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Perspectives économiques Dossiers

 

 2013 en demi-teinte

Objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam) en hausse pour les personnes âgées (+ 4,6 % par rapport à l’an dernier), aides à l’investissement pour les Ehpad (50 millions d’euros)… : les perspectives économiques des établissements pour l’année à venir sont encourageantes, à défaut d’être pleinement satisfaisantes.

Dossier réalisé par Nathalie Ratel

« Un signal plutôt positif. » C’est ainsi qu’Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap), perçoit la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2013, parue le 18 décembre au Journal officiel. En effet, cette année, la progression de l’Ondam médico-social est de 4 % (+ 4,2 % en 2012, + 3,8 % en 2011), au sein d’un Ondam global en hausse de 2,7 %. Cette croissance est de 4,6 % dans le secteur des personnes âgées. « Les crédits prévus pour les personnes âgées atteindront 9,3 milliards d’euros en 2013 », a précisé le ministère des Affaires sociales et de la Santé. Sur cette somme, 147 millions d’euros (contre 140 millions en 2012) seront consacrés à la poursuite de la médicalisation, « une priorité absolue pour améliorer la qualité des soins et éviter la maltraitance, avant la création de places nouvelles », selon le ministère qui compte sur ce coup de pouce pour permettre « à plus de 900 établissements de renouveler leur convention tripartite et de créer environ 7 000 emplois ».

Par ailleurs, des moyens supplémentaires permettront de mener à leur terme les plans Alzheimer et Solidarité grand âge : 248,5 millions d’euros, tirés du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), financeront l’ouverture de 3 200 places en 2013, si l’on compte également celles prévues par le Programme pour un accompagnement adapté du handicap tout au long de la vie. La CNSA financera en outre une aide à la restructuration des Services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) « dans la limite de 50 millions d’euros », précise la LFSS pour 2013.

Des besoins non couverts

Pour René Caillet, responsable du pôle sanitaire et médico-social au sein de la Fédération hospitalière de France (FHF), ces fonds permettront de « maintenir l’existant » et de « ne satisfaire qu’en partie les besoins ».

Adeline Leberche confirme. « Cela fait deux ans que le secteur médico-social est mis à mal, rappelle-t-elle. Selon nos estimations, le budget global alloué aux Etablissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) devrait être augmenté de 3,63 %. Et ce, afin qu’ils puissent remplir leurs obligations légales et réglementaires et qu’ils puissent faire face à l’évolution du coût de la vie, de la valeur du point des tarifs plafonds applicables aux Ehpad, du Glissement vieillissement technicité (GVT), des intérêts des emprunts contractés par les établissements etc. »

Ce chiffre prend aussi en compte certaines mesures connexes mises en œuvre par le Gouvernement sans être financées. La réforme Licence-master-doctorat (LMD), par exemple, suite à laquelle le diplôme d’État des infirmiers a été reconnu comme équivalent à une licence. Plus qualifiés, les infirmiers doivent donc être reclassés sans qu’il y ait de financement public pour cela. Autre mesure prise en compte par la Fehap : la mise en place du Développement professionnel continu (DPC) des professionnels de santé qui implique le remplacement fréquent des personnels médicaux et paramédicaux partis en formation.

Qualité des soins vs convergence tarifaire

 « Avec le vieillissement de la population, les progrès techniques et les besoins croissants de personnel médical, le taux naturel d’évolution des dépenses de santé augmente vite mais l’Ondam ne suit pas, déplore Stéphane Billon, directeur associé du cabinet de conseil Kamedis et spécialiste des évaluations médico-économiques. Depuis deux ans, l’Ondam est respecté dans le secteur médico-social et les dépenses de santé ont été maîtrisées. Mais au prix de la qualité de la prise en charge. » Il souligne en outre l’existence d’une dichotomie au sein de la LFSS : « Elle prévoit des aides à l’investissement pour les Ehpad, à hauteur de 50 millions d’euros, afin d’ouvrir plus de lits médicalisés et d’assurer une couverture plus large des populations. Or, dans le même temps, elle maintient le principe de la convergence tarifaire pour les Ehpad. À terme, celle-ci poussera les établissements à faire des choix, notamment à baisser le taux d’encadrement des résidents puisque les ressources en personnel médical sont la seule variable d’ajustement des Ehpad. »

Selon lui, cette tendance devrait être observable dès 2014-2015. Cet avis est partagé par la FHF qui, à cause de ce dispositif consistant « à ramener la dotation soins des établissements d’ici 2016 à un forfait plafond fixé trop bas et sans concertation », redoute la suppression de 2 200 postes d’aide-soignant et d’infirmier d’ici 2016 dans les Ehpad. La convergence tarifaire « va à l’encontre des objectifs de qualité des soins et d’amélioration de la bientraitance affichés dans la LFSS », insiste la FHF.

