du 12e congrès du
Synerpa qui
se déroulera du 31 mai au 1er juin à Bruxelles.
Pour toute
information sur le programme : www.synerpa.fr

E. M. : Tarifs, conventionnements tripartites, lien tarifs-qualité… Abordez-vous également les problématiques de solvabilisation de vos clients ?

F. A-M. :  Tout à fait. Mais nous réaffirmons aussi qu’avec un tarif moyen de 60 à 65 euros la journée, nous sommes au juste prix. Tout le monde dit que c’est trop cher. Eu égard au service rendu, à savoir, un hébergement, des animations, du blanchissage, de la restauration, du ménage et de l’accompagnement quotidien des personnes  vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cette somme est tout à fait justifiée. Ce qui ne nous empêche pas de prendre en compte l’accessibilité financière des établissements. C’est pourquoi nous travaillons aussi sur la solvabilisation de ce tarif d’hébergement pour ceux qui en ont le plus besoin. À ce titre, nous souhaitons retravailler sur l’habilitation à l’aide sociale qui est aujourd’hui désuète et ne répond plus aux besoins. Ce travail doit également être fait concernant les aides à l’hébergement. Nous parlons ici d’une enveloppe d’environ 3 milliards d’euros qui sont un peu disparates et répartis entre Aide personnalisée au logement (APL), Allocation de logement sociale (ALS) et déductions fiscales. Il y a quelque chose à revoir de ce côté pour améliorer les aides et les affecter à ceux qui en ont le plus besoin.

E. M. : Outre les problèmes de tarifs et la médicalisation, quels sont les autres sujets prioritaires ?

F. A-M. : La pénurie de personnel, bien sûr. Il est cruel de constater qu’après avoir finalement obtenu un petit peu de financement pour faire face aux besoins, nous n’arrivons pas à trouver le personnel nécessaire sur le marché du travail alors même qu’il y a dix millions de chômeurs. Il y a un véritable gisement d’emplois dans notre secteur. Il faut inciter nos jeunes à se diriger vers nos filières qui sont extrêmement porteuses. Il faut ouvrir des places dans les écoles d’infirmières et d’aides-soignantes. Il faut pouvoir faire des points un peu plus précis sur le nombre d’aides-soignantes formées chaque année, ce que nous ne savons toujours pas. Il nous faut un vrai plan métier comme on l’a fait, à tort, pour les aides à domicile. À tort, car ce secteur est essentiellement un secteur de travail à temps partiel alors que le nôtre est avant tout un secteur de travail à temps complet. En effet, 80 % de nos salariés le sont et nous sommes régis par des conventions collectives pour les établissements privés associatifs ou publics. Notre secteur est donc socialement protégé et offre des emplois d’avenir.

E. M. : La réforme de la dépendance n’a pas été faite. Elle a toutefois été annoncée par tous les candidats. De quelle manière souhaitez-vous qu’elle soit relancée ? Faut-il tout remettre à plat et reprendre à zéro les débats de 2011 ?

F. A-M. : Si nous avons une prière à faire, c’est de ne pas repartir sur 125 débats en 6 mois. Ce n’est pas gérable. Et comme je vous le disais, nous ne sommes pas pour le grand soir. L’objet de notre Livre blanc est de décrire la situation actuelle et de montrer que si l’on veut s’attaquer à tous les pans du système qui sont l’objet de dysfonctionnements, nous ne pourrons pas le faire en une fois. Une réforme du cinquième risque ne résoudra pas la situation dans son entier, sauf à mettre sur la table 10 milliards d’euros. Comme personne ne les a, il faut définir les urgences et répartir les moyens dont on dispose dans le temps. Il faudrait un plan sur plusieurs quinquennats. La perspective est une progression du secteur sur un échéancier de quarante ans. Il faut donc avancer pas à pas dans tous les domaines de l’activité.

E. M. : Comment voyez-vous, dans le futur, la place des Ehpad dans l’offre aux personnes dépendantes ? Pour reprendre les deux directions respectivement évoquées par Roselyne Bachelot et Jérôme Guedj dans nos colonnes, pensez-vous qu’ils sont appelés à être des plates-formes de coordination de la prise en charge des personnes âgées, y compris pour le domicile, ou bien sont-ils destinés à rejoindre le secteur sanitaire ?

F. A-M. : Que se soit dans notre Livre blanc de 2007 ou dans celui que nous publions cette année, nous plaidons pour que l’Ehpad puisse être demain une véritable plate-forme gérontologique qui propose des aides diverses et variées pour l’hébergement – définitif, court séjour, à la journée -, le domicile,  l’Hospitalisation à domicile (HAD) etc. Nous avons évidemment aussi un lien fort avec le secteur sanitaire dans la mesure où les personnes qui sont hébergées chez nous sont souvent hospitalisées ou sortent d’hospitalisation. Nous sommes cousins et nous devons mieux nous parler. De là à dire que l’Ehpad doit rejoindre le secteur sanitaire, nous n’y sommes pas favorables et nous ne sommes pas prêts à ce grand changement. En revanche, nous pensons pouvoir être un pivot entre le monde médico-social et le secteur sanitaire pour désengorger les filières d’urgences, le court séjour et les soins de suite afin qu’il n’y ait pas de pertes financières pour l’Assurance maladie dans le parcours de la personne âgée. Cela est également valable pour la coordination avec les professionnels libéraux. En résumé, même si nous nous sommes largement médicalisés ces dernières années, il faut tout de même conserver tout notre caractère de lieu de vie.

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