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L’interview de René Caillet et Élodie Hémery Les interviews

Notre véritable combat, c’est de positionner la pertinence de l’accueil en établissement

Depuis quelques années avec Géront Expo et maintenant les Salons de la santé et de l’autonomie organisés par la FHF, mai est devenu le mois des bilans, des nouvelles impulsions mais aussi des rendez-vous des acteurs du secteur. L’occasion de faire un point avec ceux qui, à la FHF, suivent le secteur. Entretien avec René Caillet, responsable du pôle Organisation sanitaire et médico-sociale de la FHF, et Élodie Hémery, en charge du secteur médico-social.

René Caillet, responsable du pôle Organisation
sanitaire et médico-sociale de la FHF.

Comment vont les Ehpad publics
adhérents de la FHF ?

René Caillet : Ils sont dans la souffrance mais ils vont bien. Ils se défendent.

Élodie Hémery : Globalement comme l’ensemble des acteurs du secteur qui accueillent des personnes âgées. Ils évoluent dans un contexte de pénurie et de difficulté financière avéré. Une situation qui se traduit par des ratios d’encadrement qui diffèrent d’une région à l’autre et qui, eu égard aux exigences de la prise en charge des résidents, sont souvent insuffisants pour répondre à leurs missions dans de bonnes conditions.

Le manque de personnel est-il aujourd’hui votre principal problème ?

Élodie Hémery : Oui. C’est bien pourquoi nous nous battons pour obtenir des ratios conformes au Plan solidarité grand âge. Mais la circulaire budgétaire 2013 maintient la convergence tarifaire. 155 millions d’euros seront certes consacrés à la médicalisation mais parallèlement, 140 millions seront gelés tandis que des crédits ne seront pas totalement consommés du fait des procédures et de mécanismes de redistribution et de financement de la CNSA.

Y a-t-il en ce moment, entre le Gouvernement et les fédérations, des négociations sur les moyens ?

René Caillet : Pour l’instant, il n’y a pas d’ouverture de négociations au sens littéral du terme même s’il y a évidemment une concertation qui se poursuit. Par ailleurs, assez classiquement, un recours gracieux a été formulé avec les autres composantes du secteur concernant la circulaire budgétaire. Disons que nous ne sommes pas dans une situation où la satisfaction règne… Compte tenu des gels de crédits effectués les années précédentes, on peut dire que l’on n’a fait que maintenir les moyens dont le secteur dispose. Nous attendons maintenant des annonces fortes.

Que pensez-vous de la suggestion de certains, eu égard à la dépendance de plus en plus grande des résidents, d’intégrer les Ehpad au secteur sanitaire ?

René Caillet : Il y a certes de la médicalisation dans les Ehpad mais il ne faut pas que la médicalisation devienne le sujet principal de l’Ehpad, lequel reste un lieu de vie et non pas un lieu de soins. Il est fondamental de préserver cela sous peine de se retrouver dans une situation que nous ne souhaitons pas, c’est-à-dire de faire des Ehpad des lieux cantonnés à la toute fin de vie. On ne pourra alors plus parler d’Ehpad.

C’est le risque de l’évolution à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. Ce serait une grave erreur car les équipes des Ehpad ne seraient pas armées pour gérer ce genre de situation. Elles seraient de surcroît insuffisantes tandis que la souffrance des résidents serait majorée. L’enjeu, c’est de revenir vers le domicile tout en expliquant aux personnes qu’il y peut y avoir un accompagnement au fur et à mesure de leur évolution et ce, sans trop de ruptures. C’est un combat de société. À cet égard, on peut redouter que la recherche actuelle d’une nouvelle appellation pour les Ehpad ne masque une absence de fond. Il ne faudrait pas créer de faux-semblants ni occulter la réalité avec des mots même si le sigle Ehpad n’est effectivement pas très sexy.

Qu’attendez-vous des débats sur le Pacte de territoires organisés au sein des ARS ?

René Caillet : Il s’agit malheureusement d’une réflexion extrêmement sanitaire qui n’associe le médico-social que par raccroc. Nous sommes loin d’un véritable décloisonnement.

Élodie Hémery, en charge du secteur
médico-social à la FHF.

L’Ehpad peut-il jouer le rôle de plate-forme de prise en charge gériatrique sur un territoire ?

Élodie Hémery : Pourquoi pas ? Mais il n’y a pas de réponse nationale unique. C’est la réalité locale qui prime. En fonction de la dynamique de tel ou tel territoire, un Ehpad, un groupe de foyers logements ou un hôpital peuvent jouer ce rôle de coordination et de plate-forme. L’essentiel est de travailler ensemble pour une prise en charge globale de la personne.

