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Rénovations en Ehpad : une fusée à multiples étages Non classé

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DossierBâti vétuste, évolution de la population, agrandissement… : les raisons qui motivent les rénovations en Ehpad sont multiples. Malgré les promesses d’un accompagnement de meilleure qualité des résidents et de conditions de travail optimales pour les professionnels, ce changement représente d’abord, outre son poids financier, un défi. Normes réglementaires, besoins et attentes des personnes âgées, confiance des familles, management des équipes et prise en charge des résidents pendant les travaux… : tour d’horizon des conseils à suivre pour rénover en toute sérénité.

 

 

 Parce que la qualité des prestations proposées aux résidents constitue un objectif prioritaire pour tout établissement recevant du public, a fortiori ceux qui accueillent des personnes âgées fragiles, les rénovations sont indispensables. D’autant que le paysage médico-social est en pleine mutation : l’heure est aux regroupements, aux mutualisations et aux plates-formes gérontologiques. En outre, on observe depuis plusieurs années une évolution de la population des Ehpad, désormais majoritairement constituée de personnes âgées de plus de 85 ans et souvent atteintes de polypathologies. Cette évolution s’accompagne d’une métamorphose de la cellule familiale et du principe de solidarité ainsi que d’une transformation des modes de vie, lesquelles requièrent de repenser la manière d’accompagner les personnes âgées. Enfin, selon « L’Observatoire des Ehpad 2014 » réalisé par le cabinet d’audit KPMG, « 66 % du parc des Ehpad publics et 46 % des Ehpad privés non lucratifs (PNL) ont été construits il y a plus de 25 ans et entrent dans une phase de rénovation-restructuration. Plus de 30 % [de ces établissements] n’ont pas encore connu de restructuration lourde. C’est donc maintenant que ces décisions structurantes doivent être prises ».

 

Un outil de management

Indispensables pour le bien-être et la bonne prise en charge des résidents, ces rénovations représentent également un levier d’amélioration des conditions de travail pour les personnels. Passages étroits, sols inégaux ou encore étages multiples génèrent en effet autant de risques de chute pour les résidents que de difficultés de brancardage et de manutention mais aussi, par ricochet, de temps perdu pour les équipes. Et, in fine, c’est la prise en charge qu’il convient d’améliorer car soulager le personnel dans ses déplacements lui permet de consacrer davantage de temps à s’occuper des pensionnaires.

Didier Salon, architecte et coauteur de l’ouvrage « Architecture et gérontologie – Peut-on habiter une maison de retraite ? » (Éditions L’Harmattan), se rappelle ainsi des problèmes rencontrés par les équipes d’un foyer logement qu’il devait transformer en Ehpad. « Dans ce grand bâtiment d’une centaine de résidents, tous les espaces collectifs (administration, soins, accueil) étaient au rez-de-chaussée, les étages étant réservés aux chambres. Le personnel perdait un temps considérable à faire descendre et remonter les résidents, matin et soir, pour les repas. Nous avons donc créé des maisonnées de vingt résidents tout en conservant des espaces collectifs pour les moments particuliers. Cela a permis de rentabiliser à la fois l’espace et l’organisation. »

Il est vrai que la tâche n’est pas aisée. Sécurité, évacuation sanitaire, handicap, prévention des chutes et des fugues, hygiène… : les Ehpad sont assujettis à toutes sortes de normes et de réglementations. Sans compter que « le dilemme est de réussir un environnement ordonné et stable sans qu’il soit monotone, terne, impersonnel, sécurisant sans être sécuritaire, estiment les médecins coordonnateurs Caroline Goachet et Frédéric Liger. Il faut compenser par des mesures ayant trait à l’environnement les problèmes de désorientation, de perte de mémoire, de perte de capacité au niveau social ou encore de détérioration de l’estime de soi typiquement associés à cette population. » Tout le défi des architectes est en effet de faire des Ehpad des lieux de vie sociale, confirme Didier Salon, car il s’agit d’articuler les contraintes liées aux résidents, leurs pathologies, leurs handicaps et leurs difficultés à se déplacer avec la création de lieux intimes et partagés qui ne soient pas trop impersonnels.

Pour ce faire, les architectes usent d’astuces, comme de revêtir les sols de matières mates car « les sols brillants font penser à l’hôpital, souligne Didier Salon. Et si l’on ne peut pas jouer sur cet élément-là, il convient de compenser avec la lumière, l’éclairage et les matières murales. Sans compter tout un travail de décoration, d’aménagement de l’intérieur. » Mais la configuration du bâtiment doit également être fonctionnelle afin que les équipes puissent se déplacer aisément et rapidement. Pour cela, Didier Salon recommande de créer des espaces centraux avec des sorties extérieures sur différents lieux et des vitres afin que les résidents voient le personnel et réciproquement. En revanche, insiste-t-il, les Ehpad étant aujourd’hui plus grands voire mutualisés, il est très difficile et parfois impossible et, in fine, inutile d’imiter le domicile.

 

Penser le projet en amont

S’ils sont indispensables, ces travaux n’en demeurent pas moins déstabilisants pour le personnel, les résidents et les familles. C’est pourquoi il est essentiel d’anticiper les rénovations en bonne coordination avec le directeur et les équipes. « Chaque projet est différent et il n’y a jamais de recette miracle. Le plus important est de discuter avec le directeur pour comprendre l’histoire de l’établissement, l’histoire de ses résidents, ce que souhaitent les équipes, les besoins des personnes âgées, les projets d’avenir du directeur etc. ». Et vice-versa, précise l’architecte. Expliquer la genèse et la finalité du projet de rénovation aux résidents leur permet aussi de le comprendre et de l’accepter. Enfin, pour réduire au maximum les nuisances sonores susceptibles de déstabiliser les personnes âgées durant les travaux, les professionnels du bâti recommandent d’organiser le chantier par phases et d’organiser des visites avec les résidents et les familles pour observer l’évolution des rénovations et les impliquer dans le projet.   

 


 

Quelques conseils pour améliorer le bien-être des résidents

– Les lumières naturelles permettent de recréer un univers domestique.

– Une bonne acoustique des pièces favorise les relations sociales.

– L’utilisation de matériaux traditionnels et de matières nobles (carrelage, faïence) pour les appareils sanitaires sont « un gage de qualité et créent une impression de propreté et de chaleur », insiste Didier Salon.

– Les espaces collectifs doivent être conçus de telle manière que les résidents observent les mouvements de personnel afin de se sentir au cœur de la vie de l’établissement.

– « Les éléments extérieurs (clochers, routes) aident les personnes âgées à se repérer plus facilement dans l’établissement. En outre, cela permet d’avoir la perception de la variation de la lumière dans la journée. Pensez donc à installer de nombreuses fenêtres », recommande Didier salon

– S’inspirer de l’hôtellerie pour créer les chambres : « privilégiez le minimalisme et laissez de la place au mobilier du résident », suggère l’architecte.


 

 


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