 

Ce que prévoit la LFSS 2013

Ondam 2013 : L’Objectif national des dépenses d’Assurance maladie (Ondam) dans le secteur médico-social est de 17,1 milliards d’euros, soit + 4,0 % par rapport à 2012. Sur cette somme, 9,3 milliards d’euros seront consacrés aux personnes âgées (+ 4,6 %).

Création de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Celle-ci sera prélevée à partir du 1er avril 2013 sur les pensions des retraités imposables et assujettis à la Contribution sociale généralisée (CSG) à un taux de 6,6 %. Elle concernera deux tiers des retraités, soit environ 10 millions d’entre eux. Son taux sera de 0,3 %. Elle sera versée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et participera au financement la loi sur la perte d’autonomie annoncée pour 2014. Elle devrait rapporter 700 millions d’euros par an.

Pérennisation des Lits d’accueil médicalisés (LAM). Destinés aux personnes sans domicile fixe présentant des pathologies chroniques lourdes, ils seront financés par l’Ondam.

Reconduction pour 2013 du financement du Plan d’aide à l’investissement (PAI) dans le secteur médico-social. Les établissements accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées devraient recueillir au total 50 millions d’euros.

Une aide de 50 millions d’euros pour la restructuration des Services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), financée par la CNSA, sera débloquée. Les Agences régionales de santé (ARS) et les Conseils généraux répartiront les crédits en signant des conventions de financement pluriannuelles avec les établissements.

Le montant de la contribution de la CNSA au financement des ARS « au titre de leurs actions concernant les prises en charge et accompagnements en direction des personnes âgées ou handicapées » est fixé à 83,65 millions d’euros pour 2013.

 

Les points en suspens

La réforme de la dépendance est prévue pour « début 2014 », selon les dernières annonces de Michèle Delaunay. Celle-ci doit être nourrie par les travaux de la mission interministérielle sur l’adaptation de la société française au vieillissement démographique, confiée, le 25 septembre, dernier à Luc Broussy, ancien responsable des sujets liés aux personnes âgées dans l’équipe de campagne de François Hollande. Parallèlement, le comité Avancée en âge, présidé par le gériatre Jean-Pierre Aquino, prépare une liste de propositions pour mieux prévenir la perte d’autonomie tandis que la mission de comparaison internationale sur la prévention et l’adaptation au vieillissement, confiée à la députée PS Martine Pinville, repère les bonnes pratiques en œuvre à l’étranger.

Ces travaux seront complétés par les résultats de deux expérimentations :

– Celle relative à la réintégration des médicaments dans les forfaits soins et achevée en novembre 2012. À cet égard, Philippe Verger, directeur adjoint du centre hospitalier de Limoges, a pour mission de « recenser, valoriser et faire partager les outils et bonnes pratiques mises en œuvre sur le terrain ».

– Celle relative au parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, dix à vingt projets pilotes devant être lancés en 2013.

 


« La déshabilitation à l’Aide sociale devrait se prolonger en 2013 »

Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap).

« La LFSS est un signal plutôt positif notamment en termes d’évolution de l’Ondam, de délégation de crédits et de création de places. Dans le secteur privé non lucratif, nous faisons toutefois face à des budgets un peu plus tendus au niveau des départements. L’Assurance maladie a reçu des crédits dans le cadre du Plan solidarité grand âge et du Plan Alzheimer et peut donc participer au financement de la médicalisation des établissements. Mais les Conseils généraux, n’ayant pas de budget supplémentaire pour cela, ne peuvent pas toujours financer à hauteur des besoins. C’est pourquoi la Fehap souhaite que l’Assurance maladie puisse financer la part dévolue aux Conseils généraux lorsque ces derniers ne peuvent le faire eux-mêmes.

