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L’Ehpad doit être le moteur d’une politique gérontologique coordonnée Non classé

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Doddirt - ouvertureDu domicile à l’Ehpad, il n’y a pas forcément qu’un seul pas. Bien au contraire, une myriade de structures collectives d’hébergement pour personnes âgées existent, plus ou moins médicalisées et avec plus ou moins de prestations ou de services : soins, repas, animation, ménage, organisation de sorties, personnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre, service de conciergerie, salle de sport etc. Selon son degré de dépendance et d’aisance financière, la personne âgée intégrera donc un Ehpad, un logement-foyer ou une résidence services…  En effet, des habitats regroupés avec services se développent pour les personnes âgées autonomes depuis les années soixante afin de proposer aux seniors une offre au plus près de leurs besoins. Certains Ehpad font ainsi le choix d’adosser à leur structure des habitats de ce type afin de diversifier leur offre de prestations. D’autres intègrent des unités spécifiques pour les personnes âgées nécessitant des soins lourds et une attention constante (unités Alzheimer, par exemple) ou recherchant simplement une aide temporaire (accueil de jour). Du domicile à l’unité de soins Alzheimer en passant par les hébergements intermédiaires, les Ehpad doivent-ils ambitionner d’être présents sur tous les tableaux ? Le point de la situation. Dossier réalisé par Eliane Louvet, Camille Grelle et Nathalie Ratel

 

Au-delà de la confusion qui peut entourer l’habitat intermédiaire, ne serait-ce que par la diversité de ses appellations et de ses formules (voir notre panorama des habitats pour personnes âgées), la vraie question quant à la place que peut ou doit éventuellement y prendre l’Ehpad est d’abord celle de savoir pourquoi il devrait le faire. En effet, si l’on s’en tient au rapport sur l’adaptation de la société au vieillissement1 remis par Luc Broussy en janvier 2013 à Michèle Delaunay, alors ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, les Ehpad seraient « après avoir concentré l’attention des pouvoirs publics pendant dix ans (…) arrivés à maturité ». Et c’est désormais « sur les formules d’hébergement pour personnes autonomes dont notre pays va particulièrement avoir besoin dans les deux décennies à venir » qu’il est nécessaire de focaliser les efforts.

 

Une chose est sûre, et que l’ancien conseiller personnes âgées du candidat François Hollande souligne à juste titre, les profils des personnes âgées changent et les structures d’accueil qui leur sont destinées doivent évoluer de concert. Il faut aujourd’hui « tenir compte de la diversité des situations », comme l’expliquent Fany Cerese et Colette Eynard2. Il s’agit donc de poser la question du libre choix, par la personne avançant en âge, de son hébergement. Ou, en d’autres termes, comment l’Ehpad doit-il s’approprier, enfin et pleinement, le parcours de la personne âgée pour lutter contre ses trop fréquentes ruptures : quitter son foyer dans lequel on a parfois passé toute sa vie, intégrer un logement intermédiaire parce que son GIR le permet, subir un ou plusieurs séjours à l’hôpital (qui pourraient souvent être évités), entrer en Ehpad puis, le cas échéant, intégrer une structure spécialisée… sont autant de ruptures qui doivent être évitées.

 

Parce que le parcours résidentiel de la personne âgée ne doit plus se calquer sur des établissements équipés selon des besoins définis par des seuils d’autonomie, l’Ehpad doit s’ouvrir sur son environnement pour réfuter les reproches qui lui sont souvent faits – à tort ou parfois malheureusement à raison – d’être déconnecté de la vie locale, voire d’être un lieu de privation de liberté. L’Ehpad, s’il s’adapte, a toutes les ressources nécessaires pour devenir le cœur de ces plates-formes pour l’autonomie qui sont l’avenir de l’accueil de nos aînés. De quoi faire mentir ceux qui pensent que l’Ehpad ne peut se résumer qu’à la prise en charge de la lourde dépendance.

 

Décloisonner les structures d’accueil pour s’inscrire dans un parcours de vie

 

Il n’y a malheureusement pas de multiples alternatives qui s’offrent aux Ehpad aujourd’hui : ils peuvent continuer à investir le seul champ de la grande dépendance quitte à prêter le flanc à la critique de l’hypermédicalisation ; ou alors mettre leur savoir-faire et leur expertise au service de la prévention de ladite dépendance pour offrir un véritable continuum de soins et services diversifiés. Autrement dit, investir le champ de l’autonomie afin de s’intégrer dans la logique de parcours de soins et de vie (Paerpa) qui oriente aujourd’hui le secteur. Une option qui relève de la nécessité pour Fany Cerese et Colette Eynard dès 2013 : « Le chez-soi semble aller de soi (…). Mais cette évidence est mise à mal quand la société toute entière s’immisce dans ce territoire intime. L’avancée en âge, la vulnérabilité, l’isolement deviennent alors des signes qui s’imposent à l’entourage avant même de s’imposer aux personnes concernées. Les questions qu’elles se posent sont alors : “Ne faudrait-il pas changer de domicile avant d’y être contraint ? Est-ce qu’il ne faudrait pas envisager une solution peut-être provisoire, mais en souhaitant qu’elle puisse devenir définitive ? Est-ce que le comme chez soi peut devenir un chez soi ?“ ». Et de regretter que « le vieillissement apparaît rarement comme une notion dynamique, un processus appelant une certaine réflexion et une anticipation de la part des institutions et des professionnels, à l’opposé de la mise en place de solutions pour chacune des tranches d’âge, dans une logique de produits plutôt que de parcours de vie avec un risque d’exclusion. »

