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Animation Au quotidien

À quoi servent les projets intergénérationnels ?

L’intergénérationnel a pris ses quartiers dans de nombreux Ephad. S’agit-il de simples occupations ou bien ces projets sont-ils porteurs de sens pour les résidents ?

« Certaines dames, qui avaient tendance à se négliger, se font belles pour prendre le petit-déjeuner avec les petits. Les résidents se sentent reconnus quand les enfants viennent spontanément vers eux », constate Anne-Marie Paule, responsable de la communication de la résidence de l’Abbaye à Saint-Maur-des-Fossés (94) et de celle des Bords de Marne à Bonneuil-sur-Marne (94). Depuis 1999, ces deux Ephad accueillent des crèches dans leurs murs. Repas, activités du matin et goûters musicaux rythment ainsi les journées des petits et des anciens. Comme souvent, c’est d’une rencontre que sont nés ces projets intergénérationnels : « Des assistantes maternelles avaient l’habitude d’emmener les enfants dont elles avaient la garde dans notre parc. Un jour, elles sont rentrées au sein de l’établissement et quelque chose s’est produit entre les résidents et les enfants », se souvient Anne-Marie Paule.

 

Comment réussir son projet intergénérationnel

> Éviter « l’enfant-spectacle » : chaque partie doit
apporter quelque chose à la rencontre et en retirer quelque chose.
> Bannir l’improvisation et prévoir un support commun pour éveiller l’intérêt des petits et des grands.
> Privilégier les petits groupes.
> Veiller à la sécurité de tous.
> Ne rien imposer.
> Respecter l’intimité des résidents.
> Prévoir des activités courtes car ces rencontres peuvent fatiguer les résidents.
> Choisir des activités qui ne mettent pas les résidents en échec, surtout devant les enfants.
> Accompagner les rencontres entre résidents et enfants : si ces derniers refusent le contact, l’équipe doit savoir mettre des mots sur ce refus et apaiser tout sentiment de rejet. Il faut aussi expliquer les éventuels décès…
> Inscrire le projet dans la durée, la répétition et la continuité : les échanges sont fructueux au bout
de quatre à cinq rencontres.
> Inclure les parents des enfants et les enfants des personnes âgées en leur expliquant le projet.

 

La transmission au cœur de ces projets

Chasse aux œufs de Pâques, recueil des souvenirs des plus anciens par les plus jeunes, confection de gâteaux, simples jeux de ballon entre personnes âgées et bébés ou projets inscrits sur les murs de l’Ephad, l’intergénérationnel se décline à l’infini en maison de retraite médicalisée. S’agit-il d’un effet de mode ? Oui et non, répondent les directeurs. Certains établissements l’intègrent dans leur projet d’établissement, tel Les Nymphéas, à Pacé (35) : « Ces projets permettent de diversifier les animations proposées aux résidents. Ils créent également du lien avec le monde extérieur en dédramatisant la vision que les gens ont de la vieillesse et des Ephad. En fin d’année, les enfants présentent par exemple leur spectacle aux résidents. Ou encore, tous se retrouvent au marché le mercredi matin pour papoter », raconte Émilie Hatton, coordinatrice d’animation. « Nous servons surtout de trait d’union entre les générations », observe, pour sa part, Benjamin Lacaille, directeur de l’Ephad La Sallette-Montval à Marseille (13) qui organise notamment des rencontres entre jeunes et anciens scouts au sein de la maison de retraite.

« Les enfants apportent de la gaîté, de la joie et de la fraîcheur à des résidents parfois privés de leurs petits-enfants », confirme Hélène Chaudun animatrice dans un Ehpad au Mans. « Meunier, tu dors » ou « le petit Prince » sont des comptines intemporelles que tout le monde peut chanter. Elles permettent à des personnes dépendantes de communiquer à nouveau avec plaisir. » À condition de prendre aussi en compte les attentes des plus jeunes : « Ils n’ont pas de préjugés, posent des questions et s’attendent à pouvoir toucher les rides des personnes âgées ». Certains projets rehaussent l’estime de soi des résidents car ils sollicitent leurs facultés cognitives. Aux Nymphéas, certains résidents participent ainsi au prix littéraire Chronos décerné par la Fédération nationale de gérontologie : « Nous organisons des lectures régulières entre des résidents et des élèves de Cours moyen et à la fin de l’année, tous se réunissent autour d’un goûter pour élire, dans un isoloir, le livre qu’ils ont choisi. Entre ces rencontres, nous organisons des lectures collectives avec les résidents pour débattre des ouvrages, ce qui permet par exemple la participation d’un résident aveugle », décrit Emilie Hatton, coordinatrice d’animation. Basé sur des entretiens biographiques de personnes âgées à domicile ou en institution réalisés par des lycéens, le projet « Mémoires et identités montbéliardaises » a, lui, débouché sur la rédaction d’un livret, témoin du vécu des plus anciens. Aux dires d’Aline Hoffschneider, responsable d’animation en gérontologie du Centre communal d’action sociale de Montbéliard (25), ce projet stimule la mémoire des personnes âgées, tout en leur permettant « de partager leur expérience et de transmettre des savoirs, des savoirs-être et des savoirs-faire». Car c’est bien la transmission qui, in fine, se trouve au cœur de ces projets. « C’est important et valorisant, pour les résidents, de transmettre ce qu’ils ont vécu. Avec les agriculteurs du Val Fleuri, nous avons monté un projet qui s’intitule « Dis-moi, le pain, ça pousse où ? » et qui va des semis de blé à la fabrication de la miche. C’est l’occasion, pour les résidents qui y participent, de parler des outils et du travail aux champs », souligne Jean-François Brossier, directeur de l’Ehpad La Clergerie, à Coëx, en Vendée.  Cette transmission ne s’arrête pas au vécu, elle aborde aussi les valeurs chères aux résidents. Comme le souligne Anne-Marie Paule, « certains résidents sont heureux de pouvoir apprendre aux petits à dire bonjour ou merci ».

 

Stéphanie Marseille

 

« Respecter le rôle social de chacun »

« L’intergénérationnel n’obéit pas à une obligation légale, assure Bernard Hervy, animateur et président du Groupement des animateurs en gérontologie, qui est une association. Les projets fleurissent dans le cadre des projets de vie sociale inscrits dans la réglementation des établissements. Les premiers projets intergénérationnels sont apparus au milieu des années quatre-vingt. Ils ont pris leur essor dans les années quatre-vingt-dix et deux mille autour d’un enjeu : faut-il réserver ces projets à des personnes valides ? Bien sûr que non car ces résidents-là sont capables de faire des rencontres tout seuls. Or, l’intergénérationnel crée du lien social entre plusieurs générations à condition de satisfaire les attentes différentes des plus âgés et des plus jeunes, en respectant les rôles sociaux des uns et des autres. Dans l’intergénérationnel, le rôle social de la personne âgée porte sur la transmission : quand les gens ont la soixantaine, ce sont surtout des savoir-faire ; quand ils sont plus âgés, ce sont surtout des visions de la vie. »

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