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Le Système d’information au service du management Dossiers

 

Le Système d’information (SI) doit être au service du management et de l’organisation des établissements et non l’inverse. Le SI fait en effet partie intégrante de la politique managériale de l’établissement ne serait-ce que dans la mesure où il régule l’accès à une ressource-clé du fonctionnement de ce dernier, l’information. Nous sommes loin, ici, d’une simple problématique informatique.

Dossier réalisé par Nathalie Ratel

En Ehpad, deux types de logiciels informatiques permettent de regrouper, classer, analyser et diffuser des informations de tous ordres : d’une part, les logiciels propres à la comptabilité et aux ressources humaines, incluant la gestion des paies, le traitement des carrières et l’organisation des plannings ; d’autre part, les logiciels dits cœur de métier. Ces derniers balaient l’ensemble des processus de la prise en charge des résidents dans son volet administratif (inscriptions et départs, facturation et suivi des encaissements, gestion de l’aide sociale) et médical. Dans un cas comme dans l’autre, la mise en place d’un système d’information au sein de l’Ehpad dépasse de loin la seule problématique informatique : cela impacte l’organisation et le pilotage de l’établissement ainsi que le fonctionnement des équipes.

Mieux piloter, mieux organiser

Pour Laurent Vivier, directeur de deux résidences à La Chapelle d’Andaine et à Couterne (Orne), la « gestion informatisée » des informations collectées en maison de retraite « concourt à fournir des indicateurs de fonctionnement et d’évaluation » et « offre la possibilité d’une véritable gestion stratégique ». Elle permet de mieux organiser les activités proposées par l’Ehpad, d’en assurer le contrôle comptable et administratif et de faciliter la prise de décision. Elle aide en outre à mieux appréhender la gestion des stocks et à veiller à la qualité des services offerts.
En effet, grâce au SI informatisé, les directeurs d’Ehpad disposent d’un outil de pilotage offrant entre autres
des bilans statistiques pointus dans lesquels figurent notamment le nombre de signalements d’accidents, le nombre de réclamations des familles ou encore le nombre de résidents ayant fait l’objet d’une ordonnance médicale. Ils comportent également des « données structurées et chiffrées sur le travail demandé et fourni », service par service (nombre de résidents à prendre en charge, type de soins à effectuer etc.), souligne Daniel Kharat, directeur des projets médicaux au sein du groupe Orpéa. Avec, à la clef, la possibilité de rééquilibrer, si besoin, le volume des tâches à accomplir et ainsi, éventuellement, d’apaiser des conflits entre services.

Un outil structurant

Pour Laurent Vivier, le SI « se doit d’être ancré dans l’organisation institutionnelle » de l’établissement car celui-ci « interagit avec des éléments-clés » relatifs à la structure elle-même, ses procédures, sa politique et sa culture. Il naît avec l’organisation et s’aligne stratégiquement sur ses objectifs : qualité, traçabilité ou encore partage des informations administratives voire médicales, estime-t-il. De plus, « en gérant la complexité et la diversité, le SI donne toute sa cohérence à la structure », renchérit le directeur d’établissements normand. Il favorise par exemple l’émergence de pratiques professionnelles plus transversales et coopératives. Cela vaut au niveau d’un Ehpad comme d’un groupe d’Ehpad dès lors que celui-ci dispose d’une base unique et centralisée de données permettant d’avoir une vue d’ensemble sur le fonctionnement et les besoins des différents établissements du groupe. « Désormais, toutes les équipes fonctionnent de la même manière au sein du groupe, avec les mêmes documents, les mêmes outils et les mêmes procédures définies par notre service qualité et gestion des risques et partagées grâce à notre SI », explique ainsi le Dr Daniel Kharat. Cela permet ainsi une amélioration de la qualité et du suivi des soins dans la totalité des établissements du groupe.

