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Infirmière de nuit en Ehpad : un poste qui s’impose Non classé

Pour assurer la continuité des soins, éviter des hospitalisations inutiles ou trop longues ou encore renforcer les équipes de nuit et rassurer les résidents et leur entourage, l’infirmière de nuit occupe un poste qui devient essentiel dans les Ehpad.

« Une nuit représente 11 h 15 de travail. Nous sommes donc la moitié du temps avec les résidents », constate Elizabeth Favreau, infirmière de nuit à l’Ehpad Saint-Joseph de Nantes (44). Ses missions diffèrent-elles des soins dispensés en journée ? Elizabeth Favreau s’occupe des pansements, des chutes, des malaises comme toute infirmière. Mais elle peut aussi être appelée « jusqu’à vingt ou trente fois par la même personne. La nuit est propice aux angoisses des résidents. Certains somatisent, se plaignent de maux de tête ou de ventre et d’autres font de véritables crises d’angoisse à la nuit tombée. Ils sont nombreux à dormir difficilement. Je m’efforce donc de les rassurer », précise-t-elle.

Un rôle de sécurisation

Directeur de l’établissement, Philippe Caillon a recours aux infirmières de nuit depuis plus de quinze ans. Trois infirmières se relayent pendant la semaine, assurant chacune des vacations de deux nuits suivies de quatre jours de repos. Le week-end, la présence de l’infirmière est remplacée par une astreinte à domicile. « Le travail courant est effectué par l’équipe de jour. Les infirmières de nuit, quant à elles, sécurisent l’équipe soignante de nuit ainsi que les résidents et les familles. En cas de souci, chacun sait qu’il peut compter sur la présence d’une infirmière compétente », explique Philippe Caillon. L’infirmière de nuit est appelée à gérer l’urgence, notamment à prendre les constantes du résident puis à décider d’un traitement ou de passer le relais. « S’il est nécessaire de faire appel à SOS Médecins, cette dernière peut compter sur l’infirmière pour relayer toutes les informations utiles sur l’état de santé du patient, ce qui est appréciable », assure Philippe Caillon. Dans cet établissement, l’infirmière, secondée par deux aides-soignantes et un ASH (Agent des services hopsitaliers), effectue également deux rondes par nuit et répond aux appels des résidents. Le service débute à 20 h 00 et se termine à 7 h 00 par la transmission d’informations à l’équipe de jour.

L’organisation est sensiblement la même pour les infirmières de nuit de l’Ehpad L’Aubier de Cybèle à Fréjus, lequel fait partie du groupe Korian. Seul ajout : « Les infirmières de nuit vérifient que les médicaments livrés sous blister par la pharmacie correspondent bien aux ordonnances », explique le directeur Patrick Hureau. Engagé depuis cinq ans dans une expérimentation impulsée par l’ARS dans le Var, il apprécie la présence de « l’infirmière de nuit car elle nous permet d’être en capacité d’accueillir des résidents lourdement dépendants » : « Nous pouvons par exemple accueillir des patients avec des sondes gastriques ou des perfusions sans nous poser de question. Cela n’évite peut-être pas les hospitalisations mais cela les écourte très certainement. »

La présence d’une infirmière de nuit permet d’accueillir
des résidents lourdement dépendants.

Multiplication des expérimentations

En Île-de-France, vingt-et-un Ehpad participent depuis un an à un test, programmé sur trois années, de mutualisation des infirmières de nuit, initié par l’Agence régionale de santé. La démarche s’organise par groupe de trois Ehpad, ce qui représente en moyenne 300 lits, un GMP (GIR moyen pondéré) de 700 et un PMP (Pathos moyen pondéré) de 200. « Chaque groupe d’Ehpad s’organise comme il l’entend pour avoir une infirmière de nuit présente dans un établissement et en astreinte pour les deux autres. Les infirmières sont dotées d’un portable professionnel, d’un véhicule et d’un pass pour chaque Ehpad afin de ne pas perdre de temps à l’entrée », décrit Pauline Ghirardello, chargée de mission au département Organisation de l’offre de soins pour les personnes âgées de l’ARS d’Île-de-France. Finançant entièrement les salaires des infirmières, l’Agence a également développé des outils pour accompagner les Ehpad : « Nous avons mis au point un processus de recrutement des infirmières, élaboré un modèle de formation incluant une semaine de théorie et quatre semaines de stage pratique et formalisé l’intervention des infirmières de nuit au sein d’un protocole », énumère Jean-Christian Sovrano, adjoint du Directeur du pôle médico-social de l’ARS francilienne.