 

Mutualiser ses ressources et organiser le maillage territorial

 

Il s’agit donc, pour les partisans de l’ouverture des Ehpad, de sortir des logiques standardisées qui ne répondent plus à la réalité du vieillissement pour s’inscrire dans une logique de réseau. Les logements intermédiaires, dont les foyers-logements, offrent un certain nombre de ressources essentielles à la mise en place d’un tel maillage : proximité (notamment en territoire rural et dans les petites communes et intercommunalités), logements privatifs synonymes d’autonomie et d’intimité (ce qui peut manquer à l’Ehpad) tout en offrant des activités et des services collectifs, coût relativement modéré.Mais ils souffrent par ailleurs de carences : définition et cadre réglementaire flous (malgré les éléments de la future loi), déconnexion des autres acteurs de la filière gérontologique, bâti souvent vieillissant et non conforme, manque de personnel et de qualification, absence « de projet d’établissement basé sur un diagnostic individualisé ». Autant d’éléments dont disposent en revanche les Ehpad auxquels s’offrirait donc la perspective d’une mutualisation des ressources matérielles et humaines, y compris en matière de direction et de formation, avec ces structures dites intermédiaires. Des structures qui doivent elles-mêmes s’adapter à l’arrivée de personnes qui sont restées plus longtemps au domicile et dont le degré d’autonomie est probablement moindre qu’auparavant.

 

L’Ehpad tout désigné pour être le pôle de ressources de la filière gérontologique

 

Comme le prône l’une des fiches éditées par Weka (www.weka.fr), « (…) le fonctionnement actuel de l’Ehpad doit cesser. Il doit s’ouvrir vers l’extérieur et travailler en réseau avec le secteur sanitaire, la médecine de ville, l’ambulatoire : Ssiad (Service de soins infirmiers à domicile), médecine de ville, résidences services, HAD (Hospitalisation à domicile). L’Ehpad doit se tourner vers le domicile et constituer des plates-formes de formation à la télésurveillance. » De fait, l’avenir des Ehpad se jouerait au travers d’un nouveau rôle, celui  de moteur du réseau gérontologique. Ils seraient amenés à devenir le centre névralgique du parcours de la personne âgée. Il faudrait que l’Ehpad « devienne un pôle de ressources pour un territoire, qu’il ouvre ses services et ses locaux aux personnes extérieures afin de favoriser le maintien du lien social entre la personne accueillie, ses proches et l’environnement extérieur. Ainsi, il sera possible de passer d’un lieu de retraite exclu à une forme d’habitat intégré puis central dans un quartier », poursuivent Fany Cerese et Colette Eynard. Il faudrait ainsi qu’ils passent « d’une logique de filière à une logique de territoire qui favoriserait l’exercice de l’autonomie dans le parcours résidentiel ». Et que ses dirigeants pensent en termes de « complémentarité » et non de « concurrence ».

 


Le forfait autonomie

Dans le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement sont définis le forfait autonomie et les missions qu’il recouvre pour les structures ne bénéficiant pas du forfait soins : « Les actions financées sont (…) les actions de prévention individuelle ou collective visant à maintenir ou à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques, et à repérer les difficultés sociales des résidents, précise une fiche explicative disponible sur le site du ministère des Affaires sociales3. Est aussi couverte par cette mesure la promotion des comportements de nature à prévenir la perte d’autonomie : nutrition, mémoire, sommeil, activités physiques, équilibre et prévention des chutes, le lien social, qui jouent un rôle essentiel pour rester en bonne forme physique et psychologique. » Par ailleurs, ce forfait doit permettre le recrutement « des professionnels formés à l’accompagnement de publics présentant des fragilités psychologiques et sociale (et) des personnels d’animation, au besoin mutualisés » ou le recours à des intervenants extérieurs. Ces actions, financées par une enveloppe annuelle de 40 millions d’euros gérée par les Conseils généraux, « doivent être ouvertes à tous les âgés du territoire. »  


 

 


 Pour aller plus loin

1 « L’adaptation de la société au vieillissement de sa population : FRANCE : ANNEE ZERO ! », Mission interministérielle sur l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population, Luc Broussy, janvier 2013.

2 Atelier « Domicile, habitats intermédiaires, EHPAD : Quelles mutations à opérer pour soutenir l’autonomie dans le parcours résidentiel ? » – Colloque  « Vieillir chez soi – vivre entre soi ? Les habitats intermédiaires en question » – Fany Cerese (alors doctorante à l’École nationale supérieure d’architecture de Montpellier) et Colette Eynard (consultante en gérontologie à l’Institut transdisciplinaire d’étude du vieillissement – ITEV), mai 2013.

3  http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Fiche_-_Developper_le_logement_intermediaire.pdf

 

Et aussi « Enquêtes et observations sociales n°4 – Les logements-foyers gérés par les CCAS et CIAS », Unccas (Octobre 2012).  


 

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