 

Les SI en Ehpad, priorité 2013 de l’Anap

En 2013, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) entend réaliser un état des lieux des SI existant dans le secteur médico-social ainsi qu’un bilan de leur « contribution à la mise en place d’une logique de parcours » des personnes âgées et handicapées. Dès le 17 décembre dernier, l’Agence a ainsi réuni une quarantaine d’acteurs issus d’Agences régionales de santé (ARS), de Groupements de coopération sanitaire (GCS), de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ou encore de l’Asip Santé ainsi que des gestionnaires d’Ehpad tous statuts confondus. L’occasion de recueillir leurs témoignages et leurs attentes puis de définir les enjeux propres aux SI.
Une autre journée d’échanges se tiendra le 19 avril prochain. Des retours d’expérience, un outil de diagnostic permettant aux établissements d’évaluer leur SI ainsi qu’une cartographie des services qui, au sein des établissements, ont un intérêt à être couverts par un SI seront proposés aux structures médico-sociales en juin, précise l’Anap. Ces travaux seront « une porte d’entrée vers une première structuration du marché des outils informatiques » pouvant faciliter la tâche des directeurs d’établissements confrontés à une offre de logiciels relativement dispersée, affirme l’Anap.

 


Ehpad et hôpitaux : quelle différence ?

« Selon le type d’établissements, on ne peut pas dire que les besoins et les demandes soient les mêmes, affirme Gérard Taieb, PDG de Cegi, groupe éditeur de logiciels. En établissements de soins, les patients viennent avec leur Assurance maladie obligatoire et leur Assurance santé complémentaire. En Ehpad, ils viennent, en sus, avec des aides de la part de leur famille ou encore de leur Département. La prise en charge du patient ou du résident est différente. »

En outre, les cliniques et hôpitaux gèrent les courts séjours ainsi que les services de Soins de suite et de réadaptation (SSR) de moyen séjour, et les Ehpad, ceux de long séjour. En court séjour, « le suivi du patient est d’une extrême précision, poursuit Gérard Taieb, car en l’espace de quelques jours, de nombreux actes sont prescrits, entre les radios, les prélèvements, ou encore les opérations, et de nombreux professionnels de santé interviennent. »

En Ehpad, le SI est moins complexe. Certains misent toutefois sur le haut-de-gamme, notamment les grosses structures ayant la possibilité de mutualiser leurs moyens. Le groupe Orpéa dispose ainsi d’un SI sur mesure, élaboré en étroite collaboration avec un éditeur de logiciels, et offre à ses établissements médico-sociaux les mêmes moyens informatiques qu’à ses cliniques en matière de dossier médical, de Gestion administrative du patient (Gap), de secrétariat, de facturation et de comptabilité. Cela vaut aussi pour les Ehpad dépendant d’une structure hospitalière bénéficiant traditionnellement d’un Dossier patient informatisé (DPI) hospitalier.

 


Les SI, systèmes d’efficience

Service des ressources humaines, service des paies, service de restauration… : en Ehpad, tous les services peuvent être informatisés pour une meilleure continuité et traçabilité de l’information.

Informatisation ne signifie pas robotisation. Elle fournit simplement des outils capables de gérer correctement et rapidement les listes d’attente ou d’émettre une facture dans les plus brefs délais. D’où un gain de temps et d’efficience. L’informatisation apporte également un vrai plus en matière de qualité et de sécurité des soins. Elle offre ainsi la possibilité pour tous les soignants d’avoir, en temps réel, un suivi des actes réalisés par eux-mêmes ou par leurs collègues auprès des résidents et ce, qu’il s’agisse des aides-soignants, des infirmiers, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes ou encore des médecins. La mise en place d’un SI informatisé assure ainsi la continuité et la traçabilité des délivrances de soins médicaux et des soins de nursing ainsi que des prescriptions de médicaments. Cela permet de renseigner précisément les différents praticiens et, partant, les membres de la famille du résident souhaitant en savoir un plus sur le suivi de la personne âgée.