Sur le terrain du domicile, l’Ehpad a-t-il vocation à sortir de ses murs et à proposer de l’accompagnement à domicile ?

René Caillet : Cela fait partie des réflexions des responsables d’Ehpad. Cependant, aujourd’hui, ils ne sont pas forcément armés pour formuler des propositions qui soient entendues par les pouvoirs publics. En ce qui nous concerne, nous aiderons tous ceux qui, dans notre secteur, souhaitent proposer des initiatives innovantes en la matière d’autant que c’est un sujet que nous avons souhaité lancer. Mais nous ne pouvons qu’accompagner les choses, les initiatives sur le terrain étant très diverses. Il n’y a donc pas encore de modèle défini. Nous pourrons faire des propositions. Cependant, à un moment donné, il faudra dire clairement comment tout cela doit s’articuler. La question de l’articulation dans le parcours des personnes en perte d’autonomie est en effet un élément-clé.

L’offre a beaucoup évolué ces dernières années avec parfois une difficulté, surtout pour le secteur privé, à remplir les établissements. Doit-on instaurer un contrôle plus étroit de l’offre afin de l’optimiser ?

René Caillet : Non, pas du tout. Nous avons joué collectif dans le secteur. Il faut le rester même si les approches, les contributions, les attentes et les contraintes de chacun sont différentes. Nous répondons les uns les autres à des besoins complémentaires. Aujourd’hui, il n’y a très clairement pas un nombre de places excessif en établissements. En ce qui nous concerne et vu les tarifs en vigueur dans le secteur public, il y a plutôt des listes d’attente dans la plupart de nos établissements. En tout cas, nous ne souhaitons pas instaurer de contraintes pour réguler l’accès à l’offre publique ou privée de quelque manière que ce soit.

Notre véritable combat, c’est de positionner la pertinence de l’accueil en établissement. On assiste actuellement à une tentative de disqualification de l’accueil en établissement sur le thème « on n’est jamais mieux que chez soi ». Or, ce n’est pas démontré d’autant que dans bien des cas, le maintien à domicile peut être pénalisant voire maltraitant, que ce soit pour la personne ou pour les aidants. Nous craignons que les difficultés économiques ainsi que le discours ambiant conduisent un nombre croissant de personnes âgées à rester chez elles dans un environnement pas toujours adapté. Les personnes seront de plus en plus souffrantes mais ne pourront pas le dire car elles craignent déjà de ne pas pouvoir assumer le reste à charge en cas d’entrée en établissement. Cette donnée nous concerne tous dans le secteur.

Attendez-vous des moyens accrus à l’intention des personnes âgées dans le cadre de la future loi sur le vieillissement ?

René Caillet : Il y a beaucoup de choses qui sont actuellement en préparation. Pour l’instant, nous n’en sommes encore qu’aux enjeux. Vu la conjoncture actuelle, le chemin sera étroit et nécessitera d’être très créatif et participatif même si l’on ne trouvera pas de solutions miracles. La question sera celle de la jointure entre les dimensions macro et microéconomique.

En ce qui nous concerne, nous n’avons pas de raison de penser que les engagements que les pouvoirs publics sont en train de prendre ne seront pas concrétisés. Et nous comptons bien faire partie de ceux qui feront des propositions dans l’espoir d’être entendus. Pour l’instant, on ne peut pas en dire plus.  On ne va pas faire de procès d’intention aux pouvoirs publics mais on ne peut pas non plus affirmer qu’à l’heure actuelle, nous soyons réellement entendus. L’une des questions que l’on se pose sur le terrain concerne le Plan solidarité grand âge qui n’a pas encore été soldé. A-t-il encore du sens ? Doit-on encore le porter ? Est-ce toujours un objectif à atteindre ? On peut difficilement faire preuve d’un optimisme béat alors que la réalisation des objectifs était attendue pour 2012 et qu’ils n’ont pas encore été atteints.

Dans ce contexte très contraint, quelles sont vos priorités en matière de prise en charge des personnes âgées ?

René Caillet : C’est de préserver un accès à des soins ainsi qu’un accueil de qualité pour tous les Français.

Élodie Hémery : Et ce, avec un reste à charge maîtrisé à l’aune du niveau moyen des retraites. L’accessibilité financière est vraiment un aspect du dossier que nous défendons.

Propos recueillis par Grégoire Sevan

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