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L’animation toujours en quête de reconnaissance Dossiers

 

Les Ehpad sont des lieux de vie. À ce titre, l’animation occupe une place primordiale dans la prise en charge des résidents. Une vérité qui a progressé mais qui reste à consolider dans les établissements. En effet, malgré une forte professionnalisation, les membres du personnel qui y sont affectés peinent encore à trouver leur juste place dans les structures.

Dossier réalisé par Francine Lagremont

 

 

 

Une identité professionnelle à confirmer

Face à des résidents de plus en plus dépendants dans des structures davantage tournées vers le soin, l’animation cherche encore ses repères.

« Jouer avec les vieux en leur mettant des chapeaux en papier sur la tête. » Cette formule résume bien la manière dont certains perçoivent encore – à tort – le rôle des animateurs dans les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Longtemps assumée par des bénévoles ou par des membres du personnel volontaires, l’animation ne s’est que très récemment engagée sur la voie d’une reconnaissance au sein des structures. En effet, ce n’est qu’à partir des années 1990-2000 que les directeurs d’établissements ont commencé à l’envisager comme partie intégrante des services proposés aux résidents. Dans les structures du secteur commercial, elle est même devenue, dans certains cas, un atout auprès des clients potentiels et de leur famille.

Si la professionnalisation de l’animation dans les années 2000 a été une étape importante pour sortir de l’ombre, elle n’a pas toujours été accompagnée d’une réelle reconnaissance. Et ce, d’autant que contrairement au projet de vie ou au projet d’établissement qui sont inscrits dans la loi 2002-2, le projet d’animation n’est ni obligatoire ni régi par un texte législatif. « L’animation gérontologique est un métier jeune qui n’a que vingt ans d’existence. Sa reconnaissance reste difficile dans des établissements qui ont donné la priorité aux soins et dans lesquels le personnel soignant a une culture hospitalière. Il faut sensibiliser encore les soignants au fait que les résidents ont besoin d’une vie sociale », assure Philippe Crone, responsable d’IGM Animation.

Les professionnels appelé à gagner leurs galons par eux-mêmes

« Cette discipline s’exerce selon les situations et les moyens alloués. Elle dépend avant tout de la volonté de la direction », regrette Michel Sider, président de l’Institut de recherche et développement pour l’animation en gérontologie (Irdage).

Si l’Agence nationale de l’évaluation sociale et médico-sociale (Anesm) rappelle l’importance du rôle de l’animation dans ses recommandations de bonnes pratiques pour la qualité de vie en Ehpad (volet 3 – décembre 2011), elle pointe du doigt le chemin qu’il reste à parcourir. « La place de l’animateur est différente de celle de tous les autres professionnels de l’établissement. Il n’est ni un soignant ni un psychologue ni un personnel aidant ni un administratif : il est au service de la vie sociale de l’établissement. Sa place et son rôle mais aussi la vision qu’en ont les autres professionnels et, plus généralement, l’image du métier d’animateur en gérontologie restent à approfondir pour les positionner comme des professionnels reconnus. »

Pour autant, les acteurs de l’animation en gérontologie rejettent la posture de victimisation et appellent les professionnels à gagner leurs galons par eux-mêmes dans les établissements. « L’animation en Ehpad est une belle endormie. Elle ne communique pas assez sur ses bienfaits, n’innove pas beaucoup et ne fait pas assez de bruit », admet Michel Sider.

La médicalisation des établissements ainsi que l’augmentation du nombre de résidents atteints de troubles cognitifs et/ou d’une lourde dépendance physique ont contribué au malaise identitaire de l’animation. « Le public accueilli étant fragilisé et en perte d’autonomie, la fonction d’animateur devient de plus en plus difficile, surtout si l’intervenant n’a pas été formé initialement ou au cours de sa pratique professionnelle », reconnaît le président de l’Irdage. Ainsi, selon une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée en 2011, 50 % des responsables d’Ehpad admettent que l’organisation d’animations qui intéressent les résidents est difficile. Seules 28 % des résidents interrogés, qui comptent pourtant parmi les plus valides, y participent régulièrement et 35 % n’y participent jamais.

« Sans les soignants, l’animateur ne peut rien »

Peu à peu, les frontières entre l’animation de la vie sociale, la stimulation cognitive et les activités thérapeutiques non médicamenteuses tendent à s’effacer… La préservation de l’autonomie ou le maintien des acquis des personnes âgées prennent le pas sur le divertissement mais aussi le plaisir et le travail sur le rôle social des résidents. Une évolution inéluctable ou un mélange des genres ? « L’animation soin dans la maladie d’Alzheimer revient plus à stimuler contre la maladie qu’à stimuler la personne. Les animateurs n’ont par ailleurs aucune connaissance neuropsychiatrique. De plus, pourquoi faudrait-il considérer d’emblée que l’on ne peut pas faire de l’animation socioculturelle auprès de personnes atteintes de troubles cognitifs ? », interroge Philippe Crone. « L’animation n’est pas un soin ou alors il faut inventer un autre métier qui joue sur les deux pratiques mais avec une solide formation et sous l’autorité médicale. Il fut un temps où nous pensions aux termes de récréologue ou recréologue comme spécialité alliant certaines dimensions du soin à celles de l’animation », rappelle Michel Sider.

Pour autant, l’animation doit être impliquée à part entière dans le projet de soins des résidents. « Sans les soignants, l’animateur ne peut rien. Il ne pourra assumer ses fonctions en faisant cavalier seul et ne pourra agir que s’il est intégré et accepté par les équipes soignantes. L’animateur doit tenir compte des observations de l’équipe soignante et lui faire part des siennes car dans les activités d’animation ou de soin, certains faits ou attitudes révélatrices méritent que l’on s’y attarde pour mieux intervenir. S’il doit se consacrer presque exclusivement à des animations pour des personnes dépendantes ou fragilisées physiquement et psychiquement, et c’est la tendance, l’animateur doit être très proche du soignant et avoir son avis avant de choisir une activité qui pourrait être dommageable », insiste Michel Sider.

Pour Philippe Crone, « le prendre soin est une affaire de passation de relais entre les professionnels dans la structure ». Une philosophie qui devrait permettre aux animateurs de trouver, voire de s’approprier sans complexe, leur place dans la prise en charge des résidents.

 

La Charte de l’animation

Élaborée en 2006, la Charte de l’animation en gérontologie est le fruit d’une réflexion menée avec tous les acteurs concernés (associations d’animateurs, directeurs de structures, soignants, cadres de santé, représentants des personnes âgées, des familles et des bénévoles, autorités de tutelle…). Ce texte précise les spécificités de l’animation dans les Ehpad (répondre aux attentes et aux besoins des personnes âgées en vue du maintien et du développement de leur vie relationnelle, sociale et culturelle), le but du projet d’animation et le rôle de l’animateur social. Ce texte peut être consulté sur le site internet du Groupement des animateurs en gérontologie (http://affinitiz.net)

 

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