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Nouveaux résidents, nouveaux enjeux Non classé

Plus âgés, plus dépendants, plus revendicatifs : le profil des résidents en Ehpad évolue. Ce n’est pas un scoop. En revanche, on commence à avoir une idée précise de l’ensemble des conséquences, pour les Ehpad, de l’arrivée progressive des personnes âgées issues du baby-boom. Leurs habitudes sanitaires et culturelles sont bien différentes de celles de leurs aînés. En outre, elles bouleversent l’organisation et le fonctionnement des établissements. État des lieux et aperçu des solutions envisageables. 

Dossier réalisé par Nathalie Ratel

 

 

Avec l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé et la mise en place de politiques en faveur du maintien à domicile le plus longtemps possible, par exemple, au travers de l’Allocation personnalisée d’autonomie (Apa), les seniors entrent en Ehpad à un âge plus avancé. Ils sont aussi, à ce moment-là, dans un état de plus grande dépendance. « Il y a vingt-cinq ans, l’âge moyen d’entrée en maison de retraite était de 80,2 ans. Puis il était de 83,5 ans en 2007 pour s’élever aujourd’hui à 85,06 ans », confirme le cabinet KPMG dans son Observatoire annuel des Ehpad publié en 2013 tandis que, parallèlement, « les établissements du panel de l’Observatoire KPMG affichaient en 2009 un niveau de GMP (Gir moyen pondéré) moyen de 646 alors qu’il atteignait 670 en 2011. » Tous les établissements, publics comme privés, sont concernés même si les structures publiques accueillent des résidents plus dépendants : 50 % des Ehpad publics ont en effet un GMP moyen supérieur à 700 contre 34 % des Ehpad privés non lucratifs, toujours selon KPMG.

Polypathologies

Ces nouveaux résidents sont, dans la plupart des cas, atteints de polypathologies, de troubles des fonctions cognitives et/ou de troubles du comportement, de maladies du type Alzheimer nécessitant un encadrement spécialisé. « Classiquement, ce sont des personnes très âgées dont l’état s’est considérablement aggravé et dont les proches ne peuvent plus s’occuper pour des raisons médicales et financières, résume Isabelle Chatelard, vice-Présidente de l’Association des médecins coordonnateurs de Rhône-Alpes (AMC 69). Car le maintien à domicile, avec une aide sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, coûte particulièrement cher : environ 8 000 euros par mois. »

L’impact sur l’organisation et le fonctionnement des structures n’est pas négligeable. « Il y a cinq ans, dans l’Ehpad lyonnais dans lequel je travaille, au moins vingt-cinq résidents participaient aux sorties, que ce soit au cinéma ou au musée, se remémore Isabelle Chatelard. Aujourd’hui, avec l’alourdissement du taux de dépendance moyen dans l’établissement, seuls deux le peuvent. » Et s’il ne fallait que quelques minutes en moyenne pour aider un résident à se coucher, il en faut une vingtaine aujourd’hui. « Bien souvent, les personnes ne peuvent plus se lever seules pour aller aux toilettes la nuit, ni s’habiller, se laver ou se nourrir seules. » Cette situation crée de nouveaux besoins en termes de personnel mais aussi de matériel : matelas à air, lève-malades, disques de transfert pour aider les seniors à changer de position, protections pour faire face aux cas fréquents d’incontinence… Les Ehpad doivent s’équiper et s’organiser, ce qui a un coût.

Handicap

Autre évolution notable : l’arrivée dans les Ehpad de personnes handicapées ayant franchi le cap des 60 ans. « C’est une tendance que l’on observe depuis environ cinq ans, note Adeline Leberche, Directrice du secteur social et médico-social au sein de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap). Ces personnes ne peuvent plus être maintenues à domicile parce que leurs parents, qui s’occupaient d’eux, entrent eux-mêmes en Ehpad, ou parce qu’elles résidaient dans un établissement accompagnant des adultes handicapés âgés de 20 à 60 ans maximum. Dans ces cas-là, les Ehpad assurent la continuité de la prise en charge. » Pareille tendance résulte de l’insuffisance du nombre d’unités dédiées aux personnes handicapées vieillissantes ainsi que de la nécessité de veiller à ce que ces dernières soient prises en charge dans des environnements adaptés à leur âge, donc dans des maisons de retraite médicalisées. Pour les Ehpad, cela implique de toujours mieux s’adapter à la mixité des âges et des profils de leurs résidents. Sachant que ces derniers sont aujourd’hui plus exigeants quant à leur prise en charge.

Exigence

Et ce d’autant que les personnes âgées sont désormais plus au fait des services proposés en Ehpad. Elles posent par exemple des questions précises sur le taux d’encadrement et les thérapies proposées par l’établissement. Elles sont aussi plus soucieuses du soin apporté à la décoration des lieux et à la restauration. Elles comparent la qualité de chaque établissement et font, quand elles le peuvent, jouer la concurrence. « D’une génération de résidents ayant connu la Seconde guerre mondiale, assez discrète par peur de déranger, nous basculons progressivement vers une génération plus exigeante, plus consumériste : la génération du baby-boom, analyse Didier Sapy, Directeur de la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (Fnaqpa). Celle-ci a des attentes plus fortes et mieux exprimées au regard du prix qu’elle paie pour être prise en charge en Ehpad. » Cela vaut aussi pour les familles, plus pointilleuses et plus procédurières qu’auparavant.

Bien entendu, les nouvelles attentes des résidents et de leurs proches ne sont pas nécessairement illégitimes. Reste que pour y faire face,  les établissements devront opérer une véritable « révolution culturelle » dans laquelle les directeurs d’Ehpad ont tout leur rôle à jouer, prévient Didier Sapy. Et ce, malgré la limite de leurs ressources disponibles.

 

Gérer la mixité des profils

Afin de faire cohabiter des résidents atteints de pathologies différentes et de degrés de perte d’autonomie variables, certains directeurs d’établissements et leurs équipes opteront pour la mise en place de structures fermées pour certains résidents, notamment ceux atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, par exemple des Centres d’activités naturelles tirées d’occupations utiles (Cantou). D’autres préfèreront miser sur la mixité et créeront des équipes travaillant spécifiquement sur ce sujet. « Tout est envisageable, il n’y a pas de modèle type », explique Élodie Hemery, adjointe en charge du secteur médico-social au sein de la Fédération hospitalière de France (FHF). Cela dépend du projet d’établissement, du projet de vie des résidents, du projet médical pour chacun d’eux ainsi que de la dynamique des équipes. L’important ? Une prise en charge de qualité, conclut la FHF.

 

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