Structuration du travail des équipes

En outre, les soignants peuvent, en un clic, connaître leur programme de travail pour la journée. « Les infirmiers peuvent ainsi avoir instantanément la liste des résidents ayant besoin d’une injection. Il n’y a plus de risque d’oubli et cela facilite le travail du personnel », assure le Dr Daniel Kharat, directeur des projets médicaux du groupe Orpéa. Et si le travail est plus structuré pour les soignants, le SI informatisé permet aussi de fluidifier la communication entre eux.
Cela vaut pour plusieurs types de services tels que les services de restauration. L’informatisation du service cuisine, de la commande à la fabrication des plats, est ainsi l’objectif pour l’année 2013 dans les établissements de Laurent Vivier, directeur de deux Ehpad au sein du Groupement de coopération social et médico-social (GCSMS) du Pays d’Andaine (Orne). Cela permet de quantifier les commandes mais aussi de partager les recettes du chef cuisinier dans le cas où celui-ci serait absent et devrait être remplacé. « Cela fait partie de notre objectif d’assurer la continuité de l’information dans nos établissements », confirme le directeur. L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) publiera quant à elle, en juin, une série de retours d’expériences sur l’opportunité d’avoir un SI informatisé en Ehpad.

Simplicité avant tout

Encore faut-il, bien sûr, que le système soit clair et utilisable par tous les membres du personnel. « Un SI efficace, c’est avant tout un SI simple », synthétise Ismaël de Freitas, responsable qualité au sein de deux résidences de l’association Les Orchidées, à Lannoy et à Roubaix (Nord). Ainsi, dans ces deux Ehpad, le logiciel soins est « simple comme une page Facebook », se plaît à préciser Ismaël De Freitas. En lançant le logiciel et en se connectant grâce à un identifiant et un mot de passe, l’utilisateur se retrouve sur une page d’accueil présentée sous forme de tableau de bord, personnalisée en fonction de son statut et de sa fonction. « Il peut y lire, en un coup d’œil, les informations du jour : les rendez-vous et réunions du jour propres au personnel soignant, voire les alertes comme  les cas d’infection au sein de l’établissement ou les sorties de tel et tel résident », détaille-t-il. Et au sein des résidences Orpéa, un Dossier de liaison d’urgence (DLU) peut être généré automatiquement grâce à une simple icône placée sur le dossier informatique du patient.

Investissements conséquents

Même simple à l’usage, l’outil informatique nécessite une formation du personnel. Et cela a un coût si l’on prend également en compte l’achat et l’installation du matériel puis les frais de maintenance. L’équipement de l’Ehpad de La Chapelle d’Andaine (Orne), comprenant 113 lits, a ainsi coûté 82 000 euros sur les cinq dernières années, hors mise en place du réseau Internet (filaire et/ou Wi-Fi). La formation à l’utilisation des outils informatiques s’est élevée 50 000 euros répartis sur trois années. Sachant qu’il faut aussi prendre en compte le problème de l’obsolescence du matériel qui survient extrêmement rapidement.

 

Vers des Ehpad tout informatisés ?

La tendance est à la dématérialisation pleine et entière, c’est-à-dire au zéro papier, y compris en matière de notes de service. Les établissements du groupe Orpéa sont tous informatisés. « Il y a autant d’ordinateurs portables que d’infirmières habilitées à délivrer des médicaments », souligne le Dr Daniel Kharat, directeur des projets médicaux au sein du groupe. Dans les structures plus petites, l’informatisation est également en cours. Cela fait ainsi bientôt deux ans que la résidence Les Orchidées de Lannoy (Nord) s’est équipée d’un système informatisé pour les dossiers soins des résidents, contre quelques mois pour la résidence gérée par la même association et située à Roubaix (Nord).
L’objectif suivant ? Miser sur l’implantation du Wi-Fi dans toutes les pièces des Ehpad et sur la mise en place d’un système informatique nomade : « Il s’agit d’installer des ordinateurs sur des chariots, afin de pouvoir accéder au dossier informatisé des résidents facilement, détaille Ismaël De Freitas responsable qualité au sein des deux établissements. Après avoir effectué un prélèvement ou pris la température d’un résident, les soignants peuvent remplir son dossier informatisé sans attendre. Les informations sont toutes fraîches et ne se perdent plus. »
Prochaine étape, homogénéiser les SI des Ehpad. Car, selon Florence Pougnet, de la Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) Territoire Grand Versailles, « aujourd’hui, chacun se débrouille. Or, cela ne va pas de pair avec un système cohérent et adapté au terrain ».