Autre difficulté rencontrée : si les établissements font en sorte de rester raisonnables et de ne pas augmenter le reste à charge des résidents, ils sont également amenés à mettre en place de nouvelles stratégies de gestion pour atteindre l’équilibre budgétaire. Certains ont ainsi fait le choix de la déshabilitation à l’Aide sociale sur un petit volume de places afin de ne plus être soumis au principe du reste à charge plafonné sur ces lits et de retrouver une certaine souplesse. Ce n’est pas négatif si les établissements restent majoritairement habilités à l’Aide sociale. Mais cette tendance devrait très clairement se prolonger en 2013. Par ailleurs, nous espérons que, cette année, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) rétablira le système de la tarification globale car il offre un véritable plus en matière de gestion et permet notamment à certains établissements de fidéliser les médecins. »

 


 

« Le maintien de la convergence tarifaire retirera près de 88 millions d’euros aux Ehpad d’ici 2016 »

René Caillet, responsable du pôle sanitaire et médico-social au sein de la Fédération hospitalière de France (FHF).

« Globalement, la tendance est plutôt satisfaisante puisque les moyens augmentent de 4,6 % par rapport à l’an dernier. Cet effort des pouvoirs publics permet de ne satisfaire qu’une partie des besoins. Selon nous, l’essentiel n’est pas de créer de nouvelles places dans les établissements car la demande est peu importante. De fait, depuis 2009, il y a eu peu d’appels à projets lancés par les ARS pour créer de nouveaux Ehpad. L’essentiel est de conforter les établissements existants dans leurs besoins, de poursuivre leur médicalisation et de renouveler les conventions tripartites. L’augmentation des moyens en 2013 permet d’assurer la continuité de l’existant. Cependant, l’enveloppe de 50 millions d’euros destinée aux investissements est relativement modeste. Tous les établissements n’en bénéficieront pas et le marché bancaire est tel qu’il ne laisse pas de place à des projets mirobolants. En outre, le maintien de la convergence tarifaire retirera, au total, près de 88 millions d’euros aux Ehpad d’ici 2016 et entraînera ainsi la suppression de 2 200 postes.

Au-delà de la LFSS, nous fondons beaucoup d’espoirs sur le dispositif d’intégration des médicaments dans les forfaits soins. Nous attendons avec impatience la conclusion des travaux de Philippe Verger, chargé de faire le point sur l’expérimentation menée sur le sujet l’an dernier, même si nous avons été très surpris par la disparité des résultats et le caractère peu économique du dispositif. Par ailleurs, la mise en place du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) nous préoccupe. Les établissements privés commerciaux, déjà marqués par un fort développement ces dernières années, en bénéficieront mais pas les établissements publics ou même associatifs. Or, le Cice générerait au sein des établissements un élan appréciable. Nous avons alerté le Premier ministre à ce sujet. »

 


 

« Nous attendons des précisions sur le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) »

Jean-François Vitoux, Président du directoire du groupe Domus VI.

 

« Cette année, les principaux enjeux du secteur privé commercial sont stratégiques, financiers et fiscaux. Le volet stratégique dépend du projet de loi sur la dépendance, annoncé et différé à plusieurs reprises. Le volet financier est lié aux conditions dans lesquelles les Agences régionales de santé (ARS) utiliseront les aides à la médicalisation octroyées pour renouveler les conventions tripartites.

Ce sujet ne devrait pas poser de problème bien que, bien souvent, le problème n’est pas tant l’absence de financement public que l’incapacité à utiliser l’argent public mobilisé. Enfin, le volet fiscal dépendra des précisions sur les conditions relatives au Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) auquel les Ehpad commerciaux auront accès. Il sera égal à 6 % de la masse salariale correspondant aux salaires de moins de 2,5 Smic lesquels représentent, dans notre secteur, plus de 60 % des rémunérations.