Stéphanie Marseille

 

Expérimentation des astreintes dans quatre Ehpad des Pays de la Loire

Engagé dans une expérimentation de plate-forme de services, l’Ehpad Les Jardins d’Olonne à Olonne-sur-Mer (85) expérimente, depuis le 6 janvier 2014, la mutualisation d’une astreinte de nuit dans quatre Ehpad (deux communaux, un hospitalier et un privé à but lucratif), en réponse à un appel d’offres de l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire. Six infirmières volontaires au sein des personnels des Ehpad concernés assument à tour de rôle une astreinte à leur domicile, de 21 h 00 à 7 h 00, pour 454 résidents.

« Il s’agit d’infirmières expérimentées qui ont l’habitude de prendre des décisions en urgence et dont le domicile se situe à moins de quinze minutes des Ehpad », précise Lydie Relaud, infirmière coordinatrice des Jardins d’Olonne. Qui plus est, ces infirmières ont signé un engagement qui précise le périmètre de leur intervention. Pour préparer l’astreinte, toutes les candidates ont visité chacun des Ehpad. Elles sont munies de leurs plannings et disposent d’une adresse mail pour recevoir les informations de l’équipe de jour. En outre, des réunions sont régulièrement organisées pour recueillir leur ressenti et les suggestions quant aux améliorations à apporter au dispositif.

Satisfaite du lancement, Odile Virnel, la directrice des Jardins d’Olonne, souhaite à présent peaufiner les détails pratiques et juridiques : « Nous nous efforçons de créer un GCSMS (Groupement de coopération sociale et médico-sociale) qui mettrait les infirmières à disposition d’autres Ehpad que les leurs afin de pouvoir rémunérer tout le monde de la même façon »

 

L’ONFV plaide pour plus d’infirmières de nuit en Ehpad

Dans son rapport annuel consacré à la question de la fin de vie des personnes âgées, remis le 21 janvier à la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, ainsi qu’à la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, Michèle Delaunay, l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) recommande de créer un poste d’infirmière de nuit pour 250 à 300 places en Ehpad. Rappelant que 90 000 résidents décèdent chaque année en établissement, l’ONFV explique que l’infirmière de nuit est « l’élément ayant l’impact le plus significatif sur les lieux de décès des résidents » permettant d’éviter jusqu’à 18 000 hospitalisations de personnes âgées en fin de vie par an. « La proportion de décès à l’hôpital passe ainsi de 35 % lorsqu’un établissement dispose d’un poste d’IDE la nuit à 44 % lorsqu’il existe simplement une astreinte téléphonique et à 55 % lorsqu’il n’existe ni l’un ni l’autre », argue l’Observatoire. Selon le rapport, la présence de ces professionnels de santé permet en effet de limiter les transferts à l’hôpital, lesquels sont souvent « non voulus et parfois non justifiés ». Or, seuls 16 % des établissements disposent d’une infirmière la nuit et 13,5 % ont instauré un système d’astreinte téléphonique permettant aux professionnels présents la nuit (essentiellement des aides-soignantes et/ou des veilleurs de nuit) de joindre un infirmier en cas de besoin.

 

La mutualisation pour pallier le faible taux d’infirmières de nuit

L’enquête intitulée « Fin de vie en Ehpad » menée dans l’ensemble des Ehpad par l’Observatoire national de la fin de vie, entre le 10 mai et le 30 août 2013, s’intéressait, entre autres, à la présence ou non d’une infirmière de nuit et au suivi des patients en fin de vie nécessitant des soins particuliers. Selon le rapport, seuls 14 % des Ehpad (sur les 3 705 qui ont répondu) disposaient d’une infirmière de nuit. Ils étaient en moyenne 22 % à s’être dotés d’un tel poste en établissement public, contre 4 % en établissement privé. Pour pallier à ce faible taux qui n’est pas sans conséquences sur la prise en charge des patients en fin de vie, l’Observatoire plaide pour une mutualisation des infirmières de nuit entre plusieurs Ehpad. Pour mémoire, 90 000 personnes âgées décèdent en Ehpad chaque année, ce qui représente une moyenne de 20 décès par Ehpad et par an.

 

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