 


Les SI, instruments de coopération extérieure ?

La question de l’interopérabilité des logiciels utilisés par les Ehpad, les autorités de tutelle, voire, concernant le volet trésorerie, l’Ordonnateur et le Comptable publics, freine la transmission informatisée des données entre les différents acteurs. Idem en matière médicale même si le Dossier médical personnel (DMP), actuellement expérimenté dans une poignée d’Ehpad, a vocation à servir de passerelle entre les SI des maisons de retraite, des cabinets libéraux et des établissements de soins. En attendant, plusieurs solutions existent.

Deux Ehpad du Groupement de coopération sanitaire (GCS) Helpam ont prévu la possibilité, pour les professionnels de santé extérieurs à l’établissement mais intervenant dans la prise en charge d’un résident, d’accéder à distance et de façon sécurisée au dossier informatisé du résident. En outre, au sein des résidences Les Orchidées de Lannoy et de Roubaix (Nord), le logiciel soins permet de communiquer avec les laboratoires de biologie médicale dès lors que ces derniers disposent du même logiciel. « Les résultats d’analyses arrivent ensuite directement dans le dossier du résident. Les médecins coordonnateurs et infirmières peuvent y avoir accès en temps réel, y compris les médecins traitants depuis leur cabinet de ville », détaille Ismaël De Freitas responsable qualité au sein des deux établissements. La coopération peut également se faire avec les pharmaciens de ville équipés du logiciel adéquat, ces derniers recevant les prescriptions médicales des résidents de façon dématérialisée et sécurisée.

Coopération entre Ehpad

Certains logiciels prévoient également la collaboration entre maisons de retraite gérées par une même association, un même groupe ou un même Centre communal d’action sociale (CCAS). Ainsi, les huit Ehpad du GCS Helpam ont-ils accès à une base documentaire informatisée unique comprenant des documents administratifs du type organigrammes, comptes-rendus de réunions, protocoles de qualité ainsi que l’ensemble des textes réglementaires et législatifs pertinents pour le secteur. « Les établissements peuvent aussi s’échanger des informations et documents de tout ordre, détaille Marc Moulaire, ingénieur Risques et Qualité au sein du GCS. Ils peuvent ainsi mettre en commun leurs résultats d’audits et leurs listes d’accidents ou d’événements indésirables. »

 

Quid de la gestion informatisée des listes d’attente en Ehpad ?

Certains systèmes de gestion informatisée des liste d’attente en maisons de retraite ont été déployés dans le Loiret mais aussi dans l’Allier ou encore le Puy-de-Dôme. D’autres le seront bientôt dans le Morbihan, le Lot-et-Garonne et les Landes, annonce Emmanuel Penetrat, directeur de Dicsit Informatique et éditeur de tels systèmes. « Nous travaillons avec l’appui des Conseils généraux ou des Centres locaux d’information et de coordination (Clic), véritables initiateurs des projets au niveau local », explique-t-il. L’avantage de ces solutions informatiques ? Une seule demande est formulée sur un site Internet unique pour une inscription dans plusieurs résidences. Les mises à jour de la liste se font en temps réel.
En prime, les établissements, comme les autorités de tutelle, disposent de statistiques sur le nombre de personnes en attente de places d’hébergement ou sur la répartition des demandes par établissement.

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