De manière générale, les perspectives économiques du secteur commercial pour 2013 sont a priori bonnes. La croissance du chiffre d’affaires et la rentabilité des établissements à but lucratif sont satisfaisantes (voir encadré page suivante). Notre groupe dépassera les 3 % de hausse du chiffre d’affaires, lequel avait déjà progressé de 4 % en 2011 pour un total de 568,3 millions d’euros. Nous continuerons d’améliorer la qualité de nos services dans des conditions de profit acceptables pour nos équipes managériales et nos actionnaires. Nous poursuivrons l’individualisation de la prise en charge de nos résidents à travers les projets de vie et de soins des personnes âgées, par exemple, à travers une offre diversifiée de prise en charge, en Ehpad, en résidence services ou en Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Nous consoliderons également le développement et la croissance de nos établissements, certains n’étant pas encore mâtures. En effet, en trois ans, nous en avons créés vingt-cinq et nous en ouvrirons une dizaine en France en 2013. »

 


 

Économie en berne, économies en germe

Habitués à composer avec des budgets restreints, les gestionnaires vont devoir continuer à s’adapter en 2013. Comment ?

« Les perspectives des Ehpad dépendent en partie de la capacité contributive des résidents, détaille Loïc Ballet, associé du cabinet KPMG et spécialiste du secteur sanitaire et médico-social. Or, face à la crise et à l’augmentation du coût de la vie, notamment du chauffage et de l’immobilier, les Ehpad doivent s’attendre à des difficultés de plus en plus grandes pour leurs résidents. » Selon lui, le phénomène, encore mineur, va s’accentuer. Raoul Tachon, consultant et membre de l’Institut Silver Life, en convient : « Depuis environ un an, des directeurs me disent que des résidents quittent leur établissement faute de moyens. » Autres difficultés pour les établissements : l’Assurance maladie et les Conseils généraux n’ont pas des budgets extensibles. D’où la nécessité d’améliorer encore la gestion des établissements.

Gagner en efficience

En ce qui concerne le personnel, les Ehpad n’ont pas une grande latitude car les effectifs ne sont déjà pas pléthoriques. Ils peuvent toutefois opter pour la mise en commun de personnels via des Groupements de coopération sanitaire (GCS), estime Loïc Ballet. En matière immobilière, les Ehpad peuvent aussi renégocier leur contrat d’assurance, voire leurs contrats d’entretien, suggère l’associé du cabinet KPMG. Et ce, en faisant jouer la concurrence ou en se posant la question de savoir s’il est plus intéressant de sous-traiter ou de ne pas sous-traiter en fonction de la taille des locaux, par exemple.

Concernant les médicaments, Stéphane Billon, consultant spécialisé en matière d’évaluation médico-économique, propose de « revoir l’ensemble des conventions passées avec les pharmacies d’officine et les distributeurs pour renégocier les prix et les modes de délivrance des produits, en revoyant notamment la préparation des doses à administrer ». Des économies seraient en effet possibles en améliorant la qualité des prescriptions mais aussi en ce qui concerne la préparation des piluliers.

Rassurer les résidents

Enfin, les Ehpad peuvent mieux expliquer leurs contraintes aux résidents et à leur famille ainsi que leurs efforts pour satisfaire les besoins des personnes accueillies. « Ils souffrent généralement d’une mauvaise image auprès du public, note Raoul Tachon. C’est dommage car ils mettent en place une véritable réflexion sur la prise en charge des dépendants psychiques et font de réels efforts pour coopérer avec d’autres services, hospitaliers ou d’hospitalisation à domicile, par exemple. »

 

Le secteur commercial ne connaîtra pas la crise

Selon la récente étude intitulée « Maisons de retraite médicalisées à l’horizon 2013 » du groupe Xerfi, les Ehpad commerciaux se portaient bien en 2012 et continueront sur leur lancée en 2013, avec un chiffre d’affaires global estimé à + 3 % par rapport à l’année dernière. Seul bémol : « Les performances économiques sont à haut niveau mais se détériorent », selon l’étude. En effet, entre 2005 et 2011, « le principal poste de charges des établissements que sont les frais de personnel a progressé plus vite que le chiffre d’affaires sous l’effet de la médicalisation croissante des structures. Cette évolution combinée à la part croissante de l’enveloppe soins (à marge nulle) dans les revenus des opérateurs a entraîné une légère dégradation des performances d’exploitation (- 2 points en cinq ans pour passer sous la barre des 10 % en 2011). »

Une tendance qui n’inquiète pas le groupe Domus Vi, sûr d’augmenter ses performances cette année. Il ne craint pas non plus une baisse du taux d’occupation de ses lits liée à la crise économique. D’ailleurs, il affirme ne pas avoir globalement ressenti de baisse « sauf au premier semestre 2012 en raison du niveau élevé de décès fin 2011 et début 2012 ».

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