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Prévenir de la dénutrition Au quotidien

« Passer progressivement de la restauration à la nutrition »

Directeur du groupe EC6, cabinet spécialisé, Éric Commelin identifie la coordination et l’organisation comme faisant partie des principaux leviers permettant de mettre en place une politique nutritionnelle de qualité en établissement.

Ehpad magazine : Les directeurs d’établissements appréhendent-ils correctement la problématique de la nutrition ? L’ont-ils complètement intégrée à leur projet ?

Éric Commelin : La situation est très hétérogène mais, de manière générale, le niveau d’intégration est en décalage par rapport aux impacts très forts de ce sujet extrêmement sensible. On est passé de l’ère de la cuisine au stade de la restauration. On vise à présent celui de l’alimentation pour ensuite aboutir progressivement à celui de la nutrition. C’est-à-dire considérer la chaîne alimentaire dans un établissement à l’aune de son objectif, autrement dit, de la prise en charge nutritionnelle et donc de la participation à la santé de la personne. Avoir la garantie que la personne âgée aura, durant vingt-quatre heures, les apports nutritionnels dont elle a besoin est beaucoup plus complexe que de concocter des plans alimentaires.

E. M. : Quel est le principal obstacle à une bonne nutrition en Ehpad ?

E. C. : C’est, sans conteste, la coordination de tous les acteurs dans les établissements. En effet, il y a d’abord ceux – en général, les médecins – qui identifient les besoins et le statut nutritionnel ainsi que tous les éléments qui s’y rapportent comme le calcul de l’IMC et du taux d’albumine, la prise en charge de la personne en fonction de son âge et de ses pathologies etc. Ensuite, il y a une corrélation à assurer avec ceux qui fabriquent, c’est-à-dire les professionnels de la cuisine qui, dans leur grande majorité, sont de très bons professionnels mais n’ont quasiment pas de connaissances en matière de nutrition de la personne âgée. Enfin, le troisième échelon, ce sont les personnels qui distribuent les repas en salle à manger ou en chambre. Ils n’ont pas encore assez, voire pas du tout, de connaissances en matière de nutrition. Ils réagissent en tant que serveurs de repas et non pas en tant qu’agents nutritionnels. On le voit ne serait-ce qu’au regard des difficultés qu’il y a à obtenir un relevé des ingesta, lequel devrait pourtant être systématique, surtout pour les personnes identifiées comme à risque. Il y a un chiffre révélateur : environ 35 à 40 % des aliments achetés par les établissements finissent à la poubelle, non pas parce qu’ils ont été surfabriqués mais parce que les gens ne les mangent pas. Il y a donc une inadéquation entre les besoins et ce qui est proposé avec, à la clef, une gabegie importante.

E. M. : S’agit-il donc d’un problème d’organisation ?

E. C. : Globalement, les moyens en terme de personnels sont insuffisants. Mais ceux qui existent pourraient être mieux employés. Ce qui est le plus dommageable, c’est que les contraintes d’organisation de l’établissement prennent le pas sur les besoins de prise en charge. Les horaires des repas en sont l’exemple-type : le dîner est souvent servi trop tôt en fin d’après-midi, ce qui occasionne un jeûne nocturne largement supérieur à douze heures.

Propos recueillis par Dominique Bellanger

Bon à savoir

Le groupe EC6 a également publié aux Presse de l’EHESP et en partenariat avec la FHF un guide sur la nutrition des personnes atteintes de la maladie Alzheimer intitulé Alimentation et Alzheimer, s’adapter au quotidien.

Un outil d’évaluation sur ce thème, réalisé en partenariat avec l’Anap, est également disponible gratuitement sur Internet à l’adresse suivante : www.nutriseniorsante.fr/guides_pratiques_alzheimer.php

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