A la une

TIC et soins médicaux,un avenir prometteur Non classé


Les Technologies de l’information et de la communication (TIC) investissent de plus en plus tous les domaines et les secteurs de la société. Les Ehpad n’échappent pas à cette tendance. Diverses expérimentations y sont d’ailleurs menées, notamment en matière de soins médicaux
.

Ce sont principalement via des expérimentations de télémédecine que les TIC pénètrent les Ehpad. A titre d’exemple, le Centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-Lès-Rouen (Haute-Normandie), fait partie des établissements précurseurs en la matière, comme l’explique le Docteur Sadeq Haouzir, Président de la Commission médicale d’établissement (CME) : « Nous avons commencé à expérimenter la téléconsultation et la télé-expertise dès 2007 après avoir répondu à un appel à projets de la Haute autorité de santé (HAS) en 2006. Notre hôpital possède une équipe mobile de psychiatrie pour personnes âgées qui intervient dans trente-trois Ehpad de la région. Dans un premier temps, nous avons mené notre expérimentation dans un seul Ehpad, situé à soixante kilomètres de notre établissement et relativement difficile d’accès. Il accueille en outre des résidents qui ont de lourds antécédents psychiatriques. Au bout d’un an, nous avons mené une étude d’acceptabilité et de faisabilité qui a révélé un fort taux de réussite et une réelle adhésion des soignants comme des résidents. C’est pourquoi nous avons cherché à déployer l’expérimentation. » Si bien qu’aujourd’hui, ce sont quelque soixante établissements médico-sociaux (dont les deux tiers accueillent des personnes âgées) qui participent à l’expérimentation, laquelle porte désormais sur la psychiatrie, la gériatrie et la dermatologie et bientôt sur les soins palliatifs : « Dans des territoires sanitaires ruraux, avec peu d’offres de soins de ce type, le recours aux TIC constitue une excellente alternative », commente le Docteur Haouzir.

 Une montée en compétences pour les soignants

Parallèlement, le recours à ces nouvelles technologies en Ehpad entraîne inévitablement un changement des pratiques médicales des professionnels mais aussi des patients. Du côté des professionnels, il a fallu, au début de l’expérimentation, « tenir un discours pédagogique pour rassurer les professionnels, expliquer l’intérêt et la pertinence du l’expérience », rappelle le Docteur Haouzir. Une étape essentielle pour vaincre les éventuelles réticences que peuvent susciter la peur du changement, voire de l’innovation. Pourtant, les retombées positives sont indéniables comme le confirme le Professeur Nathalie Salles, médecin gériatre, responsable de l’équipe mobile de gériatrie et de l’unité de médecine gériatrique au CHU Bordeaux, engagée depuis 2012 dans un projet de téléconsultation pour le traitement et la surveillance des plaies chroniques. Un projet qui porte sur six établissements et qui sera bientôt étendu à cinquante Ehpad de Gironde mais aussi à d’autres thématiques : « Si, dans un premier temps, le recours aux nouvelles TIC dans les Ehpad a surtout permis de diminuer le nombre d’allers-retours à l’hôpital, il a également eu une retombée moins attendue : une véritable montée en compétences des soignants. En effet, ceux-ci assistent à toute l’évaluation gérontologique que nous menons lors de la première téléconsultation. Ils apprennent donc à évaluer puis montrent et transmettent à d’autres soignants ce qu’ils ont appris. Ainsi, le savoir et les gestes se diffusent-ils dans tout l’Ehpad. Plus encore, l’établissement peut, grâce aux TIC, devenir un centre recours et s’ouvrir sur la cité en proposant aux médecins et aux infirmiers de ville de venir s’y former et de bénéficier de ce savoir. Le recours aux nouvelles technologies fait partie intégrante du Développement professionnel continu (DPC), raison pour laquelle nous avons d’ailleurs déposé un dossier en ce sens. »

 

 Des patients et des familles rassurés et impliqués

Pour les patients aussi, les TIC entraînent des changements : « Ils sont les premiers conquis, assure le Professeur Nathalie Salles. Les patients se sont tout de suite impliqués et n’y voient que des avantages : ils sont traités dans leur chambre, avec des soignants qu’ils connaissent, sans être transportés en ambulance à l’hôpital. Certains pensaient que les patients seraient réticents à l’idée de ne plus être en présentiel avec leur médecin. C’est faux ! Si un résident passe une heure avec un spécialiste et que cela permet d’arrêter sa douleur, que la consultation se déroule en face à face ou par écran interposé n’a aucune importance pour lui. Pour preuve, et de manière anecdotique, un patient m’a même tendu la main à la fin d’une téléconsultation ! »

Et ce n’est pas tout, poursuit le Docteur Sadeq Haouzir : « Pour les familles des résidents aussi, l’usage des TIC en Ehpad change la donne. Elles sont rassurées par la réactivité que ces technologies apportent aux soins. » En effet, le recours à un avis spécialiste est ainsi plus rapide et plus direct. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir, quand cela est possible, certaines familles demander à participer aux téléconsultations.

Des expérimentations à consolider…

Attention, toutefois, à ne pas embellir la réalité. D’une part, les TIC, particulièrement celles en télémédecine et dans le domaine médical, restent avant tout un support aux soins classiques, insiste le Docteur Haouzir : « Il n’est en aucun cas question de mettre en place une approche tout technologique. Nos équipes continuent à se déplacer dans les Ehpad. Il faut, en outre, souligner qu’une décision de téléconsultation ne peut émaner que du médecin traitant du résident : il reste le chef d’orchestre des soins ambulatoires. C’est seulement après sa requête que se mettent en place d’éventuels actes de télémédecine, selon des arbres décisionnels préétablis et préalablement validés par les autorités de santé et de tutelle. »

 

 … et un cadre à établir

D’autre part, le recours aux TIC en Ehpad en reste, pour l’instant, au stade d’expérimentation, rappelle Stephan Meyer, médecin coordonnateur et coprésident de MCoor, l’Association nationale des médecins coordonnateurs et du médico-social : « Certes, plusieurs choses sont en train de se mettre en place et les TIC appliquées au médical en Ehpad peuvent permettre d’éviter des passages à l’hôpital et de lutter contre la désertification médicale dans certaines régions. Mais, si tout est à faire dans ce domaine, il y a aussi beaucoup de fausses bonnes idées ! En outre, reste les questions de la rémunération du temps consacré à ces nouvelles pratiques, de leur inscription dans la Nomenclature et de la formation des professionnels. Si l’on veut une meilleure acceptation et la mobilisation de tous les acteurs, il faut de plus grandes avancées dans ce domaine. Enfin, il faut réfléchir à la mise en place de ces nouvelles organisations en tenant compte du dépendant de demain, dans le contexte socio-économique de demain, sans se cantonner à la réalité d’aujourd’hui. »

Ainsi, si l’usage des nouvelles technologies d’information et de communication appliquées au médical, et particulièrement en télémédecine, semble avoir démontré son efficacité et ses bénéfices à travers les diverses expérimentations, tant pour les résidents que pour les soignants et les services médicaux partenaires des Ehpad, il ne pourra être généralisé que si un cadre légal et les moyens matériels et financiers nécessaires lui sont alloués.

Laisser un commentaire